L’agglo achète des terres agricoles et crée une zone bio autour de sa ressource en eau (62)
Pour diminuer les concentrations en nitrate dans les eaux brutes, l’agglomération de Lens-Liéven souhaite contrôler les pratiques agricoles autour de ses captages. En 2020, après avoir acquis 11 hectares dans le périmètre du champ captant de Wingles, elle les a mis à disposition de deux exploitants, engagés à la conversion en agriculture biologique.
La communauté d’agglomération de Lens-Liévin (CALL, 250.000 habitants) est marquée par un passé industriel (extraction minière, métallurgie) source de pollutions environnementales. Les pratiques agricoles conventionnelles font aussi pression sur la qualité des eaux brutes souterraines prélevées pour la potabilisation. « Nous avons un grand nombre de captages, ce qui sécurise l’approvisionnement en eau. Notre eau potable présente une conformité de 100 % sur les plans bactériologique et physico-chimique. Cependant, nous avons des contraintes importantes de dénitratation, explique le vice-président en charge de l’eau et de l’assainissement, Pierre Sénéchal. Notre objectif est la reconquête de la qualité de l’eau brute. La protection du champ captant de Wingles est prioritaire, car nous y prélevons 25 % d’eau brute sur 5 forages. »
La CALL acquière les terres agricoles
La CALL a largement investi sur le champ captant de Wingles depuis 2014, en réhabilitant les ouvrages et le réseau existant et en créant 3 nouveaux forages. Une étude sur le transfert des fronts de migration des pollutions azotées a également été réalisée. Parallèlement, la communauté d’agglomération a entamé une politique d’acquisition foncière pour mieux maîtriser les sources de pollution d’origine agricole dans le périmètre rapproché du champ captant, qui s’étend sur 30 hectares autour des forages. « En 2018, nous somme devenus propriétaires de 11 hectares de parcelles agricoles qui étaient jusque-là exploitées en agriculture conventionnelle, témoigne Gaëtan Boyer, directeur eaux et réseaux de la CALL. Nous avons fait appel à l’association Bio en Hauts-de-France pour nous conseiller, en vue d’installer des agriculteurs bio. »
L’association Bio en Hauts-de-France accompagne la collectivité
Bio en Hauts-de-France réalise d’abord le diagnostic agronomique des parcelles, puis rédige l’appel à candidatures, lancé en 2019. « Les éléments techniques apportés par Bio en Hauts-de-France ont orienté le projet vers la confortation d’exploitations existantes, un scénario plus viable économiquement que le démarrage d’exploitations sur la zone, constituée de terres humides. Nous avons cependant aussi réservé une parcelle, en vue de l’installation d’une exploitation maraichère », poursuit le directeur.
Deux producteurs locaux
Cinq candidatures ont été étudiées. La collectivité avait plusieurs critères de sélection : s’engager à certifier les terrains en agriculture biologique (AB), proposer une rotation cohérente, apporter des éléments solides sur les circuits de distribution envisagés, exposer les possibilités de conversion en AB. Deux producteurs locaux conventionnels ont été retenus. « Pour l’un d’eux, en polyculture-élevage, ces nouvelles parcelles permettent d’atteindre l’autonomie fourragère et ainsi d’envisager la conversion de l’ensemble de la ferme laitière en AB », précise le directeur. Les deux agriculteurs ont mis les parcelles en exploitation début 2020, avec l’accompagnement de Bio en Hauts-de-France. L’accompagnement à l’installation en maraîchage diversifié est confié à une autre association, Terre de Liens.
Poursuite de l’acquisition foncière à Wingles
La CALL compte poursuivre l’acquisition foncière jusqu’aux 30 hectares du périmètre de protection rapproché de Wingles et créer à terme un site pédagogique. Pour ce faire, la collectivité a recruté début 2021 un animateur chargé de l’Opération de reconquête de la qualité de l’eau (ORQUE), dont l’une des missions est de coordonner la mise en œuvre de la stratégie foncière et la réflexion sur la mise en place de l’agriculture biologique sur le territoire de la CALL.
Une expérimentation riche d’enseignements
« Nous tirons tous les enseignements de cette démarche expérimentale, reprend l’élu. Concernant nos autres champs captants, l’impulsion de pratiques agricoles biologiques dans les périmètres de protection ne passera pas toujours par l’achat des terres. » L’acquisition foncière a ses limites : le coût d’achat, le fait que les terres visées ne sont pas forcément à vendre, l’impossibilité de conclure un bail rural. En effet, les parcelles acquises au titre de la protection de la ressource en eau ont pris le caractère de domaine public inaliénable. La CALL ne peut donc les louer aux exploitants que par un bail précaire. « Nous avons dû rassurer les exploitants sur notre souhait d’une mise à disposition durable. D’une façon générale, notre approche est le faire ensemble. Autour des autres champs captants, si elle ne devient pas propriétaire, la CALL peut cependant inciter les exploitants à la conversion AB. »
Préservation de la ressource en eau et système alimentaire territorial durable
Avec son objectif de reconquête de la qualité de l’eau, le vice-président en charge de la politique de l’eau pointe ainsi des zones prioritaires sur lesquelles mobiliser les exploitants vers des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement. « L’engagement des exploitants dans une conversion AB dépend aussi de la montée en puissance de filières de distribution courtes. C’est l’une des principales missions à conduire dans le cadre de notre Système alimentaire territorial durable », conclut l’élu.
Un Système alimentaire territorial durable engagé en 2018
Le système alimentaire territoriale durale (SATD) de la communauté d’agglomération de Lens-Liévin est piloté par un comité d’élus portant une large gamme de politiques publiques : eau potable, développement durable, agriculture, politique foncière, cohésion sociale, mobilité. Le SATD vise à développer une stratégie transversale pour l'agglomération, favorisant la constitution de filières d'approvisionnement local, l'accès des habitants à une alimentation de qualité et le développement d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Ce programme a été élaboré avec l'ensemble des acteurs locaux (communes, habitants, opérateurs économiques...) et partenaires techniques et financiers, soit une soixantaine de structures et plus de 200 personnes mobilisées en 2018. Le SATD comprend 4 axes stratégiques : développer les productions locales et/ou bios, intensifier l’approvisionnement local et de qualité pour les cantines, développer une politique foncière (anticipation des transmissions des exploitants), sensibiliser les habitants. Un budget de 520.000 euros est attribué au SATD en 2021.
Communauté d'agglomération de Lens-Liévin
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Pierre Sénéchal
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