Beaumont sécurise son réseau d'eau potable avec une nappe artificielle (07)

« À Beaumont, nous avons de l'eau, mais pas tout le temps ! » C'est Agnès Audibert, maire de la commune depuis 2020, qui le dit. La source principale qui alimente le réseau d'eau potable géré en régie par la commune produit en effet jusqu'à 210 m³ /jour l'hiver mais tombe à 75 m³ /jour à l'étiage d'été. Cela suffirait amplement pour les 250 habitants permanents et les activités agricoles. Sauf que « notre population est multipliée par 3 ou 4 l'été, avec un camping, des gîtes et hôtels, les résidents secondaires qui occupent leurs maisons et les habitants permanents qui accueillent leurs familles ! » Depuis plusieurs années, l'équilibre est donc délicat entre la mi-juillet et la mi-août : « Nous avons parfois été obligés de couper l'alimentation en eau durant quelques heures. »

Comment gagner 10 m³ en période d'étiage ?

La réflexion du conseil municipal débute en 2018 : « Nous nous sommes demandé comment trouver 10 m³ supplémentaires par jour sur les 30 jours d'étiage de notre source, ce qui suffirait à sécuriser l'approvisionnement », poursuit le maire. Pour stocker ces 300 m³ d'eau, un réservoir classique aurait été possible : trop coûteux pour la petite commune. Dans ses recherches, un élu du conseil municipal repère une innovation conçue en 2011 par l'ingénieur Thierry Labrosse, au profit des Malgaches. Le réservoir d'eau enterré plein de sable (Reeps) permet de stocker de l'eau de pluie (l'eau prend la place de l'air entre les grains de sable) et d'éviter qu'elle ne croupisse, grâce à l'effet filtrant du sable et l'absence d'air. Le procédé est simple : on creuse un trou où est installé un géotextile, puis une géomembrane remplie de sable, on referme par une nouvelle géomembrane, recouverte avec les déblais du chantier. Pas besoin de permis de construire, la solution est 2 à 3 fois moins chère qu'un réservoir en béton et également plus durable dans le temps. « Avec notre source située à quelques kilomètres au-dessus du bourg et notre réseau intégralement gravitaire, c'était la solution idéale ! »

L'Agence régionale de santé associée très en amont

Seul bémol, il va falloir « essuyer les plâtres » car c'est une première en France ! « Nous avons associé l'Agence régionale de santé dès le début du projet, elle était un peu frileuse au départ », indique le maire. La mairie propose aussi de remplacer le sable par de la pouzzolane, une roche volcanique filtrante locale qui a un pouvoir de stockage de l'eau supérieur à celui du sable (50 % contre 40 %). « C'était aussi le choix le plus logique d’un point de vue environnemental, car la pouzzolane venait d'une carrière proche. » Un test de stockage de l'eau de source plusieurs mois dans un bidon rempli de pouzzolane apporte des preuves. L'Agence régionale de santé (ARS) ne s’oppose pas à la réalisation de la nappe artificielle pour alimenter le réseau d'eau potable et la mairie lance les demandes de subvention. Nouvelle surprise pour la petite commune : l'Agence de l'eau refuse de subventionner l'installation, au titre de sa ligne « projets innovants ». « Nous n'avons toujours pas compris à ce jour la raison de ce refus », regrette le maire.

La création du réservoir de 600 m³ (avec une capacité de stockage d’eau de 300 m³) s'opère en avril 2022, dans une ancienne carrière achetée par la mairie. Le réservoir est mis en eau tout début juillet de la même année, à partir de la source, ponctuellement dérivée du circuit d'alimentation principal. « Nous n'avons pas eu besoin d'utiliser la nappe artificielle en 2022, souligne l'élue. Nous l'avons quand même vidée en fin d'été pour laver la pouzzolane. Les analyses ont confirmé la bonne qualité de l'eau stockée. » Le réservoir a sécurisé l'alimentation en eau potable pour la première fois à l'été 2023 : « Entre le 7 et le 17 août, nous avons injecté 10 m³ d'eau par jour sur le réseau, toujours en mélange et en prévenant les habitants dès l’autorisation accordée par l’ARS. » La mise en service de la réserve a ainsi permis d’éviter le rationnement de l’eau au robinet.

Les habitants associés au projet et fiers de la réalisation

« Il était essentiel que ce projet soit bien perçu par les habitants, nous les avons donc informés dès l'idée du projet », souligne le maire. À Beaumont, les habitants sont depuis de nombreuses années sensibilisés et associés pour faire baisser la consommation d'eau lors des pics. « Nous gérons aussi en régie directe l'approvisionnement et le traitement, c'est un vrai plus pour une confiance réciproque. » Visite de chantier, inauguration dédiée aux habitants et lettre hebdomadaire d'information sur l'eau potable ont permis d'être transparents sur ce projet inédit. « Aujourd'hui, les habitants sont fiers de cette réalisation et nous avons accueilli de nombreuses délégations en visite. » Pour autant, aucune autre réserve de ce type n'a été réalisée en France, à la connaissance d'Agnès Audibert : « C'est dommage car on pourrait même imaginer une vraie politique à l'échelle d'un bassin-versant, avec plusieurs réserves de ce type, ce qui limiterait les prélèvements dans la ressource l'été. À Beaumont, nous avons osé, et peut-être qu'on a réussi à le faire du fait de notre petite échelle et de notre maîtrise complète du réseau d'eau. Pour moi, c'est une réussite complète », conclut l'édile.