Archives

Réforme de l'intercommunalité - Et si on renvoyait à 2015 les projets les plus compliqués ?

A moins de trois mois du délai fixé par la loi pour l'adoption des schémas de coopération intercommunale, sachant que la situation apparaît difficile dans certains départements, l'Association des maires de France et l'Assemblée des communautés de France appellent le gouvernement à accorder de la souplesse sans remettre en cause l'échéance du 31 décembre prochain. Elles demandent que les prochains schémas ne retiennent que les projets les plus consensuels, les autres étant renvoyés à 2015.

Durant l'été, les communes et leurs groupements ont formulé leurs avis sur les projets de schémas de coopération intercommunale que les préfets avaient présentés au printemps. A présent, la balle est dans le camp des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI). Et celles-ci doivent faire vite. Pour formuler des propositions et délibérer, la loi leur a accordé quatre mois, ce qui est court. Et en pratique, ce délai a été réduit à trois mois dans la moitié des départements, du fait des élections sénatoriales.
Le ministre chargé des collectivités locales, Philippe Richert, avait affirmé dès le mois de mai dernier que certaines commissions départementales disposeraient "exceptionnellement" d'un délai supplémentaire (lire ci-contre notre article du 6 mai 2011). Mais la plupart des préfets devraient avoir arrêté la carte intercommunale le 31 décembre 2011, indiquait-il. Depuis, la position du gouvernement n'a pas varié. Et ce, malgré la demande d'un moratoire exprimée après les élections sénatoriales par des élus, tel Philippe Madrelle, sénateur et président du conseil général de Gironde. En juin, le gouvernement avait déjà été inflexible lorsque le sénateur Hervé Maurey avait demandé un délai supplémentaire de deux mois pour l'adoption des schémas.
Du côté des associations représentant l'intercommunalité, on estime qu'il faudra bien faire avec cette date butoir de la fin de l'année - qu'il est trop tard pour revenir sur ce choix du gouvernement, qu'a validé le Parlement. Plutôt que de freiner, il faut selon elles, au contraire, accélérer. Le préfet devra en effet accepter les amendements que la CDCI adoptera, d'ici la fin de l'année, à la majorité des deux tiers de ses membres présents, rappellent-elles. S'ils s'unissent, les élus locaux se trouvent donc en position de force. Ce pouvoir d'amendement sera pérennisé en 2012 et 2013 à la condition qu'un schéma départemental soit adopté en 2011. En substance, "ne laissons pas passer notre chance", disent les associations d'élus. Or, dans le même temps, elles font valoir que les élus locaux ont besoin de travailler "en toute quiétude", tout particulièrement dans les cas de fusion de communautés.

Méthode en deux temps

La solution pour s'en sortir : découper la réforme en deux temps. C'est ce que demandent à la fois l'Association des maires de France (AMF) et l'Assemblée des communautés de France (ADCF) dans deux communiqués distincts. Les schémas adoptés d'ici le 31 décembre prochain ne contiendraient ainsi que les projets qui sont "mûrs et consensuels". Quant aux projets sur lesquels la réflexion n'aurait pas encore abouti, ils ne figureraient pas dans le schéma. Ou ils pourraient y figurer, mais seulement en tant qu'"hypothèses de travail", précise l'ADCF. Ces projets seraient examinés en 2015 au moment de la "clause de revoyure" prévue par la loi, qui serait ainsi avancée de deux ans sur le calendrier prévu.
Globalement, cette méthode serait mise en œuvre "à droit constant". D'autres demandes exprimées par les associations d'élus locaux exigent en revanche des adaptations législatives. Comme le report à 2014 de l'application des règles de plafonnement du nombre de sièges des organes délibérants et exécutifs des EPCI. Si les règles étaient appliquées dès 2012 ou 2013 aux intercommunalités issues de fusions ou de transformations, elles conduiraient à mettre fin prématurément aux mandats de nombreux délégués communautaires et, du coup aussi, remettraient en cause la représentation de certaines communes au sein des instances communautaires.
L'autre difficulté qui est vite apparue après la promulgation de la loi de réforme des collectivités concerne la mise en œuvre des compétences de proximité des communautés (écoles, établissements de personnes âgées, portage de repas à domicile, crèches, etc.). Ces compétences, qui ne posent pas trop de problèmes à l'intérieur d'une petite communauté, deviennent un véritable casse-tête à l'échelle d'un vaste territoire communautaire. Faut-il dans ces cas là remunicipaliser les compétences en question ? "C'est impossible financièrement", répond l'AMF, qui ajoute qu'"en plus, on ne fait pas la réforme de l'intercommunalité pour que les communes reprennent les compétences". La solution serait pour l'AMF d'avoir recours à des syndicats intercommunaux. Ce qui serait cependant un peu paradoxal alors que la réforme vise à réduire le nombre des syndicats. Mais selon l'ADCF, c'est une issue à laquelle se résolvent certains préfets. Toujours du côté de l'ADCF, on cite cette piste, mais aussi d'autres, telles que les ententes communales, parfaitement envisageables sans changement de la législation. "Ne pourrait-on pas aussi, ajoute-t-on à l'ADCF, imaginer des 'communautés à la carte', c'est-à-dire des communautés exerçant une compétence pour une partie seulement de leur territoire ?". Mais l'association présidée par le président de la communauté d'agglomération de Rennes, Daniel Delaveau, reconnaît que cette solution "est un peu un détournement de l'esprit de la loi Chevènement". Elle la soumettra tout de même au débat lors de la convention annuelle qu'elle organise les 13 et 14 octobre prochains à Rennes.

Des textes de lois qu'on n'attendait pas

L'ADCF appelle à des ajustements législatifs bien précis, qui ne sont pas toujours ceux que défend l'AMF. Elle réclamera en particulier le transfert à la communauté de tous les agents qui participent à des services communs : le régime de mise à disposition des agents prévu par la loi de réforme des collectivités compliquerait la mise en œuvre des projets de mutualisation, car dans ce cas, on maintient l'existence de plusieurs employeurs. L'amendement porté par l'ADCF ne sera sans doute pas apprécié par l'AMF, qui soutient au contraire le régime de la mise à disposition. L'ADCF portera aussi des amendements concernant le transfert des pouvoirs de police des présidents des EPCI.
Reste à l'AMF et à l'ADCF à trouver rapidement un véhicule législatif en rapport avec leurs préoccupations. Or, elles ne sont plus certaines de pouvoir compter sur le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et à la démocratie locale. Le texte pourrait ne pas être examiné d'ici la fin de la session parlementaire, contrairement aux annonces faites au printemps par Philippe Richert. La proposition de loi Doligé de simplification des normes - sur laquelle, récemment encore, les associations d'élus reportaient leurs espérances - pourrait en définitive, compte tenu des nouveaux rapports de force au Sénat, ne pas être portée non plus à l'ordre du jour, indique-t-on à l'AMF. Resterait la proposition de loi que le sénateur Jean-Pierre Sueur a déposée le 19 septembre et dont l'objet est de "préserver les mandats en cours des délégués des EPCI menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité". L'AMF n'exclut pas une autre piste : le dépôt d'une proposition de loi par son président, le député-maire de Lons-le-Saunier, Jacques Pélissard.
Le gouvernement apportera son soutien à certains des aménagements réclamés par les associations d'élus locaux, en particulier le report de l'application des nouvelles règles concernant le nombre des élus siégeant dans les EPCI. Le ministre chargé des collectivités locales l'a confirmé dans une récente interview au quotidien l'Alsace. En revanche, on ne sait comment il accueillera les propositions concernant la méthode de mise en œuvre de la réforme, qui reviennent sans le dire à modifier un peu le calendrier.

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis