ADCF - Réforme intercommunale : attention, chantier sensible !
"Dans la vie, il faut prendre beaucoup de risques avec un maximum de précautions." C'est en citant ces propos de l'écrivain Rudyard Kipling que le ministre chargé des collectivités territoriales, Philippe Richert a résumé les principes, apparemment difficiles à concilier, qui guident l'Etat dans l'élaboration des cartes intercommunales. Le ministre s'exprimait ainsi ce mardi 24 mai lors de la 8e journée des présidents d’agglomération organisée par l'Assemblée des communautés de France (ADCF) à l'hôtel des Invalides. Les préfets, a-t-il expliqué, sont en effet appelés à "co-produire" la carte intercommunale avec les élus locaux, dans le cadre d'une concertation qui doit "permettre de dégager le maximum de solutions consensuelles".
A la fin de l'année, la commission de coopération intercommunale (CDCI) de chaque département aura à se prononcer sur un projet de schéma "modifié" pour prendre en compte les résultats de la concertation, a indiqué le ministre. Une précision qui n'était pas inutile, car, comme l'ont confirmé les débats de la première table ronde de cette journée, beaucoup d'élus pensent que la carte qui sera soumise au vote de la CDCI sera celle que le préfet a présenté au cours de ce printemps.
Mais la concertation approfondie "n'interdit pas d'être ambitieux", a affirmé le ministre... qui a visiblement été écouté par une majorité de préfets. Les projets de schémas réduisent le nombre des communautés à fiscalité propre en moyenne de 32%. Dans certains départements, comme le Lot ou les Hautes-Alpes, les préfets ont même prévu une baisse des deux tiers. S'agissant des syndicats de communes, la volonté de simplification est encore plus forte, puisqu'elle est de 36% en moyenne. L'ambition est donc bien au rendez-vous.
Mais il faut "aller jusqu'à un certain point", a avertit le ministre, reconnaissant qu'il fallait faire "attention à ne pas être en rupture avec le territoire". Il a aussi affirmé que "l'objectif n'est pas de faire du gigantisme"... Une remarque apparemment anodine qui répondait en fait aux critiques formulées ces dernières semaines par un certain nombre d'élus locaux.
En élaborant les cartes intercommunales, l'Etat et les élus locaux ont à définir des "périmètres pertinents". La difficulté de l'exercice réside dans le fait que cette notion est "à géométrie variable", a estimé mardi Jacqueline Gourault, sénatrice et présidente de la commission Intercommunalité de l'Association des maires de France. Faut-il en effet nécessairement rattacher une communauté de communes, qui fonctionne bien, à la communauté d'agglomération voisine, sous prétexte qu'elles partagent le même bassin de vie, s'est-elle interrogée. Dans certains cas "tout ne peut se faire d'un coup" et "il faut des étapes", a-t-elle répondu. Il faudrait, autrement dit, procéder par touches successives.
Corriger la réforme ?
Cette idée est partagée par Charles-Eric Lemaignen, président de la communauté d'agglomération d'Orléans et vice-président de l'ADCF. Ceci, notamment, en raison du calendrier de la réforme intercommunale : celui-ci télescope les élections sénatoriales et n'est au fond pas si loin des élections municipales. "Il faut respecter le temps politique", admet l'élu. Mais, ajoute-il, il faudrait du coup prévoir une "clause de revoyure". Histoire de remettre les cartes intercommunales sur le métier au lendemain des élections de 2014. Les mécanismes de la réforme de l'intercommunalité auraient donc besoin d'un peu d'huile pour ne pas se gripper trop vite.
C'est aussi ce que pense Jacqueline Gourault. L'élue a notamment relevé que si les règles de réduction du nombre des vice-présidents des conseils communautaires s'appliquent dès 2012 aux communautés qui vont fusionner, comme la loi le prévoit, des difficultés sont prévisibles. Car ces règles auront évidemment pour conséquence de mettre un terme plus tôt que prévu à certains mandats. Le ministre a reconnu que ceci posait problème. Et s'est dit prêt à soutenir, dans le cadre du projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale - dont le Parlement débattra d'ici à la fin de l'année - un amendement qui permettrait de porter à leur terme les mandats menacés.
Daniel Delaveau, le président de l'ADCF, avait pour sa part appelé quelques instants plus tôt à saisir la "chance historique" que constitue en 2011 l'exercice de rationalisation de la carte. Et à "agir dès maintenant" pour relever les défis de la réforme intercommunale. Sachant, ajoutait-il, que "les partisans de l'immobilisme ne vont pas manquer d'arguments pour repousser les échéances".