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Réforme de l'intercommunalité - Les communes et leurs groupements se prononcent sur les projets de schémas

La plupart des 36.600 communes, 2.600 communautés et 15.300 syndicats rendront d'ici le mois d'août leur avis sur le projet de schéma départemental de coopération intercommunale. Une vaste concertation qui arrive trop tôt... ou trop tard. Et qui ne changera pas grand-chose, critiquent certains élus.

En Seine-Maritime, les assemblées de deux EPCI viennent de se prononcer en faveur de la fusion préconisée par le préfet. Une fusion qui devrait se concrétiser dès l'année prochaine, bien que l'étude préparatoire à l'opération soit "très succincte", déplore une élue d'une commune opposée au projet, qui fera valoir sa position dans une prochaine délibération. Comme cette commune qui s'est fait entendre au cours d'une rencontre d'actualité organisée le 22 juin à Paris par l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et Mairie-conseils, la plupart des communes, communautés et syndicats de toute la France vont bientôt, au début de l'été, donner leur avis sur le projet de carte intercommunale.
Mais cette consultation, prévue par la loi, n'aura pas beaucoup d'effet, regrettent d'ores et déjà un certain nombre d'élus, conscients que les délibérations en question n'ont qu'une valeur consultative. "L'avis des communes n'a vocation qu'à éclairer les travaux de la commission départementale de coopération intercommunale" (CDCI), corrobore Emmanuel Duru, responsable des affaires juridiques de l'ADCF. Certains élus soulignent, à l'inverse, l'influence non négligeable que les personnalités politiques – parlementaires, ministres ou anciens ministres, présidents de conseils généraux notamment - ont joué et joueront  sur les projets de cartes.

Référendums locaux

Cette crainte que les communes ne soient pas écoutées conduit certains maires à organiser des référendums locaux. Deux ont déjà eu lieu et d'autres sont en projet. Ces consultations citoyennes représentent pour les communes le moyen de donner la parole à leurs habitants, mais aussi de donner plus de poids à leur avis dès lors que celui-ci sera conforté par la population. L'organisation de ces opérations sur les projets de carte intercommunale ne sont toutefois pas sans risques. Ainsi, le tribunal administratif du Nord a jugé illégal le référendum organisé par le maire d'Haumont, lequel encourt des sanctions administratives.
Référendum ou pas, la délibération des conseils locaux doit respecter un certain nombre de règles, qui s'avèrent minimalistes. Sur le plan du contenu, l'avis de la commune ne doit en théorie porter que sur les hypothèses qui la concernent directement. Mais en réalité, cet avis peut tout à fait viser le schéma dans son ensemble, assure Emmanuel Duru, qui recommande en tout cas aux conseils municipaux d'argumenter leur position.
Sur la forme, les communes ne rendront qu'un seul avis, cet été. Ce qui n'est pas sans gêner certains élus, notamment des élus ruraux (lire notre encadré ci-dessous) qui voudraient se prononcer plus tard, une fois que des simulations sur l'impact des changements de périmètres envisagés auront été réalisées – c'est-à-dire d'ici la fin de l'année. Dans certains départements, les services de l'Etat effectueront en effet des études qu'ils mettront à la disposition des collectivités. Certains préfets ont de ce fait accordé un sursis aux collectivités et groupements de leur département afin que ceux-ci disposent de ces simulations pour prendre officiellement leur position sur le projet de schéma. Ces traitements de faveur semblent toutefois ultra-minoritaires.

La CDCI aura du poids

Les élus d'autres départements auront beaucoup moins de chance, n'étant même pas certains que l'administration d'Etat ait les moyens de réaliser les simulations dès cette année. Ils protesteront peut-être, mais l'Etat ne sera pas en faute : "juridiquement, l'étude d'impact n'est obligatoire que lorsque le préfet prend l'arrêté portant sur les périmètres", souligne Emmanuel Duru.
Si les conseils locaux ne délibèrent donc pas dans les meilleures conditions, on n'oubliera pas qu'ils ont néanmoins une autre carte à jouer : ils pourront naturellement plaider leur cause auprès de leurs représentants à la CDCI. Une instance qui aura un réel poids dans la délimitation finale de la carte. A condition, toutefois, que les deux tiers de ses membres présents parviennent à s'entendre. Dans ce cas, ils pourront imposer un projet alternatif à celui du préfet. Sinon, le schéma préconisé par le représentant de l'Etat prévaudra.
Pour que la CDCI mette toutes les chances de son côté, ses membres auront intérêt à "se mettre d'accord sur une proposition unique", ou du moins à présenter "une contre-proposition avec des amendements rassemblés" favorisant "une vision cohérente", indique Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF. Celui-ci relativise d'ailleurs les conséquences d'un scénario dans lequel la CDCI ne parviendrait pas à l'emporter faute d'avoir réuni la majorité qualifiée requise : "Je n'imagine pas des préfets imposer des fusions contre tous les élus simplement parce qu'elles sont inscrites au schéma."
Selon l'ADCF, les projets présentés au cours du printemps dernier par les préfets dessinent une France composée de quelque 1.750 communautés et de 8.000 à 10.000 syndicats de communes.

Thomas Beurey / Projets publics

Pour les maires ruraux, les communes n'ont "aucune visibilité"
"Qui a déjà rénové sa maison sans devis ? Personne." L'Association des maires ruraux de France (AMRF) critique durement les conditions dans lesquelles les communes sont appelées à rendre leur avis sur les projets de schémas de coopération intercommunale. Sans la connaissance des simulations sur l'impact des périmètres proposés par le préfet, les élus n'ont "aucune visibilité". L'association demande par conséquent, un report des délais d'élaboration du schéma.