Insertion / Emploi - Et si la prime d'activité n'était qu'un RSA bis ?
Quatre mois après sa création, la prime d'activité - née de la fusion du RSA activité et de la prime pour l'emploi (PPE) - constitue un succès indéniable et a déjà dépassé les objectifs chiffrés pour 2016 (voir nos articles ci-contre). Pourtant, dans le dernier numéro de sa lettre d'information, le Centre d'études de l'emploi (CEE) jette un doute sur cette prestation et se demande si "cette prime réussira, mieux que le RSA activité, à soutenir les faibles revenus du travail".
La prime d'activité, un "simple aménagement"
Menée par trois chercheurs - dont Dominique Méda, qui n'a jamais caché ses réserves sur la prime d'activité -, l'étude part d'un constat : la prime d'activité apparaît comme "un simple aménagement" du RSA activité. Dans la fusion entre la PPE et le RSA activité, c'est en effet la logique et les mécanismes de ce dernier qui l'emportent très largement : allocation différentielle, détermination du montant en fonction de la composition et des ressources du foyer, calcul sur trois mois fixes, versement par les CAF...
Dans ces conditions, la prime d'activité apparaît comme "un RSA bonifié". Pour le CEE, "la seule différence avec le RSA activité est l'ajout au revenu garanti d'un bonus individuel, sur lequel s'est concentrée toute la communication gouvernementale". Dans le cas d'une personne seule, ce bonus - obtenu à partir d'un revenu de travail de 39% du Smic - peut augmenter le revenu garanti jusqu'à 6% pour l'équivalent d'un Smic.
Mais, malgré l'affirmation d'individualisation du bonus, "la prime d'activité s'inscrit dans la logique différentielle du RSA et reste un droit quérable (il doit être réclamé). Elle s'oppose aux principes et aux modalités de la PPE, crédit d'impôt individuel calculé à partir des seuls revenus du travail". En outre, la configuration finale de cette prestation est "bien éloignée de celle que le groupe de travail piloté par Christophe Sirugue avait envisagée". Le scénario retenu était en effet celui d'une prestation strictement individualisée, reposant sur les seuls revenus d'activité.
Une logique d'aide sociale pour soutenir les bas revenus
Du coup, l'étude du CEE se demande "comment la prime d'activité, si proche du RSA, peut contribuer à faire diminuer le taux de pauvreté, le grand échec du RSA". Pour y parvenir, il faudrait que le recours à cette nouvelle prestation par les ménages éligibles les mieux dotés soit très important, ce qui n'avait pas été le cas avec le RSA activité. Pour le CEE, une telle diminution du non recours "comparée aux près de 70% constatés pour le RSA activité n'est possible que si les jeunes, qui représentent une nouvelle part des bénéficiaires, la réclament massivement". Sur ce point - et même s'il faut attendre pour avoir une idée plus précise du taux de non recours -, il n'est pas sûr que les craintes du CEE se confirment. L'"effet simulateur" - facile d'accès et très médiatisé - pourrait en effet avoir joué un rôle d'accélérateur.
Quel que soit le résultat final, il reste que la question de fond posée par l'étude reste valable : le choix d'inscrire la prime d'activité dans la lignée du RMI/RSA - un revenu d'existence correspondant à une logique de besoin et relevant du Code de l'action sociale et des familles - plutôt que dans celle d'une PPE améliorée - disposition fiscale prenant en compte les seuls revenus d'activité de chacun des membres du foyer fiscal - est-il réellement susceptible de répondre à la question du soutien des bas revenus d'activité ? Dans leur conclusion, les auteurs de l'étude ne cachent d'ailleurs pas leur préférence pour une évolution vers un revenu universel.