Habitat - En dix ans, les prix du logement ont augmenté beaucoup plus vite que les revenus
Il y a quelques jours, l'Insee publiait les résultats d'une étude sur "L'accession à la propriété dans les années 2000" (voir notre article ci-contre du 17 mai 2010). Celle-ci portait uniquement sur la première moitié de l'actuelle décennie - et ne prenait pas en compte, de ce fait, les effets de la crise de l'immobilier - et dressait un portrait des accédants. La nouvelle étude dévoilée par l'Insee complète et approfondit cette première approche, en se penchant sur "Le prix des logements anciens" (au sens fiscal du terme, c'est-à-dire ceux construits depuis plus de cinq ans ou faisant l'objet d'une seconde mutation). Elle répond surtout à la question suivante : comment expliquer que le nombre de propriétaires augmente régulièrement, alors que le coût de l'accession est de plus en plus élevé ?
Côté prix, les résultats sont particulièrement édifiants. L'étude montre en effet que les prix des logements anciens ont augmenté de façon ininterrompue de la fin des années 1990 jusqu'à 2008. Entre 2000 et 2007, le coût moyen des logements anciens a ainsi doublé. Sur la durée, cette progression a été pratiquement identique sur l'Ile-de-France et la province. Elle a d'abord été plus rapide pour les maisons jusqu'en 1999, puis pour les appartements à partir de 2000 en Ile-de-France et de 2002 en province. En termes géographiques, c'est Marseille qui a connu la plus forte hausse avec des prix multipliés par 2,7 entre 2000 et 2007, suivie de Lyon (multiplication par 2,5) et de l'Ile-de-France (2,1). La correction introduite par la crise immobilière depuis 2008 est réelle, mais n'entame qu'à hauteur d'environ 10% le mouvement de hausse observé depuis 2000. Cette véritable explosion des prix du logement ancien - que l'on retrouve d'ailleurs dans le neuf - est sans commune mesure avec la hausse de loyers et, plus encore, avec celle du revenu disponible. Ainsi, pour une base 100 en 2000, l'indice du prix des logements anciens se situait à 209 en 2008 et à 194 en 2009. Sur cette dernière année, l'indice des loyers du secteur libre se situait à 127, celui du revenu disponible par ménage à 125 et celui du revenu disponible par unité de consommation à 131. En d'autres termes, la hausse du prix moyen du logement a été supérieure de 55% à celle du revenu disponible par ménage.
Dans ces conditions, il n'est pas très difficile de trouver la réponse à la question évoquée plus haut : pour continuer à accéder à la propriété, les ménages ont dû accroître leur endettement. Pour l'illustrer, l'Insee se livre à un calcul très significatif : "Pour acheter le même logement ancien, avec le même taux d'effort initial et avec le même apport personnel en proportion du revenu, un ménage qui se serait endetté sur 14 ans en 2000 aurait dû s'endetter sur 27 ans en 2006 et 31 ans en 2008 (24 ans en 2009 grâce à la baisse du prix des logements et à la diminution des taux d'intérêt)". Dans les faits, la durée moyenne des emprunts s'est accrue de six ans entre 1999 et 2006, tandis que le prix du logement acheté passait de 3 à 4,2 années de revenu de l'acheteur. L'étude pointe également une autre explication au fait que le marché de l'accession soit demeuré très actif (sauf en 2008 et 2009) malgré la forte hausse des prix. Il s'agit en l'occurrence de la "dégradation" des logements achetés, qui compense une partie du coût supplémentaire. Cette dégradation peut, bien sûr, porter sur la superficie du logement. Mais elle peut aussi être de nature géographique, en poussant les ménages à acheter de plus en plus loin des centres-ville. Ce déplacement géographique du marché de l'accession pourrait notamment expliquer le fait que les prix en Ile-de-France ont augmenté particulièrement vite à Paris en 1999 et 2000, puis en banlieue parisienne à partir de 2004, puis en grande couronne de 2005 à la fin de 2006.
Jean-Noël Escudié / PCA