Électricité cet hiver : les voyants sont au vert

Grâce à la poursuite des efforts de sobriété, une amélioration de la disponibilité du parc nucléaire ou encore un bon remplissage des barrages, RTE juge faible le risque de rupture d’approvisionnement électrique cet hiver. Pour autant, les autorités travaillent à un renforcement des mesures de sauvegarde activées en cas de tension sur le réseau, avec l’expérimentation prochaine d’une limitation temporaire de puissance qui affecterait les consommateurs résidentiels. Par ailleurs, afin de se rapprocher davantage encore d’une production "0 émission", le dispositif ÉcoWatt s’est enrichi d’un nouvel indicateur.

"La situation s’annonce moins tendue que l’an passé". Présentant ce 8 novembre les perspectives pour la sécurité d’approvisionnement en électricité de l’hiver 2023-24, Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français, s’est montré confiant et serein. Les différents voyants étant au vert, les craintes de l’an passé (voir notre article du 14 septembre 2022) semblent bien loin :

- les importants efforts de sobriété conduits l'année dernière (consommation en baisse de 9%, correction des effets météorologiques incluse) se poursuivent (-8% en septembre) et RTE parie que le maintien des prix élevés de l’électricité d’une part, et un réflexe civique d’autre part, et le lancement d’un nouveau plan gouvernemental de sobriété (voir notre article du 20 juin) devraient conjurer le risque d’un relâchement ;

- la disponibilité du parc nucléaire est "en forte amélioration", après avoir atteint un plus bas historique l’an passé. Elle atteint environ 40 GW pour l’heure (contre 30 GW l’an passé), avec l’espoir qu’elle tutoie les 50 GW mi- janvier (soit 6 GW de plus qu’en janvier dernier) ;

- l’hydraulique, 2e source d’approvisionnement, est dans une situation "très favorable, dans le haut de l’enveloppe historique", grâce au "très bon remplissage des barrages au printemps et au début de l’automne" ;

- le rythme d’installation des énergies renouvelables (EnR) reste comparable à celui de l’an passé, l’apport de l’éolien marin (0,5 GW avec le parc de Saint-Nazaire en fonctionnement depuis un an, puis 1 GW avec l’entrée progressive en fonction des parcs de Saint-Brieuc et de Fécamp) permettant de garder le rythme sur l’éolien. Thomas Veyrenc, membre du directoire de RTE, souligne toutefois que "si l’éolien va redevenir la 3e source d’approvisionnement comme en 2021", après avoir perdu sa place sur le podium l’an passé du fait de la sollicitation plus forte des centrales à gaz, "nous ne sommes pas encore sur une trajectoire d’accélération des EnR" ;

- les stocks de gaz sont remplis quasiment à 100%, sa consommation devrait rester en retrait cet hiver et l’approvisionnement "ne constitue pas un facteur de risque majeur" ;

- les gisements d’effacements de consommation mobilisables par les entreprises ou les particuliers sont en hausse et les capacités techniques d’échange avec les pays étrangers sont "a minima égales à celles de l’an passé".

Fin de la surprime pour la France

In fine, RTE estime donc le risque de tensions "très faible" pour le début de l’hiver, et "faible" pour la suite. La sollicitation des deux dernières centrales à charbon (Cordemais en Loire-Atlantique et Saint-Avold en Moselle) devrait être en conséquence limitée, Thomas Veyrenc observant que "la France est déjà quasiment sortie du charbon ; même en 2022, la production est restée anecdotique (0,6% du mix)". Seules une forte reprise de la consommation, de mauvaises conditions météorologiques (hiver froid et sans vent) ou des difficultés rencontrées par le parc nucléaire pourraient ternir le tableau. Cerise sur le gâteau, si les prix spot de l’électricité restent élevés, ils sont bien inférieurs à ceux de l’an passé. "Début octobre, ils étaient de 80 euros en moyenne, contre 225 euros l’an passé. Les prix de marché pour la France sont désormais cohérents avec les fondamentaux et les autres pays européens. La prime de risque spécifique à la France s’est effondrée", constate Thomas Veyrenc. Enfin, la France est redevenue exportatrice nette au premier semestre de l’année. 

Mesures de sauvegarde : un nouvel étage dans la fusée

Ces perspectives rassurantes n’empêchent pas les autorités de vouloir renforcer les moyens de sauvegarde mis en œuvre en cas de déséquilibre du système pour éviter son effondrement, alors que le risque de "black-out" avait fortement agité les esprits l’an passé. Avant d’arriver au dernier étage de la fusée – le délestage, ces coupures d’électricité "organisées, temporaires et tournantes" qui affectent les particuliers –, trois leviers sont jusqu’ici successivement prévus : le dispositif EcoWatt lancé l’an passé, l’interruptabilité pour les sites professionnels et la baisse de 5% de la tension sur les réseaux de distribution. Un 4e est à l’étude, qui viendrait s’insérer entre cette baisse de tension et les coupures : la limitation temporaire de puissance, qui toucherait les consommateurs résidentiels via les "compteurs intelligents". Concrètement, le dispositif "permettrait de pouvoir s’éclairer, d’utiliser un radiateur, d’avoir sa box internet, de recharger son téléphone, de faire fonctionner son réfrigérateur mais ne permettrait pas d’utiliser l’ensemble des équipements pour les foyers disposant d’équipements importants", explique Jean-Paul Roubin, directeur exécutif Clients, marchés et exploitation de RTE. Il précise que l’expérimentation de cette solution devrait être prochainement lancée sur quelque 200.000 foyers représentatifs qui restent encore à définir.

Se rapprocher encore du 0 émission

Par ailleurs, le dispositif EcoWatt s’est enrichi depuis ce mardi soir d’une nouvelle fonctionnalité : il affiche désormais les heures durant lesquelles la France peut couvrir l’intégralité de sa consommation à partir d’une production nationale d’électricité entièrement décarbonée (d’origine nucléaire ou renouvelable). L’objectif est là encore d’optimiser la consommation, en la limitant en période de tension – afin d’éviter le recours aux centrales thermiques fossiles – "pour la positionner lorsque la production d’électricité bas-carbone est abondante et bon marché", explique Xavier Piechaczyk. "Si la production française est déjà l’une des plus décarbonées du monde – en moyenne, la part de la production décarbonée est supérieure à 90% –, elle peut encore se rapprocher du 0 émission", insiste-t-il.