Culture - Egalité des sexes : la culture se traîne en queue de peloton
Alors que le Conseil des ministres vient d'adopter le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes (voir notre article ci-contre du 3 juillet 2013), Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice des Hauts-de-Seine (CRC) et vice-présidente de la commission de la culture, a remis son rapport d'information sur la place des femmes dans l'art et la culture. Son sous-titre "Le temps est venu de passer aux actes" dit assez que le constat est plus que mitigé.
Du sexisme au harcèlement
La sénatrice ne mâche pas ses mots : rien n'a bougé depuis le rapport de Reine Prat, inspectrice générale de la culture, en 2006. Celle-ci constatait déjà que la parité entre hommes et femmes était à peu près atteinte pour les postes d'administration des grandes institutions culturelles (avec même un léger avantage numérique pour les femmes), mais qu'entre 75% et 98% des postes de direction étaient occupés par des hommes, surtout dans le secteur artistique. Deux autres rapports sont venus, en 2011, confirmer ce phénomène, dont le rapport de Michèle Reiser et Brigitte Grésy sur la place des femmes dans les médias.
Le rapport de Brigitte Gonthier-Maurin apporte sa pierre à l'édifice. Mais il va plus loin en expliquant que "les auditions ont mis au jour une pratique scandaleuse apparemment généralisée : la banalisation des comportements sexistes dans les écoles d'art". Au vu des témoignages évoqués, le mot "sexuels" serait plus approprié.
Le rapport dénonce également les stéréotypes véhiculés dans les contenus culturels. Il pointe notamment l'image de la femme dans la presse féminine (85,7% de femmes jeunes, 92,6% de femmes à peau blanche et 92,7% de femmes minces). Le rapport souligne par ailleurs "l'invisibilité" des créatrices : 15% des pièces de théâtre écrites par des femmes, 25% des films réalisés par des femmes, 10% des auteurs de bandes dessinées... Dans un domaine comme la danse, longtemps considéré comme un bastion féminin, la part des femmes a en réalité reculé et on voit mal qui prendra la relève des Régine Chopinot, Odile Duboc, Catherine Diverrès, Mathilde Monnier ou Maguy Marin, qui étaient à la tête de 40% des centres chorégraphiques nationaux dans les années 1980 et sont aujourd'hui remplacées par des hommes.
Vingt-cinq opéras, une directrice
Enfin, le rapport confirme "la monopolisation par les hommes des postes de direction des institutions et industries culturelles". Il cite notamment une étude réalisée en 2011, montrant que, dans les institutions publiques du spectacle vivant, 81,58 % des postes à responsabilité sont occupés par des hommes. Le record est atteint avec la musique, puisque les 25 opéras de la Réunion des opéras de France ne comptent qu'une seule directrice... Mais la situation n'est pas vraiment meilleure dans d'autres secteurs, comme la direction des grands médias.
Face à un constat aussi accablant, les mesures proposées paraissent un peu en retrait. Il y est surtout question de "renforcer la prise de conscience et la sensibilisation" et de "responsabiliser l'ensemble des acteurs, publics et privés". Il est vrai toutefois que le rapport n'exclut pas certaines mesures plus contraignantes, comme l'instauration d'un objectif (et non pas un quota aveugle) du "tiers" : un tiers de films de femmes parmi les oeuvres sélectionnées par les commissions de soutien du Centre national du Cinéma, un tiers de femmes à la direction des institutions culturelles...
Un point positif à souligner cependant dans le rapport : "La question de l'égalité hommes-femmes, autrefois accessoire, est devenue un sujet à part entière au sein du ministère de la Culture", avec en particulier la nomination d'une haut-commissaire à l'égalité, chargée notamment de mettre en place un Observatoire de l'égalité dans le domaine de la culture et de la communication.