Archives

Communication - Droit d'auteur : une affiche est-elle une oeuvre composite ?

Jusqu'à présent, il était admis qu'une affiche constituait une oeuvre composite. En d'autres termes, reproduire une affiche sur un site internet ou dans une publication ne supposait pas le versement de droits à l'auteur ou aux auteurs des éléments (photos, illustrations...) figurant sur l'affiche. Mais une décision du 16 mai 2012 de la Cour de cassation (première chambre civile) semble remettre en cause ce principe. Si elle se confirme, cette jurisprudence risque de soulever de sérieux problèmes pratiques. Avant de reproduire une affiche sur un site internet ou dans une publication, il ne faudrait plus seulement s'assurer de l'accord de l'auteur de l'affiche, mais aussi de celui des auteurs de tous les éléments qui la composent...
En l'espèce, M. X est l'auteur d'une photographie dont il a cédé les droits de reproduction pour la réalisation d'une affiche du Parti communiste, destinée à dénoncer les franchises médicales. Quelque temps plus tard, il découvre, sur un blog, un article sur les franchises médicales, illustré par une reproduction de l'affiche incorporant sa photo. Il assigne alors l'auteur du blog en contrefaçon devant la juridiction de proximité du 3e arrondissement de Paris. Celle-ci, constatant que le blog incriminé reproduit l'affiche dans son intégralité, considère que le litige concerne la reproduction d'une oeuvre composite dont les droits d'auteur patrimoniaux du photographe ont été cédés à l'auteur de l'affiche. Elle déclare donc M. X irrecevable en son action tendant à se voir indemniser d'un préjudice lié à ses droits patrimoniaux.
La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement. Elle juge en effet "qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la cession intervenue couvrait la reproduction de l'affiche réalisée par un tiers pour illustrer un site internet, la juridiction de proximité n'a pas donné de base légale à sa décision". La Cour suit ainsi la défense de M. X, qui plaidait que "la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à sa durée". Or M. X faisait valoir qu'il n'avait jamais autorisé quiconque à diffuser sa photographie sur un site internet sans son accord préalable.
Certes, la Cour casse et annule le jugement de la juridiction de proximité du 3e arrondissement "seulement en ce qu'il a déclaré M. X. irrecevable à agir en défense de ses droits patrimoniaux" et renvoie les parties devant la juridiction de proximité du 4e arrondissement de Paris. Il faudra donc attendre ce nouveau jugement pour avoir une position de fond. Mais, en reprochant au jugement initial de n'avoir pas "recherché si la cession intervenue couvrait la reproduction de l'affiche réalisée par un tiers pour illustrer un site internet", l'arrêt de la Cour de cassation met à mal l'idée, jusqu'alors couramment admise, qu'une affiche est une oeuvre composite qui ne peut être considérée - en termes de droits patrimoniaux - que dans sa globalité. 

Jean-Noël Escudié / PCA
 

Référence : Cour de cassation, première chambre civile, arrêt n°11-11810 du 16 mai 2012.