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Communication - Toute photographie n'est pas une oeuvre d'art

Dans un arrêt du 20 octobre 2011, la Cour de cassation prend une position qui ne manquera pas de satisfaire les directions de la communication et, plus largement, tous les éditeurs de supports faisant appel à des photographies. En l'espèce M. X poursuivait une revue éditée par la cité phocéenne et intitulée "Marseille, la revue culturelle de la ville de Marseille". Celle-ci reproduisait, sans l'autorisation de l'intéressé, une photo "représentant deux rougets dans une assiette à fond jaune". La mairie avait également reproduit cette même photo sur une affiche à vocation publicitaire. Faisant valoir que la photo incriminée portait "à l'évidence la marque de la personnalité de son auteur", M. X poursuivait la ville en contrefaçon. Pour justifier cet aspect artistique, l'intéressé avait fait valoir, devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, que la photo en question représente "une assiette sur laquelle se trouvent deux galinettes dont les têtes et les queues se rejoignent, placées en arc de cercle suivant la bordure de l'assiette et formant deux courbes harmonieuses", que l'assiette "est de couleur safran, évoquant la couleur de la bouillabaisse et de la bourride, plats marseillais réputés", que le long de la bordure de l'assiette court "un liseré rouge dans les nuances de la teinte des deux poissons" et que le "fond noir" donne "au motif photographié un caractère particulièrement lumineux". Des arguments qui n'ont pas du tout convaincu la cour d'appel, qui a débouté le plaignant. Celle-ci a en effet estimé que M. X "n'explique pas en quoi le cliché litigieux représentant deux poissons dans une assiette provençale procéderait d'une activité créatrice révélant sa personnalité". La cour d'appel a estimé au contraire que "force est de constater que ce cliché n'est révélateur d'aucune recherche dans les éclairages adéquats, la tonalité des fonds, l'environnement mobilier et les angles de prise de vue" et qu'il "ne constitue ainsi qu'une prestation de services techniques ne traduisant qu'un savoir-faire". Dans ces conditions, M. X ne pouvait pas s'opposer à la diffusion de ladite photo au nom de son droit d'auteur.
Dans son arrêt, la Cour de cassation confirme la position de la cour d'appel et déboute à nouveau M. X. Sans se prononcer sur le fond, la Cour juge "qu'ayant relevé que la photographie revendiquée ne révélait, dans les différents éléments qui la composent, aucune recherche esthétique et qu'elle constituait une simple prestation de services techniques ne traduisant qu'un savoir-faire, la cour d'appel, qui a ainsi réfuté les motifs du jugement que M. X. était réputé s'être appropriés en concluant à sa confirmation, en a déduit que la photographie litigieuse n'était pas une oeuvre de l'esprit ; qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé".
L'arrêt ne précise pas le statut professionnel de M.X. La photo des rougets reproduite par la ville de Marseille ayant initialement été commandée pour illustrer un livre consacré à la bouillabaisse, on peut toutefois supposer qu'il s'agit d'un photographe professionnel. L'arrêt est donc important dans la mesure où il conclut que toute photographie - même destinée à l'édition - n'est pas nécessairement en soi une œuvre d'art et qu'il appartient, en cas de litige, d'en apporter la preuve. Attention toutefois : il ne faudrait pas conclure de cet arrêt que "la prestation de service technique" est la règle et l'oeuvre d'art l'exception. L'arrêt prend d'ailleurs soin de rappeler qu'"une photographie constitue une oeuvre de l'esprit quand la personnalité de son auteur se révèle au travers des choix arbitraires dont elle est le produit technique". Tout est donc une affaire d'interprétation qu'il appartiendra, si nécessaire, au juge de trancher.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : Cour de cassation, première chambre civile, arrêt numéro 10-21251 du 20 octobre 2011, ville de Marseille, M. X.