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Communication - Utilisation d'images : le photographe a des droits

Dans leurs publications, qu'elles soient internes ou externes, les collectivités utilisent abondamment des photographies. Mais elles ignorent souvent le statut juridique et parfois même la provenance précise de ces images. Dans une question écrite, Marcel Rainaud, sénateur de l'Aude, s'inquiète de la situation des photographes professionnels qui "doivent faire face à d'importants bouleversements de leur secteur, induits par l'arrivée de la photographie numérique". Il rappelle notamment que les photographes professionnels dénoncent, depuis plusieurs années, l'utilisation massive de photographies improprement qualifiées de "libres de droits", la vente de photos sur internet à des prix inférieurs au prix de revient, ainsi que le développement abusif dans la presse de photographies signées "DR" (droits réservés). Le revenu moyen des photographes professionnels serait ainsi tombé à 1.100 euros par mois en 2008. La profession a donc lancé un appel - qui a déjà recueilli 12.000 signatures - en vue de l'organisation d'états généraux de la photographie, rassemblant l'ensemble des acteurs de ce secteur, afin de trouver des solutions de sortie de crise. Le sénateur de l'Aude souhaite donc connaître la position du ministre de la Culture et de la Communication sur le sujet.

Dans sa réponse, ce dernier reconnaît la "forte dégradation des revenus des photographes, et en particulier des photographes auteurs affiliés à l'Agessa [Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs, ndlr], travaillant essentiellement pour l'illustration (presse, publications d'entreprise, édition)". Il renvoie même à une étude exhaustive du département des études, de la prospective et des statistiques du ministère sur l'économie des droits d'auteur dans le secteur de la photographie, publiée en 2007. Tout en reconnaissant que les sérieuses difficultés rencontrées par les photographes professionnels "résultent de crises qui déstabilisent les différents segments du marché", la réponse n'apporte pas vraiment de perspectives. Le ministre de la Culture et de la Communication admet d'ailleurs que le soutien direct (acquisitions, commande publique et 1% culturel) et indirect (régime fiscal et social) des collectivités publiques "contribue à atténuer des difficultés liées à l'évolution des marchés", mais "ne suffit pas à lui seul à contrebalancer les effets des mutations auxquels se trouvent confrontés les professionnels". Tout en se disant attentif à la situation, il se contente donc d'indiquer son intention de "poursuivre avec les organisations professionnelles représentatives une concertation approfondie sur l'ensemble des questions touchant à l'exercice de la profession, notamment en matière de respect du droit d'auteur, de formation et d'insertion professionnelle".

Curieusement, ni le sénateur de l'Aude - qui l'a pourtant signée avec ses collègues du groupe socialiste - ni le ministre ne mentionnent la proposition de loi, déposée le 12 mai dernier, relative aux oeuvres visuelles orphelines et modifiant le Code de la propriété intellectuelle. Cette proposition, pour laquelle la commission de la culture du Sénat a désigné un rapporteur le 26 mai, entend pourtant lutter contre l'abus du "DR" en lieu et place du nom de l'auteur - qualifié par l'exposé des motifs de "véritable banalisation de la contrefaçon" -, en précisant par la loi le cadre spécifique d'exercice du droit d'auteur sur les oeuvres réputées orphelines. Si elle devait être adoptée, cette proposition de loi contribuerait sans doute à améliorer la situation sur le front du "DR", mais elle laisserait intacte la question des banques d'images contributives, alimentées par des photographes amateurs, qui fleurissent sur internet et sont de plus en plus utilisées par les médias et le secteur de la communication pour leurs tarifs défiant toute concurrence.

 

Jean-Noël Escudié / PCA