Habitat - Droit au logement : un "constat sans appel" et des recommandations de la CNCDH
Dans un avis adopté à l'unanimité en assemblée plénière le 16 juin, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) "dresse un constat sans appel du manque d'effectivité du droit au logement, pourtant reconnu comme un droit fondamental au niveau européen et international et comme un droit à valeur constitutionnelle en France". Elle appelle à une "mobilisation globale" sur la question et formule plusieurs recommandations.
Un empilement de dispositifs juridiques
Dans son avis d'une quarantaine de pages, la CNCDH rappelle que le mal-logement "repose avant tout sur la pénurie de logements en France dans les zones tendues, en grande partie responsable de la hausse ou du maintien à un niveau particulièrement élevé du prix de l'immobilier à la vente et à la location". Aujourd'hui, la France compte 3,8 millions de mal-logés et 12 millions de personnes "touchées à des degrés divers par la crise du logement".
Face à ce défi, la politique du logement "se décline aujourd'hui en une série de mesures législatives et règlementaires conduisant à un empilement parfois peu lisible de dispositifs juridiques". Ce manque de cohérence des actions menées et cette absence d'une vision stratégique claire et d'objectifs géographiquement et socialement ciblés ont pour effet de cantonner les efforts accomplis à des progrès "marginaux". Enfin, la CNCDH estime que les dépenses publiques consacrées au logement devraient être considérées "comme un investissement, et non uniquement comme un coût". Pour la commission en effet, une politique du logement volontariste permettra, à terme, de prévenir les coûts économiques et sociaux induits par le mal-logement (nuitées hôtelières, impact sur la santé, l'insertion professionnelle, la réussite scolaire...) et d'entretenir la croissance et l'emploi.
Un bilan mitigé des lois et dispositifs
Sans surprise, la CNCDH dresse "un bilan mitigé" des lois et dispositifs en vigueur, qui tient moins à leur contenu qu'à leur mise en œuvre "hétérogène et partielle". Elle dénonce également des "stratégies d'obstruction et de contournement qui discriminent les personnes défavorisées". La critique vise en particulier les communes qui ne remplissent pas les obligations de la loi SRU, mais aussi les failles dans la procédure d'attribution des logements sociaux.
En outre, ces inégalités de traitement sont régulièrement sous-tendues par des "préjugés" et des "représentations souvent infondées qui sont de nature à engendrer des regards négatifs et des pratiques sociales discriminantes".
Satisfecit au projet de loi Egalité et Citoyenneté
Au-delà de ces constats - déjà formulés à de nombreuses reprises -, la CNCDH avance un certain nombre de propositions. Elle demande ainsi que la lutte contre le mal-logement devienne une priorité de l'action publique. Elle propose également de mieux identifier les causes des freins et des obstacles à l'action des pouvoirs publics : inadéquation entre l'offre et la demande de logements (répartition spatiale, adaptation aux besoins et aux ressources des ménages...), ciblage imparfait des aides au logement, solutions de relogement peu exploitées (notamment dans le parc privé)...
L'avis de la CNCDH accueille favorablement le projet de loi Egalité et citoyenneté dont la discussion en séance publique débutera le 27 juin, et dont le titre II est entièrement consacré à l'habitat (voir notre article ci-contre du 14 avril 2016). La commission se prononce ainsi en faveur d'un renforcement du pilotage intercommunal des politiques d'attribution de logements sociaux (doublé d'une révision des critères de hiérarchisation de la demande). Même avis favorable sur l'imposition de quotas d'attribution aux bailleurs sociaux et aux réservataires ou sur la recherche d'un rééquilibrage des loyers du parc social et d'une meilleure répartition de l'offre de logement social sur le territoire.
Ces orientations se traduisent par une quarantaine de recommandations, dont la moitié reprises du projet de loi Egalité et Citoyenneté. Parmi les autres préconisations, on retiendra notamment la demande d'une refonte de la gouvernance locale des politiques du logement, de l'hébergement, de l'urbanisme et de l'habitat, "en renforçant les dispositifs partenariaux à l'échelle intercommunale et en transférant aux intercommunalités les compétences et les outils qui y sont liés" ou encore "une intervention accrue sur le parc privé pour proposer une offre de logements à loyer maîtrisé".