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Cour des comptes - Distribution d'électricité : pour une meilleure coordination entre ERDF et les collectivités

La Cour des comptes a prôné dans son rapport annuel 2013 présenté le 12 février une meilleure coordination entre les collectivités locales et ERDF sur les réseaux de distribution d'électricité, une approche globalement saluée par les différentes parties.

"Une organisation à simplifier, des investissements à financer" : la Cour des comptes résume ainsi les enjeux du système de concessions de distribution d'électricité qui font l'objet d'un chapitre de plus d'une centaine de pages dans son rapport public annuel 2013. Cette partie du rapport est issue d'une "enquête commune" de la Cour et des chambres régionales des comptes qui a permis de contrôler le principal concessionnaire du réseau moyenne et basse tensions, ERDF, filiale à 100% d'EDF, et 38 autorités concédantes (communes, syndicats intercommunaux ou départementaux d'électrification).
Les réseaux de distribution d'électricité (lignes à basse et moyenne tension) appartiennent en effet aux collectivités locales et sont exploités sur 95% du territoire par ERDF (filiale d'EDF) sous un régime particulier de concessions, octroyées par plus de 700 autorités, le reste étant du ressort de régies publiques locales. Ce système "complexe" est aujourd'hui "fragilisé", a souligné la Cour. "Son cadre juridique n'a pas été modifié, mais l'incertitude qui pèse sur le maintien à terme du monopole légal d'ERDF complique les relations entre le concessionnaire et une partie des autorités concédantes." Par ailleurs, "les sujets de contentieux [se multiplient] entre le concessionnaire et une partie de ses concédants dans la période sous revue", en particulier sur la question du niveau et de l'objet des investissements respectifs d'ERDF et des concédants sur le réseau.

Des autorités concédantes en "situation de faiblesse"

La Cour des comptes constate "une situation de faiblesse" des autorités concédantes, qui sont au nombre de 736, vis-à-vis d'ERDF en situation de "monopole légal", même si la situation est "en partie compensée par l'existence d'une fédération qui joue le rôle d'interlocuteur vis-à-vis d'ERDF au niveau national, la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies)". "Par ailleurs, l'existence de 736 autorités concédantes conduit à multiplier les frais de structure, dont le coût repose en partie sur le consommateur final d'électricité (redevances). Leur regroupement au niveau départemental devrait donc être accéléré pour gagner en efficacité", sachant que "seuls 55 départements disposent à ce jour d'un syndicat unique".
La Cour note en outre que "le contexte est évolutif sur le plan technique : le développement d'une production d'électricité décentralisée et intermittente liée aux énergies renouvelables a des conséquences sur la gestion du réseau de distribution. De plus, les besoins d'investissements sur le réseau de distribution augmenteront dans les années à venir pour maintenir le niveau de qualité de l'électricité (temps de coupure moyen en hausse entre 2000 et 2010) et moderniser le réseau (raccordement des énergies renouvelables et mise en place d'un compteur communicant)". Les magistrats de la rue Cambon pointent donc la nécessité d'"optimiser les moyens existants", notamment en coordonnant les investissements d'ERDF (3 milliards d'euros en 2011) et ceux des autorités concédantes (1 milliard d'euros) avant de trouver des "financements supplémentaires" pour "faire face aux besoins du réseau de distribution d'électricité".

Investissements à optimiser

Selon le rapport, les investissements consacrés à la qualité et aux réseaux intelligents passeraient d'environ 769 millions d'euros en 2011 à 2,142 milliards d'euros en 2020, "soit un quasi-triplement". Déjà, les investissements globaux d'ERDF ont progressé de 2 milliards d'euros en 2008 à 3 milliards en 2012. Toutefois, "la part de ces investissements spécifiquement dédiée à la qualité de l'électricité reste minoritaire et insuffisante au regard des efforts à consentir dans les années à venir pour remplacer et moderniser le réseau", observe la Cour.
A propos des investissements des autorités concédantes, le rapport constate des "carences du pilotage global". "L'absence de pilote unique et la multiplicité des maîtrises d'ouvrage dans les zones relevant du régime d'électrification rurale nuisent à la cohérence des actions menées, et peuvent conduire à privilégier des travaux moins prioritaires pour la sécurisation du réseau. Selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), 50% des investissements sont consacrés aux réseaux en basse tension, alors que la majorité des incidents proviennent du réseau moyenne tension. Depuis dix ans, les réseaux moyenne tension ont provoqué 75% des coupures hors événements exceptionnels.
La Cour préconise donc d'"accélérer le regroupement des autorités concédantes pour achever la départementalisation" et d'"établir une programmation locale des investissements entre ERDF et les autorités concédantes, visant à les orienter vers les enjeux prioritaires en termes de qualité de l'électricité, notamment le réseau moyenne tension". A terme, ces programmations locales devraient être consolidées au niveau national. La Cour suggère également de "simplifier le système de financement des investissements des autorités concédantes en le recentrant sur les investissements prioritaires pour la qualité de l'électricité".
Un contrat de service public entre l'État et ERDF devrait aussi être conclu. Il faudrait également "revoir la position d'EDF et de l'État vis-à-vis des remontées de dividendes d'ERDF, à la lumière des investissements futurs à consentir sur le réseau", estiment les magistrats et "accroître les efforts de productivité d'ERDF pour développer sa capacité d'autofinancement des investissements dans le prochain cadre tarifaire". Enfin, ils jugent nécessaire de "s'interroger à plus long terme sur l'évolution du modèle de la distribution d'électricité."
Pour ERDF, le rapport de la Cour des comptes est "encourageant pour la distribution de l'électricité". "Pour nous c'est un rapport bon et équilibré. Il pointe des voies de progrès, dont je reconnais qu'elles sont légitimes, sur lesquelles nous travaillons déjà et commençons à obtenir des résultats", a estimé la présidente d'ERDF Michèle Bellon, dans un entretien à l'AFP. Elle a notamment salué le fait que la Cour approuve le "modèle national" des concessions d'électricité. Ce modèle "qui donne accès à l'électricité pour tous au même prix", a permis "une reprise des investissements" et une réduction des temps de coupure, a-t-elle souligné. Il offre aussi d'importantes synergies en termes de ressources humaines, de solutions techniques, etc. En outre, la présidente d'ERDF dit partager les recommandations de la Cour notamment sur l'organisation du secteur et le besoin d'une plus grande coordination. "Cela va dans le même sens que les diagnostics qu'on a déjà posés", dit-elle, rappelant avoir elle-même réorganisé la structure d'ERDF depuis deux ans pour la rendre plus à l'écoute des collectivités. De même, elle se dit partante pour la conclusion d'un nouveau contrat de service public entre ERDF et les pouvoirs publics.

La FNCCR confortée dans son analyse

De son côté, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) estime dans un communiqué que le rapport "conforte" sur plusieurs points l'analyse des autorités organisatrices du service public de distribution d'électricité (Aode). Pour elle, la préconisation de la Cour visant à accélérer le regroupement des Aode pour achever la départementalisation, est "un travail nécessaire à l'établissement d'un dialogue de qualité avec un concessionnaire de taille nationale, qui doit mobiliser tous les acteurs, notamment les services de l'Etat". La FNCCR se rappelle par ailleurs avoir elle-même milité pour une programmation locale des investissements. Elle propose aujourd'hui de les compléter par des "schémas directeurs quinquennaux des investissements à caractère indicatif". Enfin, à propos des critiques formulées par la Cour sur la politique de versements de dividendes d'ERDF à sa maison-mère EDF, au regard des investissements futurs à consentir sur le réseau, la FNCCR souhaite que cette politique "n'influe pas sur les investissements liés à la qualité ni ne fragilise ERDF". A ce titre, le versement d'un dividende en 2009, alors que le résultat net d'ERDF était négatif ne lui semble pas "de bon aloi". Dans une réponse publiée par la Cour, le P-DG d'EDF, Henri Proglio, a souligné que ces dividendes étaient "modérés" au regard des activités d'ERDF, et estimé que cela posait plus généralement la question de la "rentabilité normative d'une société régulée" engageant d'importants capitaux.

 

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