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Energie - EDF n'investit pas assez dans les réseaux électriques, selon un rapport parlementaire

EDF ne donne pas à sa filiale ERDF les moyens nécessaires pour améliorer la qualité des réseaux électriques et réduire le temps moyen des coupures d'électricité. C'est ce qu'indique le rapport de la mission d'information sur la sécurité et le financement des réseaux d'électricité présidée par Jean Gaubert (SRC, Côtes-d'Armor), présenté le 5 avril devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. "La mission constate que la dégradation de la qualité de l'électricité est indéniable et qu'il existe des inégalités territoriales inacceptables", souligne le document, rédigé par Jean Proriol (UMP, Haute-Loire). 
Le temps moyen de coupure d'électricité en France a presque doublé en huit ans, passant de 43 minutes en 2002 à 84 minutes en 2010, rappelle le rapport qui n'hésite pas à employer le terme de "fracture électrique". Paris bénéficie ainsi d'un "très haut niveau de qualité", avec 31 minutes de temps de coupure moyen en 2010. A l'opposé, la Charente-Maritime totalise 429 minutes de temps de coupure moyen, l'Indre 543 minutes et le Loir-et-Cher 772 minutes. Ce sont les performances du réseau en moyenne tension qui se dégradent tandis que celles du réseau en basse tension, qui bénéficie de l'accroissement des investissements des collectivités concédantes, se maintiennent. "Les facteurs qui expliquent cette dégradation sont clairement identifiés : il s'agit principalement de la diminution des investissements sur le réseau depuis les années 1990", analyse Jean Proriol.
Les investissements d'ERDF dans le réseau de distribution d'électricité ont connu "un pic de plus de 3,2 milliards d'euros" en 1992 puis ont été divisés par deux entre 1993 et 2004, tombant alors à 1,6 milliard d'euros. Depuis 2001, le cadre légal a évolué avec la création du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe), qui permet un financement d'ERDF à travers la facture d'électricité des consommateurs.

Dividences contre investissements

"En rémunérant équitablement le capital du gestionnaire du réseau, le Turpe a largement contribué à la reprise des investissements constatée depuis 2004. Il n'en reste pas moins qu'il ne contraint pas le gestionnaire du réseau (ERDF) à effectuer les investissements nécessaires au rétablissement de la qualité de l'électricité", note l'auteur du rapport. Les montants d'investissement engagés par ERDF sont ainsi "bel et bien inférieurs" à la trajectoire prévue par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) lors de l'établissement du Turpe. "Le problème ne provient pas tant du gestionnaire du réseau (ERDF) que de son actionnaire [EDF]", remarque Jean Proriol. EDF a en effet "tendance à limiter les investissements de sa filiale pour faire remonter des dividendes, qui pourront être réinvestis dans les activités de production d'électricité, plus rentables, ou utilisés au désendettement du groupe", selon le rapport. Depuis 2008, le montant des dividendes versés par ERDF à la maison-mère s'est élevé à 448 millions d'euros, note-t-il.
La mission formule six propositions pour remédier à la situation actuelle. Tout d'abord, instaurer un indicateur qui mesure les inégalités territoriales en matière de qualité d'électricité. Il faudrait aussi "renforcer le 'dispositif qualité' pour contraindre l'actionnaire EDF à accorder à sa filiale les moyens financiers nécessaires à la résorption des inégalités territoriales". Elle juge également nécessaire d'achever la départementalisation du service public de l'électricité "pour favoriser le rétablissement d'un dialogue apaisé entre les collectivités concédantes et le concessionnaire au niveau local". Elle souhaite aussi faire du Conseil du fonds d'amortissement des charges d'électrification (Facé) (1) une instance de discussion nationale des investissements sur le réseau afin d'associer les collectivités concédantes à la discussion tarifaire. Elle propose également d'introduire un mécanisme d'affectation des taxes locales sur la fourniture d'électricité pour préserver l'enveloppe dont disposent les collectivités concédantes pour investir sur le réseau. Enfin, le rapport préconise de lancer une réflexion sur la couverture tarifaire des charges de capital afin de favoriser le recours à l'endettement du gestionnaire du réseau.

(1) Le Facé a pour objet d'apporter une aide financière aux collectivités concédantes qui entreprennent ces travaux de développement des réseaux de distribution d'électricité sur le territoire des communes rurales.