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Halde - Discriminations : les collectivités doivent rester vigilantes

Parmi les 10.000 réclamations reçues par la Halde en 2009, certaines concernent directement les collectivités territoriales. Deux domaines demeurent particulièrement sensibles : l'emploi et l'éducation.

"La lutte contre les discriminations et pour l'égalité est quelque chose qui ne s'arrête jamais. Il n'y a pas un moment où on se dit que c'est fini", a déclaré Louis Schweitzer, président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), à l'AEF. Alors que son mandat prend fin le 8 mars 2010, le président de la Halde est revenu sur deux priorités de l'action de l'institution lors de la publication du rapport d'activité 2009 : l'emploi et l'éducation. Deux thèmes qui concernent directement les collectivités territoriales.

 

Une activité en forte croissance : 10.000 réclamations en 2009

En 2009, la Halde a reçu plus de 10.000 réclamations, soit 20% de plus qu'en 2008. Ainsi, ce sont près de 900 réclamations qui parviennent chaque mois à l'institution. Ces saisines, exercées soit par courrier, soit par internet, soit via les correspondants locaux de la Haute Autorité, ne débouchent pas automatiquement sur une instruction. En effet, 64% des dossiers sont rejetés pour irrecevabilité, 10% sont réorientés vers d'autres institutions compétentes (médiateur de la République par exemple) et 7% sont abandonnés par le demandeur. Sur les 1.700 dossiers qui font l'objet d'une instruction approfondie, près de 800 sont clos pour "impossibilité d'établir la discrimination", environ 500 sont conclus soit par un accord amiable entre les parties soit par des actions d'information. Reste 400 dossiers où la discrimination a été établie et qui font l'objet d'une délibération du collège de la Halde. Rappelons que la Halde n'est pas un tribunal, elle n'a pas de pouvoir de sanction propre : elle formule des observations devant les tribunaux (et est suivie dans près de 80% des cas) ou émet des recommandations à l'adresse du gouvernement, des collectivités publiques ou des entreprises. Ainsi, en 2009, la Halde a pointé par exemple les discriminations dont sont victimes les gens du voyage (17 octobre 2009) ou les étrangers dans le cadre du droit au logement opposable (30 novembre 2009, voir nos articles ci-contre).

 

Les collectivités employeurs : sensibilisées, mais comment faire concrètement ?  

En 2009, 48,5% des réclamations reçues concernaient l'emploi. L'emploi public représente un tiers de ces saisines, principalement sur les déroulements de carrière mais également sur les embauches. Ainsi, la Halde a recommandé à un maire qui avait refusé un renouvellement de CDD à un agent en raison de ces opinions politiques de réexaminer le dossier (p.41). Autre exemple : une commune a sanctionné et muté un fonctionnaire territorial victime d'injures homophobes, alors que l'auteur des injures n'avait fait l'objet d'aucune sanction. La Halde a soutenu le fonctionnaire victime devant la juridiction saisie de cette affaire (p.42).
Parallèlement au traitement des réclamations, la Haute Autorité mène un travail de sensibilisation aux discriminations. Elle édite des guides, dont l'un s'adresse directement aux collectivités : "Prévention des discriminations, promotion de l'égalité : que répondent les grandes viles et agglomérations à la Halde ?" En 2009, elle a signé des conventions de partenariat avec les associations d'élus et certaines collectivités souhaitant s'engager dans la lutte contre les discriminations (villes de Bordeaux et de Paris, région Ile-de-France…). Dans le cadre de ce travail de promotion de l'égalité, la Halde a constaté que si les collectivités étaient généralement sensibles à la problématique des discriminations, le passage à la pratique était délicat : c'est pour cette raison qu'a été publié en mai dernier un mode d'emploi à destination des employeurs territoriaux (voir notre article ci-contre). La Halde appelle par exemple à l'utilisation systématique de grilles d'évaluation pour sélectionner les candidats à un poste (p.46).
Toujours sur le volet ressources humaines, le rapport 2009 comprend les principales décisions jurisprudentielles de l'année : rappelons par exemple que le Conseil d'Etat a annulé la délibération d'un jury de concours (concours interne de la police nationale) en raison des questions posées à un candidat : le jury avait en effet interrogé le candidat sur son origine et sur ses pratiques confessionnelles (Conseil d'Etat, n°311888, 10 avril 2009).

 

L'affirmation du droit absolu à l'éducation

"Le droit à l'éducation est un droit fondamental, totalement distinct de la question des conditions de résidence", a souligné la Halde. L'autorité administrative l'a confirmé, "le refus de scolarisation des enfants roms reste fréquent". Illustration : dans son rapport, elle fait état du "refus de scolarisation de deux enfants du voyage par le maire de leur commune" (Nancy). Concernant ce cas, elle considère comme exemplaire la démarche conjointe du préfet, de l'inspection d'académie et de l'inspecteur de l'Education nationale qui a permis de faire procéder à la scolarisation de ces enfants. Elle suggère "aux ministres concernés de diffuser des consignes afin que cette pratique soit mise en oeuvre de manière systématique" (délibération 2009-231 du 8 juin 2009). Le rapport signale également une réclamation d'un collectif associatif et syndical relative aux discriminations dans l'accès à l'éducation en Guyane. "Il est apparu que les pièces demandées par certaines communes ne pouvant manifestement pas être fournies pour des enfants étrangers, de telles pratiques aboutissaient à les exclure de l'accès à l'éducation". La Halde, réaffirmant "le droit absolu à l'éducation de tous les enfants en Guyane, quelle que soit leur situation administrative ou celle de leurs parents", recommande donc aux communes concernées "de mettre fin à ces pratiques", et au préfet de mettre en oeuvre ses pouvoirs "afin d'obliger les communes à se conformer aux textes en vigueur" (délibération 2009-318 du 14 septembre 2009). Enfin, elle recommande de procéder à une évaluation des besoins et des mesures à prendre pour tenter de résoudre la question de la non-scolarisation.
Par ailleurs, l'autorité s'est penchée sur la scolarisation des enfants souffrant de handicaps. Elle a formulé des recommandations pour que les obstacles matériels à la scolarisation de ces enfants soient levés. Elle a caractérisé "la nature discriminatoire de certaines pratiques empêchant l'accès des enfants handicapés ou souffrant d'allergies aux activités périscolaires ainsi qu'aux cantines". Ses préconisations visent à "améliorer l'information statistique sur la situation des élèves handicapés, notamment leur temps de scolarisation effectif, en milieu ordinaire" et "enrichir l'information des parents sur le droit à la scolarisation de leurs enfants handicapés et les diverses voies de recours". Elle conseille également de "veiller à une présence suffisante des enseignants référents pour répondre aux besoins des chefs d'établissement", de "renforcer la présence des enseignants dans les établissements médico-sociaux" mais aussi de "favoriser la professionnalisation et la stabilité du personnel accompagnant". Le domaine de l'éducation représente 6% des réclamations reçues par la Halde. 
 

Catherine Ficat et Hélène Lemesle

 

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