Lutte contre les discriminations - Un "mode d'emploi" pour les employeurs territoriaux
En 2008, pas moins de 20% des saisines enregistrées par les correspondants locaux de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) ont concerné des discriminations dans le secteur de l'emploi public, qu'il s'agisse de déroulement de carrière (15%) ou de recrutement (5%). C'est certes deux fois moins que dans le secteur privé, qui représente 40% des saisines. Mais en proportion des effectifs de chacun des secteurs, le public arrive devant le secteur privé. C'est dire l'urgence qu'il y a à lutter contre les discriminations dans ce domaine.
La réponse initiée par la Haute Autorité, en partenariat notamment avec les associations d'élus locaux et le Centre national de la fonction publique territoriale, est celle qu'elle a déjà mise en place pour les entreprises et en particulier les entreprises de travail temporaire et les cabinets de recrutement. Il s'agit d'un "mode d'emploi" qui a pour vocation de servir de "cadre de référence" aux collectivités. L'outil doit d'abord aider les élus et les cadres territoriaux dans l'évaluation de leurs propres pratiques. "Comment prévenir les discriminations au sein de ma structure ?", "Quels moyens pour promouvoir une plus grande égalité des chances au sein de mon personnel ?", "Comment aller plus loin ?"... Le document d'une trentaine de pages, que la Halde a adressé à 200 grandes collectivités et qu'elle a mis en ligne le 18 mai sur son site internet, invite les décideurs à faire un état des lieux complet. Le cadre de référence sera certainement apprécié, car "il n'est pas toujours facile d'identifier les sources de risques, les écueils à éviter et les actions réalisables", assure la Halde. "D'autant qu'il n'est pas toujours aisé de caractériser ce qui relève réellement de la discrimination", fait-elle encore remarquer.
La Haute Autorité invite les décideurs locaux, dans un second temps, à passer à l'action. A cette fin, le guide analyse chaque étape des processus de recrutement et de gestion des ressources humaines. Pour chacune, sont définies des mesures de prévention pour garantir l'égalité de traitement entre candidats à un emploi public ou entre agents, ainsi que les pistes d'action envisageables pour promouvoir l'égalité des chances.
Une brochure pour l'ensemble des communes
Le mode d'emploi est accompagné d'un "guide pour prévenir les discriminations", qui s'adresse aux recruteurs. Ceux-ci y trouveront un rappel très complet de la réglementation.
Toutes les collectivités sont en outre invitées à remplir un questionnaire qu'elles trouveront sur le site de la Halde. L'objectif est de permettre à l'instance de connaître les pratiques des collectivités pour promouvoir l'égalité des chances ou lutter contre les discriminations. La Haute Autorité mettra en valeur les actions les plus intéressantes par le biais d'un "répertoire d'actions exemplaires", qui sera diffusé d'ici la fin de l'année.
A noter aussi : d'ici cet été, une brochure simplifiée sera adressée à l'ensemble des petites communes pour les sensibiliser à la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'emploi. Le document rappellera aux élus et responsables administratifs les principales dispositions législatives et réglementaires existant dans ce domaine et les mesures qu'ils peuvent mettre en place.
Le mode d'emploi, le guide et la brochure en préparation viennent compléter la panoplie des outils qui existent déjà, comme la charte pour la promotion de l'égalité dans la fonction publique lancée en décembre dernier ou encore le kit de communication pour les collectivités territoriales.
En 2010, la Halde élaborera un second mode d'emploi pour le secteur public local. Il concernera les relations avec les usagers et l'accès aux services publics.
Thomas Beurey / Projets publics
Examens et concours : attention aux discriminations
Dans son rapport annuel rendu public le 13 mai, la Halde donne plusieurs exemples de discriminations dont font l'objet les agents publics ou les candidats à la fonction publique. Saisie par une femme écartée, en raison de son âge, de la possibilité de passer un concours du ministère de la Défense - la limite d'âge était fixée à 29 ans - la Halde a demandé au gouvernement de revoir l'ensemble des conditions d'âge fixées dans l'accès aux fonctions publiques.
Un policier d'origine marocaine s'est présenté au concours interne d'officier de la police nationale. Il a obtenu une note éliminatoire à l'oral. Au cours de l'entretien, le jury l'avait interrogé sur ses origines, sa pratique religieuse et celle de son épouse. La Halde a estimé qu'il a fait l'objet d'une discrimination. Elle a recommandé aux ministres de l'Intérieur et de la Fonction publique de prendre une instruction rappelant aux jurys de concours l'interdiction d'interroger les candidats sur des éléments de leur vie privée, "notamment sur leur origine, leurs opinions ou leurs convictions religieuses".
La Halde relate aussi le cas d'une femme enceinte ayant le statut d'agent contractuel de la fonction publique territoriale. Son employeur n'avait pas renouvelé son contrat de travail à durée déterminée alors qu'elle avait annoncé sa grossesse. La Halde a donné raison à la réclamante, qui a été indemnisée à hauteur de 8.000 euros.
T.B.