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Finances locales - DGF : la réforme ne s'appliquera qu'en 2017

Finalement ça y est, il y aura bien report. Le gouvernement a décidé de maintenir "les principes" de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) dans le projet de loi de finances pour 2016 mais de la "mettre en œuvre au 1er janvier 2017" et non plus dès le 1er janvier 2016. Manuel Valls l'a annoncé ce 3 novembre aux parlementaires, répondant ainsi partiellement à la demande des associations d'élus locaux.

Le Premier ministre a annoncé ce mardi 3 novembre le report d'un an de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Il l'a d'abord fait savoir aux députés socialistes, ses propos étant alors rapportés par son entourage. Il l'a ensuite, en fin d'après-midi, redit publiquement au Sénat lors de la séance des questions au gouvernement.
Rappelant tout d'abord les principes et les objectifs de cette réforme, Manuel Valls a insisté sur la nécessité de "l'inscrire dans la durée", de "prendre le temps nécessaire", citant en contre-exemple la suppression de la taxe professionnelle menée sous Nicolas Sarkozy dans la précipitation et sans simulations. Il a fait valoir que le gouvernement avait "entendu" les parlementaires et les associations d'élus locaux – dont la fronde a été grandissante au cours des dernières semaines (voir nos articles ci-contre) – et a reconnu qu'il y avait "encore un travail de simulation à effectuer" malgré l'important travail déjà réalisé par les services.
Résultat : le gouvernement "a décidé de faire voter les principes de la réforme" dès maintenant dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 mais de la "mettre en œuvre au 1er janvier 2017" et non dès le 1er janvier 2016 comme initialement prévu.
Le chef du gouvernement a principalement justifié ce report par "un élément", celui de "la nouvelle carte intercommunale" qui sera "achevée le 31 mars 2016" : "C'est pour cette raison qu'au mois d'avril, nous pourrons mener à bien cette réforme et l'inscrire dans le projet de loi de finances pour 2017", a-t-il déclaré. Une "clause de revoyure" sera donc prévue pour avril, a précisé son entourage.

La nouvelle carte intercommunale, "seul argument recevable"

Un peu plus tôt dans l'après-midi, Marylise Lebranchu, intervenant pour sa part lors de la séance des questions à l'Assemblée (en présence de Manuel Valls), n'avait pas aussi clairement parlé de report mais s'était toutefois elle aussi arrêtée sur la question de l'intercommunalité. "Le seul argument que nous trouvons recevable, c'est effectivement que les EPCI sont en train de subir de grands changements. Alors peut-être, oui, faut-il adopter les principes de la réforme et l'adapter à la nouvelle carte de l'intercommunalité", avait déclaré la ministre de la Décentralisation.
"N'utilisons pas cette réforme à des fins politiques", a lancé Manuel Valls aux sénateurs de droite plutôt bruyants, résumant les choses en évoquant "une réforme juste, équitable, qui s'inscrit dans la durée et lisible pour les élus locaux".
"Il a expliqué qu'il y avait encore des incertitudes", avait dit après la réunion du groupe PS de l'Assemblée la députée Christine Pires Beaune, rapporteur spéciale de la commission des Finances et auteur du fameux rapport ayant inspiré la réforme. Se disant "dépitée" qu'aient été "entendus ceux qui crient le plus fort", l'élue du Puy-de-Dôme a dit espérer "que l'on ne reparte pas de zéro". "Je regrette que le non-cumul [des mandats] n'ait pas été appliqué plus tôt", a-t-elle glissé, songeant aux parlementaires ayant semblé défendre l'intérêt de leur propre collectivité.
Bien que satisfait par les "dernières simulations" sur l'impact de la réforme, le chef de file des socialistes à la commission des Finances de l'Assemblée, Dominique Lefebvre, a reconnu qu'il aurait eu des difficultés à trouver une majorité pour voter la réforme en l'état, avec "une droite contre" et "des gens au PS divisés".
Mais le gros des réactions qui ont afflué ce 3 novembre en fin de journée a évidemment consisté à se féliciter du report. A commencer par la réaction du président du Sénat, qui s'était beaucoup impliqué sur le sujet puisqu'il avait écrit il y a quelques jours aux 36.000 maires de France pour leur indiquer avoir demandé au Premier ministre que cette réforme soit l'objet d'une loi spécifique. Si pour Gérard Larcher, l'annonce de Manuel Valls va dans le bon sens, il regrette le maintien de ce projet dans le PLF 2016 et demande à nouveau son retrait "pour en faire une loi spécifique, débattue de manière sereine et transparente, au cours de l’année 2016 et lorsque les nouveaux périmètres des intercommunalités auront été arrêtés sur tout le territoire".

Continuer à réfléchir et proposer

Pratiquement toutes les grandes associations d'élus y sont allées de leur communiqué marquant une forme de soulagement. L'Association des maires de France (AMF) salue "cette décision positive qui va permettre de travailler efficacement sur les objectifs et les conséquences de cette réforme", jugeant que "les simulations remises dernièrement étaient très incomplètes et ne permettaient notamment pas d’apprécier les conséquences à moyen terme". En sachant que l'AMF continue elle aussi de réclamer "une loi spécifique".
A Villes de France (ex-Villes moyennes), on parle de "décision raisonnable" et on estime que les orientations proposées dans le PLF tenaient "imparfaitement compte du poids des charges des villes et de la fiscalité pesant sur les ménages".
Du côté de l'Association des petites villes (APVF), son président, le député-maire PS Olivier Dussopt, rappelle que la réforme telle que formulée dans le PLF "n’apportait pas les résultats espérés pour les petites villes". Pour lui, le nouveau délai qui s'ouvre permettra d'engager de "nouvelles réflexions" sur une réforme qui demeure bien nécessaire et de mieux prendre en compte les nouveaux périmètres intercommunaux.
Enfin, l'Association des maires de grandes villes (AMGVF) et l'Assemblée des communautés de France (Acuf) se félicitent de concert de cette mise en œuvre "en deux étapes" – "la définition des principes dès le projet de loi de finances pour 2016, suivi d'une phase d'adaptation au premier trimestre 2016 pour une mise en œuvre effective au 1er janvier 2017." Les deux associations qui s'apprêtent à fusionner insistent sur les trois axes devant selon elles guider l'"amélioration du texte actuel" : "l'analyse des effets de la future réforme au niveau de chaque territoire, la prise en compte des capacités contributives des ménages de ces territoires et la soutenabilité de la réforme prenant en compte la baisse des dotations et les prélèvements opérés au titre de la péréquation."

Claire Mallet

André Laignel : "le dialogue commence à avancer"
La décision du Premier ministre "me paraît aller dans la bonne voie", a réagi le président du Comité des finances locales (CFL) à l'issue de la réunion plénière que l'instance a tenue ce 3 novembre. "Cela prouve que le dialogue commence à avancer". Mais André Laignel s'est montré prudent : "J'attendrai que soient confirmées ces avancées orales".
Devant la presse, André Laignel s'est défendu de vouloir ne pas bouger concernant les règles de la DGF. "Je veux que cette réforme réussisse et c'est pour cette raison que l'on demande de prendre le temps", a-t-il fait valoir. "Telle qu'elle est conçue aujourd'hui, la réforme est au moins aussi complexe que la DGF d'aujourd'hui. Mais sur un sujet aussi compliqué, peut-on être simpliste ?", s'est-il interrogé. En revanche, a-t-il poursuivi, "le principe de justice devrait pouvoir être atteint et l'on constate qu'on est loin du compte". Pour le maire d'Issoudun, la DGF telle que rénovée par le gouvernement corrige des inégalités, mais elle en crée "de nombreuses autres". Parmi les communes gagnantes - si l'on exclut la baisse des dotations – figurent, selon lui, des villes telles que Gravelines, Fréjus, ou encore Roissy-en-France, qui disposent d'importantes recettes fiscales. A l'opposé, "beaucoup de villes de banlieue et de villes centres industrielles" font partie des perdants. "Les plus pénalisées" sont "les villes de 10.000 à 30.000 habitants, qui sont porteuses d'équipement de centralité".
André Laignel ajoute que des communes peuvent être gagnantes la première année d'application de la réforme, mais perdantes la deuxième année. Cela doit encore être vérifié plus largement par des simulations pluriannuelles que la Direction générale des collectivités locales ne lui a pas remises. Ces simulations s'imposent selon lui : "[avec l'obligation brutale pour des centaines de milliers de personnes de payer cette année des impôts locaux], on vient de voir qu'une réforme non anticipée à son terme peut créer de mauvaises surprises". L'élu redoute qu'une réforme précipitée ne produise dans quelques années "le même type de mauvaises surprises" pour les collectivités. Les centaines de fusions de communautés qui entreront en vigueur le 1er janvier 2017 plaident aussi en faveur d'une application à cette date de la réforme, conclut-il.
Le 16 juillet dernier, le CFL avait adopté une résolution dans laquelle il appelait au vote en 2016 d'une loi spécifiquement consacrée à la réforme de la DGF dans le but de se donner encore plusieurs mois pour préparer ce lourd chantier. L'application étant prévue en 2017. Il y a déjà "plusieurs semaines", le président du CFL avait avancé une proposition "de retrait" : les principes de la réforme (création des dotations de base, de centralité et de ruralité) seraient inscrits dès cet automne dans la loi de finances mais leur application serait reportée au 1er janvier 2017, donnant ainsi le temps "d'ici l'été" de "reconfigurer le dispositif". Le Premier ministre s'est, semble-t-il, en bonne partie inspiré de cette proposition.

T.B. / Projets publics

 

 

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