Archives

Finances - PLF : une réforme de la DGF... pour atténuer la baisse des dotations ?

Le projet de loi de finances pour 2016 engage la réforme de la dotation globale de fonctionnement des communes et intercommunalités. Les dotations de péréquation seront elles aussi refondues et leurs montants seront augmentés. Aux côtés de la création d'un fonds d'aide à l'investissement local, la réforme de la DGF et la progression de la péréquation atténueront les effets de la baisse des dotations pour 72% des communes, avance le gouvernement. Il reste que cette baisse sera bien de 3,67 milliards d'euros l'an prochain. Elargissement du FCTVA, transfert de CVAE, abaissement du plafond de cotisation au CNFPT... d'autres dispositions finances locales sont aussi inscrites dans ce PLF.

"La baisse des dotations sera poursuivie et accompagnée, comme le Premier ministre s'y était engagé, par la création d'un fonds d'aide à l'investissement local, doté d'une capacité d'engagement de 1 milliard d’euros. Ainsi, le gouvernement souhaite assurer que les économies mises en oeuvre par les collectivités locales portent en priorité sur les dépenses de fonctionnement et ne remettent pas en cause l’investissement local. Ces évolutions seront accompagnées d'une réforme de la dotation globale de fonctionnement du bloc communal, inspirée par le rapport de Christine Pirès-Beaune : une réforme pour une DGF plus juste et plus transparente, qui permettra de résorber progressivement les écarts entre collectivités, excessifs et souvent injustifiés, et de développer la péréquation." C'est en ces termes que Christian Eckert, le secrétaire d'Etat au Budget, a résumé ce 30 septembre, lors de la conférence de presse de présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2016, l'esprit dans lequel le gouvernement a élaboré les principales dispositions touchant aux ressources des collectivités.
S'agissant de la réforme de la DGF, le gouvernement est donc resté ferme sur ses intentions de modifier le fonctionnement des dotations des communes et des intercommunalités, malgré des désaccords sur le fond avec les élus locaux. Les deux ministres en charge du budget, de la décentralisation et de la fonction publique et le secrétaire d'Etat chargé de la réforme territoriale ont confirmé, le 29 septembre devant le Comité des finances locales, que le PLF pour 2016 engagera cette réforme voulue par l'exécutif dès l'automne 2013.
Le texte que le gouvernement a examiné en conseil des ministres ce 30 septembre reprend en grande partie les recommandations du rapport que la députée socialiste Christine Pires Beaune a remis fin juillet (voir notre article du 27 juillet 2015). Les communes percevront une dotation forfaitaire d'un montant identique pour toutes. Celle-ci s'élèvera à 75,72 euros par habitant, soit le montant moyen dont bénéficient actuellement les communes comprises entre 1.000 et 2.000 habitants. Selon leur population, les communes obtiennent aujourd'hui une dotation comprise entre 64 et 128 euros par habitant.
Denis Durand, maire de Bengy-sur-Craon, membre du CFL et proche de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), a salué la création de cette dotation de base : "Enfin, que nous soyons urbain ou rural, nous sommes traités à égalité de droits et de devoirs !"

Dotation de centralité

En complément, une dotation de ruralité bénéficiera aux territoires dont la densité de population est inférieure à 75% de la densité nationale. Elle s'élèvera à 20 euros par habitant, ce qui porte le montant de l'enveloppe consacrée à cette dotation à 272 millions d'euros. Pour Denis Durand, ce montant est toutefois nettement insuffisant. Avec la dotation de base, la dotation de ruralité devrait permettre selon lui aux communes rurales de percevoir "au moins 125 euros par habitant".
Enfin, une dotation de centralité permettra aux communes et aux intercommunalités de compenser leurs charges de centralité. Son montant variera de 15 à 45 euros par habitant, en fonction de la population du territoire. Plus une intercommunalité exercera des compétences, plus sa dotation de centralité sera importante par rapport à celle des communes - sans toutefois dépasser un plafond de 40%. Les charges de centralité seront "mieux appréciées", a estimé l'Association des petites villes de France dans un communiqué.
La dotation devrait être calculée en prenant en compte à la fois les charges des communes et des intercommunalités. Tout en précisant qu'il ignorait comment ces dispositions du texte sont rédigées, André Laignel, président du CFL, en a déduit que le gouvernement veut commencer à "introduire la territorialisation [de la DGF] par ce biais". Si elle devait se vérifier, une telle option confirmerait en tout cas un pronostic que faisait Christine Pires Beaune dès fin juillet.
Pour les associations de maires - notamment l'Association des maires de France - qui sont opposées à une "DGF locale" calculée à l'échelle intercommunale, il y a "un point de vigilance", a averti André Laignel lors d'une conférence de presse à l'issue de la séance du CFL. Interrogé par Localtis, Charles-Eric Lemaignen, président de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), s'est au contraire réjoui - mais sous réserve que le texte le confirme - d'une "amorce de territorialisation" de la DGF. Il s'est aussi voulu rassurant vis-à-vis des maires : les intercommunalités ne disposeront d'une certaine souplesse dans la répartition des dotations qu'à la condition d'obtenir une "super-majorité". Et dans tous les cas, a-t-il souligné, la loi établira les critères de partage de la DGF entre les communes et les intercommunalités.

Les dotations de péréquation mieux ciblées

De leur côté, les communautés recevront des dotations qui favoriseront celles qui sont les plus pauvres et celles dont les compétences sont les plus importantes (via une "dotation d'intégration").
En parallèle, le gouvernement engage une réforme des dotations de péréquation destinées aux communes. Comme le réclamaient les associations d'élus locaux, celles-ci vont être recentrées. 23.000 communes percevront la dotation de solidarité rurale (DSR), contre 34.600 aujourd'hui, et 659 seront éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU), alors qu'actuellement, 742 communes en bénéficient. En outre, les écarts significatifs de dotations observés entre des communes classées à des places voisines, qui sont dus à l'existence des parts "cibles", vont être lissés. En revanche, les critères de la DSU seront inchangés et ceux de la DSR seront modifiés à la marge seulement. Quant aux montants de ces dotations en 2016, le gouvernement propose de les augmenter dans les mêmes proportions qu'en 2015 : + 180 millions d'euros pour la DSU et + 117 millions d'euros pour la DSR.
Autre mesure concernant la péréquation : la dotation nationale de péréquation (DNP) sera supprimée. Les montants seront "gelés" pour les communes qui continueront à bénéficier de la DSU ou de la DSR. Quant aux "montants libérés", ils seront "rajoutés à ceux de la DSR et de la DSU", explique le cabinet de Marylise Lebranchu.

Réforme de la DGF : deux tiers des communes gagnantes ?

La péréquation en faveur des communes défavorisées sera d'autant plus renforcée que le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) doit passer de 780 millions à 1 milliard d'euros. Cette augmentation est inférieure à celle prévue par la loi de finances pour 2012, qui fixait pour 2016 un objectif de 2% des recettes fiscales des communes et intercommunalités, soit 1,150 milliard d'euros. Mais, l'effort sera un peu plus grand que cette année (+210 millions d'euros). En outre, les communes qui sont les plus défavorisées parmi celles qui perçoivent la DSU ou la DSR, mais qui contribuent au Fpic parce qu'elles appartiennent à une intercommunalité aux ressources financières élevées, seront exonérées de prélèvement à partir de 2016. De nombreux élus réclamaient que soit mis fin à cette incohérence.
La progression de la péréquation et la réforme de la DGF atténueront les effets de la baisse des dotations pour 72% des communes, a évalué l'administration de l'Etat. Sans tenir compte de la baisse des dotations, la seule réforme de la DGF se révèle "favorable pour 24.078 communes (sur 36.658) et pour 1.649 EPCI (sur 2.134)", souligne le cabinet de la ministre en charge de la décentralisation. Les communes faisant partie des 28% restants subiront une baisse de DGF "comprise entre 1,84 et 5% de leurs recettes réelles de fonctionnement". En effet, les pertes de DGF liées à la réforme seront plafonnées chaque année à 5% - comme les gains de DGF d'ailleurs. Ces arguments paraissent convaincants. Mais André Laignel reste très prudent. "Nous n'avons aucune simulation qui nous permette de connaître la réalité de l'impact de cette réforme sur le bloc communal", a-t-il déclaré.

Une DGF en baisse de 3,67 milliards d'euros

On le sait aussi, les collectivités qui souhaitent investir pourront compter sur le milliard d'euros que le gouvernement compte leur consacrer. Mais, pour certains, la somme n'est en réalité pas aussi ronde. Il n'y a que 800 millions d'euros d'"argent frais", s'inquiète ainsi André Laignel. En effet, le gouvernement inclut dans le milliard la reconduction en 2016 de l'abondement de 200 millions d'euros de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Mais, ce dernier avait été décidé "à titre exceptionnel" pour 2015, souligne le gouvernement. Autre problème, les modalités de financement du fonds sont pour l'instant encore inconnues, dénonce le maire d'Issoudun. Il espère donc que des ressources aujourd'hui perçues par les collectivités ne seront pas réorientées et "recyclées".
Autre mesure favorable à l'investissement : les collectivités et leurs groupements pourront récupérer la TVA sur les dépenses engagées pour l'entretien de leurs bâtiments. Il faut aussi rappeler que l'augmentation du taux pour le remboursement de la TVA aux collectivités décidé dans la loi de finances pour 2015 permettra aux collectivités d'obtenir davantage de recettes au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Le gouvernement prévoit d'ailleurs que ce dernier atteindra 5,979 milliards d'euros en 2016, soit 18 millions d'euros de plus qu'en 2015.
Avec l'ensemble de ces mesures, le gouvernement tente de faire avaler la pilule amère que constitue la nouvelle baisse de 3,67 milliards d'euros des dotations en 2016. Le gouvernement a bien inscrit ce montant dans le projet de loi, malgré les protestations des maires, qui avaient redoublé lors de la journée de mobilisation du 19 septembre dernier. La baisse sera répartie entre les différentes catégories de collectivités suivant les mêmes modalités que l'an dernier, c'est-à-dire au prorata des recettes réelles de fonctionnement. On notera que les communautés n'ont pas obtenu que les reversements aux communes soient défalqués de leurs ressources. "On va revenir à la charge", promet Charles-Eric Lemaignen.
Atteignant 33,109 milliards d'euros en 2016, la DGF accusera une baisse de 9,6 %.

Thomas Beurey / Projets publics

PLF : d'autres mesures touchant aux finances locales

FCTVA
Comme l'avait plusieurs fois annoncé Manuel Valls, le PLF (article 11) étend le bénéfice du FCTVA aux dépenses d'entretien des bâtiments publics réalisées à compter du 1er janvier 2016. "Les dépenses d'entretien des équipements des collectivités territoriales sont par nature inéligibles au FCTVA. Or ces dépenses, qui peuvent représenter des montants significatifs, font partie intégrante des coûts financiers à prévoir et à prendre en compte lors de l'étude d'impact des projets d'investissement", explique le gouvernement.

Transfert de CVAE
L'Association des régions de France et l'Assemblée des départements de France avaient chacune de leur côté évoqué le sujet la veille de la présentation du PLF… (voir notre article du 29 septembre) Le PLF entend "accompagner les transferts de compétences des départements vers les régions" prévus par la loi Notr en transférant une part de CVAE : il est proposé de porter de 25% à 50% la part de CVAE revenant aux régions à compter de 2017 (bien 2017 et non 2016 comme le demande l'ARF) et, corrélativement, de réduire la part revenant aux départements de 48,5% à 23,5%.

Compensation des transferts de compétences
La compensation de divers transferts de compétences est actée, ajustée ou actualisée à l'article 12 du PLF. Notamment les transferts de certains services de l'Etat aux régions prévus par la loi Maptam et la loi Notr (ou encore par la loi relative au dialogue social et à l'emploi s'agissant des transferts liés à la formation professionnelle), compensés par une fraction de tarif de TICPE. Le même article vient par ailleurs "traduire les conséquences du regroupement de certaines régions". En gros et en toute logique, la part du produit de la TICPE attribuée aux nouvelles régions équivaudra à l'addition des droits à compensation "auxquels les régions qui la composent pouvaient prétendre".

Abaissement du plafond de cotisation au CNFPT
Le gouvernement explique son choix en ces termes : "Dans un contexte où il demandé aux collectivités territoriales de participer à l'effort de redressement des finances publiques (…), le gouvernement entend accompagner cet effort par un allègement des charges pesant sur les collectivités au titre de leur contribution au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)." Résultat : le plafond du taux de la cotisation obligatoire versée au CNFPT par les employeurs territoriaux passe de 1% à 0,8%. Soit une baisse estimée pour 2016 à 68 millions d'euros. Le CNFPT a immédiatement réagi : "Cette mesure, si elle est maintenue au terme de la discussion parlementaire, porterait un rude coup à notre établissement, à la fonction publique territoriale et au droit à la formation professionnelle des agents." "Il est impossible financièrement et techniquement de mettre en œuvre cette mesure sans mettre à mal l'action de l'établissement", poursuit le CNFPT, qui rappelons-le avait dans le passé déjà vu son budget amputé de la sorte. Cela s'était produit dans le cadre du projet de loi de finances rectificatives pour 2011. Sauf qu'à l'époque, il s'agissait d'une baisse de 10% (taux de 0,9%) et non de 20% comme cette fois-ci. La loi de finances rectificative d'août 2012 avait ensuite rétabli la cotisation à son niveau initial. En juin dernier, un rapport de la Cour des comptes était revenu à la charge sur les ressources de l'établissement.

Versement transport
Le relèvement de 9 à 11 salariés du seuil des entreprises assujetties au versement transport, prévu parmi les mesures en faveur des PME annoncées par le gouvernement le 9 juin avait fait réagir les associations d'élus. Il figure toutefois bien dans le PLF, au titre des dispositions visant à limiter les effets de seuil d'effectifs de certains régimes fiscaux pour les entreprises. La perte de recettes pour les autorités organisatrices de transports - perte qui a été évaluée par Bercy à 105 millions d'euros -, sera compensée par un nouveau prélèvement sur les recettes de l'Etat.

Amendes de stationnement
Le PLF vient entériner le report au 1er janvier 2018 de la dépénalisation et décentralisation du stationnement payant.

Emprunts toxiques
Le PLF vient renforcer la capacité du fonds de soutien aux collectivités ayant souscrit des emprunts toxiques et augmenter la taxe spécifique pesant à ce titre sur les banques (article 9)

Suppression de diverses taxes et exonérations
- Suppression dès 2016 de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des terrains Natura 2000, exonération qualifiée de niche fiscale.
- Suppression des composantes de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) "autorisation" et "exploitation" relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).
- Suppression d'une disposition tout juste entrée dans la loi avec la loi Transition énergétique : la réduction d'impôt en faveur des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés pour mise à disposition d'une flotte de vélos. "La nécessité d'une aide fiscale supportée par l'ensemble de la collectivité pour les entreprises mettant à disposition de leurs salariés une flotte de vélos ne repose sur aucune étude préalable", justifie l'exposé des motifs.

Ajustement de certaines dotations
- Création d'une dotation budgétaire unique ("dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques") issue de la fusion des deux fonds de soutien aux collectivités territoriales touchées par des intempéries de grande ampleur.
- Ajustement des critères de répartition de la dotation politique de la ville (DPV) : en l'absence de population légale authentifiée par l'Insee pour les nouveaux quartiers politique de la ville (QPV) au 1er janvier 2016, la référence aux populations en zone urbaine sensible (ZUS) et zone franche urbaine (ZFU) est maintenue pour 2016.

Soutenir la construction de logements
Le PLF 2016 crée le fonds national pour les aides à la pierre (Fnap). Le président de la République avait annoncé la semaine dernière, au congrès HLM, que l'Etat y contribuera en 2016 à hauteur de 250 millions d'euros de crédits de paiement et que la même somme serait versée par les bailleurs. Le dispositif d'aide aux maires bâtisseurs est doté de 60 millions d'euros de crédits de paiement en 2016.

Rythmes scolaires
Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires est pérennisé et la part majorée de l'aide est maintenue pour soutenir les communes les plus en difficulté. La dotation prévue pour 2016 est de 319 millions d'euros.

Claire Mallet