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Finances locales - Réforme de la DGF : le vent de fronde débouchera-t-il sur un report ?

A quelques jours de l'examen en commission à l'Assemblée nationale de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF), une ressource de 33,1 milliards d'euros pour les collectivités en 2016, le front des opposants intensifie ses tirs. Désormais, certains députés demandent, à l'instar des associations d'élus locaux, un report des mesures modifiant l'architecture de la DGF. C'est certain, le projet du gouvernement ne sortira pas inchangé de l'Assemblée nationale. Un report à 2017 est possible.

Les commissions des finances et des lois de l'Assemblée nationale se réunissent les 4 et 5 novembre pour examiner la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Mais, alors que leurs membres ont jusqu'à ce lundi 2 novembre en fin d'après-midi pour déposer des amendements, les travaux qu'ils mènent en lien avec le gouvernement semblaient encore loin d'être terminés en fin de semaine dernière. Les députés ne disposaient pas non plus des simulations qui leur permettraient de connaître les effets à long terme des changements voulus par l'exécutif. Les simulations détaillées concernant la métropole du Grand Paris ne leur avaient pas non plus été fournies.
Malgré ces zones d'ombre, les députés semblaient vouloir corriger de nombreux points de la réforme, laissant penser qu'ils auront à se pencher sur de nombreux amendements. Olivier Dussopt, influent député de la commission des lois et président de l'Association des petites villes de France, a jugé que "les objectifs ne sont pas tous remplis". Il a pointé auprès de l'AFP la situation des "villes centres et des villes avec logements sociaux" qui sont "moins favorisées".

Les villes moyennes pénalisées

De son côté, la députée Christine Pires Beaune, dont le rapport a inspiré la réforme, a dit encore à l'AFP qu'il y a notamment "des 'effets de bord' sur les villes moyennes". Elle a précisé que "ce sont actuellement les seules où on n'a pas une majorité de communes gagnantes". Un constat totalement partagé par Villes de France. Aujourd'hui, les villes de taille intermédiaire perçoivent une dotation de base moyenne de 104 euros par habitant, précise Armand Pinoteau, chargé des finances à l'association. Or, sans tenir compte de la baisse de la DGF de 3,5 milliards d'euros en 2016, le résultat de l'addition de la dotation forfaitaire de 75,72 euros et de la dotation de centralité plafonnée à 45 euros sera inférieur à ce montant pour de très nombreuses villes centres de cette catégorie. D'autant que l'élargissement des périmètres intercommunaux jouera en leur défaveur.
Une autre difficulté tient au calendrier. Si elle entre en vigueur dès 2016, la réforme s'appliquera à des EPCI à fiscalité propre dont les périmètres de 2017 ne sont pas encore connus pour la plupart. Dans ces conditions, les parlementaires ne peuvent connaître précisément les effets des mesures qu'ils vont voter. L'association Ville et Banlieue met en évidence de son côté l'absence de visibilité sur les conséquences de "la disparition des critères sociaux, notamment en matière de logements".

Le gouvernement reste ferme

La liste des problèmes posés par le projet élaboré par le gouvernement est longue. Un groupe de travail réunissant les ministres en charge du dossier et une vingtaine de parlementaires s'est réuni à plusieurs reprises pour les recenser et tenter de les régler. Selon le journal Le Monde, la réunion du 27 octobre "s'est mal passée", les élus faisant part de leurs nombreuses réserves. Conséquence : l'hypothèse d'un report de la réforme a gagné du terrain. Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, en a tiré des conclusions. "Il faut voir sur quoi on achoppe. Soit on arrive à tout régler et la réforme sera maintenue dans son intégralité, soit il reste des points durs et on peut envisager une application en deux temps", a-t-il déclaré au Monde. Désormais, il semble inévitable que Matignon devra rendre un arbitrage sur un dossier devenu très sensible politiquement.
En attendant, la ministre en charge de la décentralisation n'a pas changé de ligne. "Si nous voulons être vraiment à l'heure des collectivités territoriales, de leur investissement et de la justice entre les territoires, cette réforme, il faut la faire", a-t-elle plaidé jeudi 29 octobre lors de la séance des questions au Sénat. A l'appui de ses exhortations, le gouvernement avance des chiffres. A l'Assemblée nationale, le secrétaire d'Etat chargé de la réforme territoriale, André Vallini, a indiqué que "deux tiers des communes représentant 65% de la population et 72% des EPCI représentant 74% de la population seraient bénéficiaires de la réforme". Mi-octobre, le président du Comité des finances locales avait jugé essentielle l'information concernant le nombre des habitants des communes bénéficiaires, qui manquait alors (lire notre article du 16 octobre 2015).
Du côté des députés, Christine Pires Beaune appelle aussi à garder le cap qui a été fixé. Selon elle, il faut la réforme maintenant car "on ne la fera pas en 2017 à quelques mois de l'élection présidentielle". La députée proposera une clause de revoyure pour la DGF des intercommunalités. "Il ne faut pas se faire peur", a-t-elle conclu lors d'un entretien avec l'AFP.

Contre-offensive du Sénat

Mais un très bon connaisseur du dossier pronostique un report de la réforme de la DGF ; seule la refonte des dotations de péréquation serait votée dès cet automne. "Le gouvernement a obtenu la nouvelle baisse de 3,67 milliards d'euros des dotations cette année. Il trouvera plus raisonnable de ne pas en rajouter alors que grandit la colère des élus locaux", estime cet expert.
Une telle issue donnerait satisfaction à la plupart des associations de maires et présidents de communautés. Le 27 octobre, six d'entre elles (l'Association des maires de France, l'Association des maires de grandes villes de France, l'Association des communautés urbaines de France, Villes de France, l'Association des petites villes de France et l'Assemblée des communautés de France) ont fait savoir dans un communiqué commun qu'elles souhaitent la suppression des "dispositions du projet de loi de finances modifiant l'architecture de la DGF". Le 29 octobre, l'association Ville et banlieue s'est jointe à elles.
Leur position est relayée par un Sénat où la droite cherche à faire obstacle à la politique du gouvernement. Dans un communiqué, son président, Gérard Larcher, indique qu'il a demandé au Premier ministre que la réforme "fasse l'objet d'une loi spécifique ultérieure [au projet de loi de finances] qui serait discutée de manière sereine et transparente". Il a écrit aux 36.000 maires de France pour les en informer. De leur côté, Bruno Retailleau, président du groupe des Républicains au Sénat et son collègue François Baroin, également président de l'Association des maires de France, ont demandé au gouvernement, dans un communiqué, de "suspendre son projet de réforme" de la DGF. Autant dire que l'issue du débat dans la chambre haute ne fait guère de doutes. Ce qui tranche avec les incertitudes qui prévalent à l'Assemblée nationale.