Environnement - Développement durable : les régions veulent rester à la pointe
L'Association des régions de France (ARF) vient de publier la version 2012 de son livre blanc du développement durable, cinq ans après la première édition. Réalisé sous le pilotage de la région Rhône-Alpes, ce document présente en 52 pages une quarantaine d'initiatives portées par les régions françaises illustrant les multiples facettes du développement durable (gouvernance, aménagement du territoire, enjeux climatiques, mobilité durable, énergies d'avenir, bâtiments efficaces, vie des lycées, agriculture, biodiversité, économie durable et innovante, économie sociale et solidaire, tourisme durable).
"L'engagement des régions pour le développement durable est aujourd'hui suffisamment installé pour tirer des enseignements", écrivent en introduction Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes et de la commission du développement durable de l'ARF, et Alain Rousset, président de la région Aquitaine et de l'ARF. Et de rappeler qu'en 2007, au moment du Grenelle de l'environnement, les régions ont préconisé à elles seules 33 actions. "Nous aurions apprécié qu'elles fussent davantage prises en compte", soulignent-ils, tout en reconnaissant que le gouvernement a "su puiser dans les initiatives régionales". Ainsi, le prêt à taux zéro pour les travaux de rénovation énergétique a été "conçu en Picardie, déployé en région Centre, et dupliqué par d'autres". La création par les régions de la démarche Effinergie et la promotion du label BBC "porté de longue date par la Franche-Comté puis la Bourgogne ont facilité l'adoption de cette norme pour les constructions neuves à partir de 2012". Quant au concept de trame verte et bleue, il avait aussi été "testé par les régions, notamment par l'Alsace".
En faisant oeuvre de pionnières sur le terrain du développement durable, les régions ont aussi fait l'apprentissage d'une nouvelle gouvernance. "L'approche nouvelle qui a découlé des politiques de développement durable a progressivement fait tomber les esprits de chapelles et les rivalités. Elle leur a substitué des démarches partenariales", estiment Jean-Jack Queyranne et Alain Rousset. Ils citent l'exemple de l'engagement des régions dans l'agriculture biologique et les circuits courts qui a selon eux pour vertus de soutenir l'économie locale mais aussi d'améliorer la vie des paysans, d'aider à la diffusion sur le marché de produits de qualité, d'agir pour la santé publique et de resserrer les liens entre le consommateur et l'agriculteur. En Auvergne, la SCIC de distribution de produits de l'agriculture biologique, qui atteint aujourd'hui une notoriété nationale, témoigne de cette approche. Autres exemples mis en avant : les efforts de protection de la biodiversité menés en Basse-Normandie ou en Corse qui permettent d'alimenter de nouvelles activités créatrices d'emploi, en particulier dans le tourisme responsable.
Le livre blanc vise également à démontrer que le développement durable irrigue toutes les politiques régionales, qu'il s'agisse de la gestion des TER, des lycées, du domaine économique ou de la formation professionnelle. Parmi les exemples cités : les plateformes d'information facilitant la vie des usagers comme Destineo en Pays-de-la-Loire, la construction d'Agendas 21 dans les lycées en Languedoc-Roussillon, le pôle de soutien à l'écoconception mis en place en Poitou-Charentes, la mise en oeuvre de plateformes d'écologie industrielle comme en Haute-Normandie, le programme Praxibat, plateforme de formation sur les énergies renouvelables et la maîtrise de l'énergie développée en Lorraine ou encore les programmes sur les nouveaux métiers de l'agriculture et du bâtiment soutenus par la région Champagne-Ardenne.
Les reproches faits à l'Etat
"Aujourd'hui, nos politiques et nos dispositifs s'imaginent et s'améliorent dans la concertation", insistent les dirigeants de l'ARF qui reprochent à l'Etat son "éloignement". "Sur certains grands projets comme la réforme des collectivités locales, nous aurions aimé que l'Etat s'inspirât de nos pratiques afin d'écouter ce que nous avions à lui dire". Ils jugent "manifeste" cet "écart entre la pratique des régions et celle du gouvernement" concernant les hydrocarbures de schiste. En matière d'énergies renouvelables, ils estiment que "ce serait à l’Etat de montrer, voire d’exporter, les trésors d’inventivité qui existent régionalement". Il citent à ce propos le programme Agir plus en faveur des économies d’énergie en Provence-Alpes-Côte d’Azur, le pacte électrique en Bretagne, la rénovation énergétique du bâti en Midi-Pyrénées, la société d’économie mixte pour la production d’énergie renouvelable en Ile-de-France ou l’organisation de la filière bois-énergie en Limousin. "La Guadeloupe, qui bénéficie d’une habilitation à édicter ses propres règles énergétiques, nous montre aussi la voie sur la mise en oeuvre de politiques adaptées aux richesses d’un territoire", ajoutent-ils. Si la France veut jouer "un rôle majeur dans la définition de la politique énergétique européenne", l'Etat "doit se comporter comme un catalyseur, pas comme un trublion".
Avant l'élection présidentielle, l'association d'élus plaide aussi pour "plus de décentralisation". "Alors qu'il faudrait avancer vers l'acte trois de la décentralisation, certaines évolutions nous en éloignent", notamment "la multiplication des gestes d'autorité du gouvernement, qui impose par exemple certains aménagements sur nos territoires en exigeant notre soutien financier", relevant "de méthodes archaïques qui n'entretiennent pas la confiance". "La décentralisation harmonieuse que nous espérons actera de cette gouvernance nouvelle que suppose le développement durable. Elle nécessitera de clarifier les rôles respectifs de l'Etat et des régions. Affirmées et reconnues dans leurs compétences, elles auront capacité et désir de créer, d'expérimenter, de développer de nouvelles idées".