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Energies renouvelables - Lorsque Rhône-Alpes se rêve en "Solar Valley"

"Solar Valley". L'expression, un brin emphatique, est née il y a peu en Californie, dans la Silicon Valley, pour marquer la conversion de la technopole informatique aux énergies vertes. Elle a aussitôt traversé l'Atlantique pour désigner un projet de grande ampleur en Rhône-Alpes : développer une véritable filière de l'énergie photovoltaïque. Il faut dire que la région a des atouts. C'est en effet sur son sol, à Bourgoin-Jailleu, qu'est installée Photowatt, la seule usine de France à couvrir toute la chaîne de fabrication solaire, des blocs de silicium à l'assemblage des panneaux. Face aux lenteurs du marché français, l'entreprise rachetée en 1997 par le canadien ATS avait d'ailleurs failli quitter l'Hexagone pour des cieux plus propices. Il a fallu l'intervention des élus locaux pour lui démontrer le contraire. La voici aujourd'hui récompensée. "Depuis deux ans, grâce à la hausse du prix de rachat et au crédit d'impôt, le marché français est vraiment en train de décoller", explique Jean-Louis Dubien, le directeur général de la société. Conséquence : à 134 millions d'euros, le chiffre d'affaires de Photowatt a augmenté de 30% en 2007 et devrait augmenter de 40% cette année. Pourtant, elle ne réalise encore qu'une très faible part de ses ventes en France et encore, essentiellement dans les DOM-TOM. C'est donc un pari sur l'avenir sachant que le coût du kWh solaire ne cesse de baisser grâce aux progrès technologiques, alors que celui de l'électricité classique devrait augmenter. Même pour le nucléaire, assure Didier Jouve, vice-président de la région Rhône-Alpes, délégué à l'aménagement, à l'animation des territoires et au développement durable : "L'entretien et la maintenance coûtent beaucoup plus cher que prévu, l'EPR finlandais est deux fois plus cher que le budget initial : tout cela aura des répercussions sur les coûts."

13.000 emplois

Les spécialistes scrutent l'horizon à la recherche du "greed parity", c'est-à-dire le moment où les prix se croiseront. Ce moment est déterminé par les progrès technologiques, mais aussi l'emplacement géographique. Dans le Sud de Rhône-Alpes, on parle de 2015, autant dire demain.
Selon la région, le développement durable pourrait générer 13.000 emplois dans les prochaines années. Les prévisions de Photowatt peuvent en attester : elle comptait 350 salariés, 800 aujourd'hui et envisage d'en recruter une centaine de plus pour accompagner son projet de grande envergure "Alliance PV", un groupement constitué avec le CEA et EDF pour la conception de cellules moins chères et plus performantes. Au total, les trois partenaires envisagent de créer 950 emplois. Le conseil régional et le conseil général y participent à hauteur de 15 millions d'euros chacun sur trois ans.
Les objectifs de la région sont clairs : devenir l'une des régions leader en Europe, alors qu'elle fournit déjà 25% de la production nationale hydroélectrique, via la Compagnie nationale du Rhône. "Nous avons entrepris de faire de Rhône-Alpes une éco-région, en y consacrant un tiers du budget régional, soit 700 millions d'euros", s'enthousiasme Jean-Jack Queyranne, le président du conseil régional, même s'il s'agit d'un chiffre fourre-tout qui comprend notamment le financement du ferroviaire (le budget de la délégation au développement durable n'est en réalité "que" d'1,5 million d'euros). Pour marquer ce tournant, le conseil régional équipe peu à peu les 271 lycées rhônealpins de panneaux solaires.

Problème foncier

La "Solar Valley" a une autre corde à son arc : le pôle de compétitivité Tenerrdis, qui regroupe quelque 2.500 chercheurs, et qui a déjà déposé 200 projets dans les énergies renouvelables. Les collectivités y jouent un rôle de premier plan avec le financement des plateformes technologiques. L'un de ses projets phares : Solar Nano Crystal, conduit avec Alliance PV et soutenu par l'Ines (Institut national de l'énergie solaire) de Chambéry, créé en 2006. Ce sont ainsi les trois quarts des compétences françaises du secteur qui se trouvent réunies entre Lyon et Chambéry.
Avec un marché national qui a décuplé en un an, passant de 3 MWc en 2007 à 27,5 MWc, l'avenir semble sourire aux Rhônealpins, même si la France accuse encore un immense retard par rapport à l'Allemagne, leader mondial, et l'Espagne. Seulement, avec l'énergie solaire, se pose le problème de la présence des panneaux dans le paysage. Des spéculateurs accourent dans les campagnes pour mettre la main sur ces terres juteuses qui, demain, pourraient accueillir les fermes solaires. "On a des élus locaux qui viennent nous voir et qui ne savent pas gérer ce phénomène foncier, ça peut rapidement devenir un problème, explique Didier Jouve, car historiquement, les grandes fermes solaires étaient installées dans des déserts inhabités."

Michel Tendil