Grenelle de l'environnement - Un "patrimoine en péril", selon les régions
"Un patrimoine en péril" : c'est ainsi que Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes et coordonnateur du Grenelle de l'environnement pour l'Association des régions de France (ARF), juge les engagements du Grenelle tels qu'ils apparaissent dans le projet de loi Grenelle I qui sera examiné à partir du 6 octobre à l'Assemblée nationale. "De coups de canif en coups de canif, nous avons assisté à une érosion des ambitions, a-t-il souligné en présentant le 24 septembre la vingtaine d'amendements que les régions vont transmettre aux parlementaires. Le premier recul est venu avec la loi sur les OGM qui a consacré la possibilité de produire des OGM sans que les éco-systèmes locaux et les AOC soient véritablement protégés. Il y en a eu un deuxième avec le refus de l'extension du bonus-malus écologique. Quant au projet de loi du Grenelle I, nous estimons que le compte n'y est pas sur un certain nombre de sujets."
Les régions proposent d'abord que tous les grands projets publics soient appréciés en intégrant leur coût pour le climat et pour la biodiversité et demandent que les spécificités de l'outre-mer soient mieux prises en compte. Elles souhaitent aussi que leur rôle de chef de file soit mieux reconnu, notamment pour l'élaboration des plans climat régionaux (art.7), pour le développement des énergies renouvelables (art. 17) et plus généralement sur le thème de la biodiversité (art. 21). "Le projet de loi garde une vision trop jacobine alors que les régions ont déjà montré qu'elles avaient une longueur d'avance dans ces domaines", a fait valoir Jean-Jack Queyranne.
Sur les questions de biodiversité, l'ARF demande un retour aux engagements initiaux du Grenelle concernant les pesticides. Elle propose de compléter l'art. 28 c) en précisant qu'il s'agit de diminuer de 50% d'ici 2012 "les quantités de principe actif des produits contenant des substances préoccupantes". Autre sujet de préoccupation majeure pour l'ARF : la pollution des fleuves par les PCB. Dans deux amendements à l'article 27 du projet de loi, les régions demandent à l'Etat une aide budgétaire supplémentaire de 10 millions d'euros affectée à la surveillance des milieux aquatiques et qu'il contribue aussi financièrement à la réhabilitation des milieux naturels qui ont été victimes de pollution "afin d'en restaurer l'usage et la diversité".
Les régions veulent aussi que l'Etat s'implique financièrement dans la formation (art. 6) des métiers liés à la rénovation et à la construction des bâtiments selon les normes HQE et dans celle des nouveaux métiers liés au développement des énergies nouvelles.
Davantage de moyens pour les transports
Mais c'est dans le domaine des transports (art. 10 à 15) que les griefs de l'ARF s'expriment le plus vivement. "Il faut une véritable ambition nationale pour les transports publics, a martelé Jean-Jack Queyranne. La situation actuelle du réseau ferré appelle des mesures fortes qui ne sont pas incluses dans le texte." Les régions dénoncent d'abord la rédaction actuelle de l'article 10 qu'elle juge inconstitutionnelle. "Le texte laisse entendre que l'entretien et la régénération du réseau ferré relève des régions. Mais il s'agit d'un réseau national et c'est à l'Etat de prendre sa responsabilité", a poursuivi le coordonnateur de l'ARF pour le Grenelle. Les régions jugent aussi l'effort financier de l'Etat trop tardif et trop faible et veulent que les moyens dévolus à la régénération du réseau soient accrus dès 2011 et sur 2011-2015 pour atteindre un niveau de 800 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'actuel plan de renouvellement des voies ferrées 2006-2010. De plus, lorsqu'elles sont amenées à participer à cet effort de régénération, les régions veulent pouvoir bénéficier de réductions sur les péages ferroviaires pour les services dont elles ont la responsabilité.
Par ailleurs, l'ARF souhaite que la taxe kilométrique sur les poids lourds devienne obligatoire dès 2011 et que son produit soit affecté à l'Agence de financement des infrastructures de France (Afitf) et consacré aux infrastructures non-routières. Pour les lignes ferrées à grande vitesse (article 11-3), l'ARF veut compléter la liste des projets en y incluant le barreau Poitiers-Limoges, les voies d'accès françaises au tunnel Lyon-Turin et la ligne à grande vitesse Paris-Amiens-tunnel sous la Manche (barreau d'Amiens). Elle veut aussi que l'Etat contribue majoritairement au programme d'investissements et que leur montant soit revu en fonction de l'évolution des coûts.
Autre revendication des régions : faire bénéficier les transports régionaux de voyageurs du versement transport, jusqu'alors réservé aux transports urbains. A la demande de Jean-Paul Huchon, président du conseil régional Ile-de-France, l'ARF propose aussi une réécriture complète de l'article 13 consacré aux transports franciliens. Cet amendement indique qu'"un programme renforcé d'équipement en transports collectifs visera à accroître la fluidité des déplacements, en particulier de banlieue à banlieue. A ce titre, l'Etat accompagnera la région, les collectivités territoriales et le Stif, autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, par la mise à disposition de ressources budgétaires, par la définition de nouvelles ressources fiscales locales, notamment une taxation des plus-values foncières et immobilières, et une évolution de la réglementation applicable au versement transport et par la mise en place de dispositifs juridiques et de financements adaptés. Les ressources correspondantes seront affectées à l'exécution de ce programme défini en concertation entre l'Etat et les collectivités territoriales d'Ile-de-France". L'amendement précise aussi que le projet de nouvelle rocade ferrée Arc Express "sera conduit par le Stif".
Enfin, les régions demandent à être associées à l'élaboration du schéma national d'infrastructures de transport (art. 15) au titre de leur compétence en matière d'aménagement et de schéma directeur d'infrastructures et de transport.
Anne Lenormand