Insertion - Des nuages dans le ciel des missions locales
"Qu'est-ce qu'il faut changer dans les missions locales aujourd'hui ?" C'est à cette question que le Syndicat national des métiers de l'insertion CFDT (Synami CFDT), quatre missions locales (celle du Chinonais, du Médoc, du Poitou et de Saint-Quentin-en-Yvelines), et les pères fondateurs des missions locales Bertrand Schwartz et Gérard Sarazin ont décidé de répondre. Pour construire cette réflexion, 300 salariés ont été rencontrés, en individuel ou en collectif, et cinq réunions régionales (Paris, Poitiers, Lille, Lyon, Rennes) ont été animées. Le tout aboutissant à une analyse plutôt critique du travail des missions locales. Premier constat : l'insertion sociale et professionnelle des jeunes des missions locales est de plus en plus difficile et le cloisonnement, qui est de règle dans les institutions spécialisées, rencontre ses limites. "L'insertion est un problème complexe, explique le document de synthèse, l'accès à l'emploi nécessite souvent d'agir simultanément sur le logement, la santé, la culture, la citoyenneté." Autre grief : la capacité d'écoute des missions locales, qui est à la base de leur démarche, est "aujourd'hui mise à mal" par la pression exercée pour aller très vite à des solutions toutes faites avec des impératifs de réussite. "L'offre de formation reste dominée par des formations "catalogue" et "stéréotypées", remarque encore le document. Les participants à l'étude regrettent aussi que les jeunes ne soient pas associés à la construction des réponses et qu'ils n'aient pas les moyens de participer aux décisions qui les concernent. "On relève peu d'exemples de missions locales ayant mis en place des formes de démocratie participative, comme des conseils de jeunes ou des groupes de travail avec des jeunes." Enfin, les auteurs refusent que les missions locales deviennent les "ANPE jeunes". "Le mode d'intervention des missions locales dans le service public de l'emploi ne doit pas être celui de la sous-traitance des cas difficiles, mais celui du partage des constats, de la codécision effective et de l'échange des bonnes pratiques."
A côté de cette analyse critique, le document propose plusieurs pistes d'amélioration comme de donner la possibilité aux acteurs locaux de choisir les dispositifs les plus adaptés à chaque jeune et à chaque territoire, en s'attachant à mesurer leur impact sur ces jeunes, et non à quantifier le nombre de mesures mobilisées. Ils proposent d'expérimenter une nouvelle approche territoriale de l'insertion des jeunes dont les modalités restent à définir. Une organisation qui supposerait "que les financeurs (locaux, régionaux, nationaux), acceptent de mettre en commun leurs moyens d'intervention et donnent la possibilité aux opérateurs locaux d'adapter les différentes mesures dont ils sont porteurs". Les acteurs de cette "recherche-action" ont l'intention de poursuivre leur démarche par des expérimentations concrètes sur le terrain. Ils comptent aussi s'adresser aux pouvoirs publics, dans l'objectif de refonder les politiques et les outils qui sont actuellement au service de l'insertion des jeunes.
Emilie Zapalski
Les missions locales défendent leurs spécificités
Cibles de nombreuses critiques, les missions locales tentent de reprendre la main. Le président de l'Union nationale des missions locales (UNML), Jean-Raymond Lepinay, est intervenu mercredi 21 mai, lors d'une conférence de presse, à Paris, pour défendre leurs spécificités. "Qu'est-ce que pourrait bien apporter aux jeunes le fait d'être reçu dans une maison de l'emploi, plutôt que dans une mission locale ?", a-t-il interrogé, en écho au rapport d'étape de Jean-Paul Anciaux remis à Christine Lagarde en février dernier. Parm i les propositions du député de Saône-et-Loire figure en effet le rapprochement des Plie (plans locaux pour l'insertion et l'emploi) et des missions locales avec les maisons de l'emploi. Or, selon Jean-Raymond Lepinay, cette proposition "n'apporte pas de méthodes supplémentaires pour l'accompagnement des jeunes et il n'y aura pas plus de points d'accueil pour les jeunes". Toutefois, il se dit prêt à un partenariat renforcé entre les trois acteurs territoriaux.
L'association est également revenue sur la déception que constitue pour les missions locales l'entrée en vigueur du contrat d'autonomie dont elles ont été écartées au profit d'opérateurs privés. Elle craint notamment une mise en concurrence entre ce nouveau dispositif prévu pour les jeunes des quartiers et le Civis (contrat d'insertion dans la vie sociale). "Avec la signature d'un contrat d'autonomie, un jeune pourra toucher 1.800 euros sur six mois, alors que les bénéficiaires d'un Civis perçoivent une rémunération maximale de 900 euros par an. Pour des questions économiques évidentes, beaucoup de jeunes pourraient délaisser le Civis au profit de ce nouveau dispositif", a expliqué Christelle Tavares, déléguée générale de l'UNML. Le contrat d'autonomie créé par le plan Espoir banlieues impose à l'opérateur de suivre le jeune les six premiers mois après son embauche. Insuffisant selon Jean-Raymond Lepinay pour qui "l'insertion des jeunes prend du temps". "La durée d'un Civis est d'un an renouvelable", a-t-il fait valoir.
M.T. avec Centre inffo