Contrat d'autonomie - Les missions locales s'inquiètent d'une "privatisation de l'accompagnement des jeunes"
C'est l'une des mesures clés du plan "Espoir banlieues, une dynamique pour la France" : le contrat d'autonomie, censé s'attaquer au chômage des jeunes dans les quartiers. Annoncée le 8 février par Nicolas Sarkozy avec la promesse de créer 45.000 de ces nouveaux contrats, la mesure entre dans le vif du sujet : un appel d'offres a été lancé le 31 mars dans 35 départements pilotes. Mais les missions locales voient d'un très mauvais œil cette ouverture à la concurrence des opérateurs privés dans ce qu'elles considèrent être leur champ de compétence : le nouveau contrat s'adresse aux 16-25 ans les plus en difficulté des zones urbaines sensibles. Pour le Synami (Syndicat national des métiers de l'insertion)-CFDT, le dispositif a été construit "sans concertation avec les collectivités locales concernées". La CGT-PAIO-Missions locales y voit pour sa part "une privatisation de l'accompagnement global des jeunes". "Aujourd'hui c'est le contrat d'autonomie, demain ce sera un autre dispositif", s'inquiète le syndicat, qui rappelle que les missions locales et PAIO suivent aujourd'hui "180.000 jeunes issus des quartiers sensibles et 96.500 accédants à l'emploi ou à la formation".
C'est dans le Nord-Pas-de-Calais, l'une des régions les plus touchées par le chômage des jeunes, que les réactions ont été les plus vives. Alors que les missions locales rencontrent déjà de "graves difficultés", cette décision "aura de toute évidence pour effet de les fragiliser encore plus", s'inquiète le député du Nord et président de la mission locale du Douaisis, Jean-Jacques Candelier, dans un courrier adressé à Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la Politique de la ville. "Vous semblez confondre vitesse et précipitation, invective-t-il. Il s'agit donc d'une remise en cause pure et simple de leur compétence, qui vient s'ajouter à leur étranglement financier de la part de l'Etat."
Boycott
L'association régionale des missions locales (ARML) et les missions locales du Nord-Pas-de-Calais ont décidé de boycotter l'appel d'offres. "L'auraient-elles voulu qu'elles n'auraient pu le faire, estime l'ARML. En effet aucune mission locale n'est en mesure de répondre au niveau départemental et la structure juridique et financière de l'association régionale ne le permet pas non plus." Selon l'association, "c'est moins d'une nouvelle mesure que d'un engagement plus fort des entreprises, dont les missions locales ont besoin pour réussir l'accès à l'emploi des jeunes de ces quartiers en zone sensible".
L'ensemble des professionnels craignent enfin que le contrat d'autonomie ne suscite des inégalités de traitement puisque ses bénéficiaires recevront une bourse de 1.800 euros, soit le double de l'allocation maximum prévue dans le cadre du Civis (contrat d'insertion dans la vie sociale).
L'Union nationale des missions locales (UNML) a entrepris de sensibiliser le gouvernement sur l'ensemble des difficultés rencontrées, notamment sur la place des missions locales dans la procédure d'appel d'offres.
Sentant le vent venir, Fadela Amara a réuni les préfets délégués à l'égalité des chances et les sous-préfets chargés de mission pour la politique de la ville, à la maison de la RATP, lundi 21 avril, pour sonner le rassemblement. "On est dans la phase de mise en place, il va y avoir quelques difficultés, peut-être de la résistance de certains élus, a-t-elle expliqué. J'ai besoin de sentir que nous sommes une équipe qui fait bloc."
Michel Tendil