Développement durable - Des agences de notation qui ont la cote
Voilà au moins une agence de notation qui réjouit des responsables politiques. BMJ Ratings vient de décerner un A+ à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et son président, Michel Vauzelle, n'a pas manqué de s'en féliciter publiquement. A vrai dire, cette note ne dit rien des capacités de la collectivité à rembourser ses prêteurs. BMJ Ratings est une agence de notation "extra-financière" : elle a évalué les performances de la région en matière de développement durable. Ses consultants ont notamment apprécié ses efforts pour la cohésion sociale ou l'environnement, tout en suggérant des améliorations en termes de gouvernance.
Cette notation, qui a coûté 29.500 euros hors taxes à la région, lui permet bien sûr une fière annonce à ses administrés : ses politiques "pour répondre aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux apparaissent performantes", aux yeux de professionnels extérieurs. Le vice-président Jean-Louis Joseph trouve en outre cette étude "passionnante" en ce qu'elle indique des "voies de progrès" pour le développement durable de la région. Mais cette notation extra-financière a aussi un intérêt pécuniaire. "Nous empruntons chaque année de 200 à 250 millions d'euros pour investir dans nos trains, nos lycées, nos infrastructures. Or les collectivités territoriales ont désormais beaucoup de mal à trouver des crédits auprès des banques traditionnelles", rappelle l'élu délégué aux finances. "Cette notation va faciliter nos émissions d'obligations sur les marchés financiers. Grâce à elle, nous pourrons attirer les investisseurs socialement responsables (ISR)." Les souscripteurs soucieux de critères "ESG" (liés à l'environnement, au social et à la gouvernance) pourront désormais placer leur argent avec confiance sur les projets "durables" de la région Paca… Jean-Louis Joseph espère même attirer "les particuliers, puisque nous procéderons en 2012 à un appel public à l'épargne".
Communication
Cette motivation est courante parmi les 16 collectivités déjà notées par BMJ Ratings. "40% des demandes d'emprunts des collectivités ne trouvent pas d'offreurs auprès des banques", note le directeur adjoint Benoît Agassant. "Une notation extra-financière peut donc être un atout pour emprunter sur les marchés." Et bien sûr, l'évaluation leur permet de "faire un point sur leurs performances et leurs marges de progrès au regard du développement durable". Certains de ses clients se soumettent d'ailleurs à plusieurs reprises à la notation. Enfin, "un décret paru en juin dans le cadre de la loi Grenelle 2 oblige les collectivités de plus de 50.000 habitants à faire un rapport sur leur situation en matière de développement durable : elles peuvent se saisir de cette obligation pour faire mener cet état des lieux par un tiers."
A Arcet Cotation, une autre agence qui a déjà évalué une vingtaine de collectivités, le consultant Thomas Urvoy relève une quatrième motivation : "La communication. Les collectivités peuvent vouloir mettre en avant leurs politiques de développement durable." Et certaines notations paraissent bien prestigieuses, comme pour Le Havre (A++ selon Arcet cotation), le Val-d'Oise (AA+) ou le Nord-Pas-de-Calais (AA++ selon BMJ Ratings). Mais l'évaluation peut aussi décevoir. Il est déjà arrivé qu'une collectivité préfère finalement garder sa note confidentielle… Dans certains cas, Arcet cotation se limite d'ailleurs à un jugement qualitatif. "Parler de notation peut faire peur aux collectivités françaises. Elles peuvent craindre qu'une éventuelle mauvaise note ne soit communiquée", relève Thomas Urvoy. "Une note n'est pourtant pas faite pour sanctionner, mais pour mettre en avant ce qui a été fait et indiquer des marges de progrès."
Manque de transparence
Ordinairement, ces regards extérieurs sont sollicités par les collectivités. Elles peuvent les payer jusqu'à 35.000 euros chez BMJ Ratings. Mais de plus en plus, les agences s'intéressent d'elles-mêmes aux collectivités, "afin de couvrir la demande en analyse de la part des fonds obligataires ISR", comme le souligne le "Panorama des agences de notation extra-financière" édité par Novethic. Ces notations payées par les investisseurs - appelées "déclaratives", par contraste avec les "sollicitées" - sont cependant "relativement rares", précise à Novethic le responsable de la recherche ISR, Dominique Blanc. Et les agences font alors "face au manque de transparence (des collectivités), peu habituées qu'elles sont à être sollicitées sur ces enjeux", comme l'a constaté Novethic. Or ces notations déclaratives pourraient bien se multiplier dans les prochaines années. "Un nombre croissant de fonds ISR s'intéressent non plus seulement aux actions, mais aussi aux obligations, et notamment à celles émises par les collectivités", observe Dominique Blanc. Les engagements des départements ou des régions dans le développement durable pourraient donc, mécaniquement, les captiver.