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Solidarité - Dépenses sociales : les départements présentent l'addition

L'Assemblée des départements de France (ADF) rend public le "Mémorandum en faveur des départements en difficulté" qu'elle a élaboré en vue de sa remise au Premier ministre. L'objet de cette note d'une quinzaine de pages est de mettre en évidence l'impasse budgétaire dans laquelle se trouvent les départements. Excepté le cas des dépenses des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), le document est consacré exclusivement aux dépenses sociales. L'ADF rappelle en effet qu'"une part croissante des dépenses de fonctionnement des départements est consacrée au versement de trois prestations nationales, qui représentent en 2008 un montant de l'ordre de 11,5 milliards d'euros". Il s'agit en l'occurrence du RMI - devenu depuis lors le RSA - avec 5,98 milliards d'euros, de l'allocation personnalisée d'autonomie (4,85 milliards) et de la prestation de compensation du handicap (568 millions).

 

Des écarts très variables

Pour ces trois prestations et sur la seule année 2008, l'ADF estime le "déficit" (écart entre les dépenses assurées par les départements et les ressources transférées ou affectées par l'Etat) à 3,81 milliards d'euros, soit 33% des crédits engagés. Cet écart global recouvre toutefois des différences considérables selon les prestations.
Ainsi, la PCH est presque à l'équilibre, avec 568 millions d'euros de dépenses et 550 millions de ressources affectées ou transférées, soit un écart de 18 millions (3,1%). Cette situation s'explique par la contribution de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et par la montée en charge beaucoup plus lente que prévu de la PCH. Ce relatif équilibre devrait toutefois n'être que très provisoire. La montée en charge de la PCH tend en effet à s'accélérer fortement et la CNSA a déjà fait savoir qu'elle ne pourra pas suivre le rythme, ce qui diminuera le poids relatif de son financement (voir notre article ci-contre du 20 novembre 2009).
L'écart entre dépenses et recettes est plus important pour le RMI, avec respectivement 5,98 et 5,44 milliards d'euros soit un "déficit de compensation" - selon l'expression de l'ADF - de 541 millions d'euros (9% du total). Cet écart prend en compte la contribution, au-delà des obligations constitutionnelles - du Fonds de mobilisation départemental pour l'insertion (FMDI), soit 500 millions d'euros. Pour l'ADF, la difficulté vient du contraste entre des dépenses de RMI dynamiques - la crise n'a rien arrangé depuis 2008 - et une recette (une fraction de la TIPP) dont l'assiette nationale est en diminution. Mais le plus gros écart concerne l'APA, avec une dépense 2008 de 4,85 milliards d'euros et des ressources transférées de 1,59 milliard, soit un écart de 3,25 milliards (67%). L'ADF reprend le constat de la Cour des comptes sur le triplement de l'effort des départements entre 2002 et 2007 pour financer l'APA, mais n'avance pas d'explication pour expliquer l'envolée de cette prestation. Outre le vieillissement de la population, l'explosion de l'APA tient surtout à la suppression de la récupération sur succession qui existait sur la prestation spécifique dépendance (PSD). Lors de la création de l'APA en 2002, les départements n'étaient pas opposés à cette suppression, justifiée socialement, mais qui a levé tout frein à la demande de prestation.

 

Deux types de solutions

Face à ce constat, le mémorandum propose au Premier ministre deux familles de solutions. Les premières concernent directement les prestations en cause. Sur l'APA, l'ADF préconise ainsi - en attendant une éventuelle révision des taux de compensation - d'augmenter la contribution de la CNSA en portant à 0,2% (au lieu de 0,1%) le prélèvement sur l'assiette nationale de la CSG. Cette solution permettrait de porter le taux de couverture de l'APA à environ 50% de la dépense. L'association suggère également de revoir les critères de répartition de l'enveloppe nationale de la CNSA entre départements, au profit des territoires en vieillissement démographique.
Sur le RMI-RSA, l'ADF demande la pérennisation du FMDI, dont l'enveloppe pourrait par ailleurs être doublée en lui affectant les excédents du Fonds national des solidarités actives, résultant de la faible montée en charge du RSA "activité". Elle demande également l'autorisation d'inscrire le reliquat des droits à compensation en "produits à recevoir" dans les budgets des départements (ce qui reviendrait, pour l'Etat, à reconnaître sa dette). Enfin, pour la PCH, l'association suggère une modification législative qui permettrait d'accroître le montant de la section III du budget de la CNSA, afin d'assurer une couverture intégrale de la prestation.
Au-delà de ces mesures spécifiques, le mémorandum formule également plusieurs propositions en vue d'"un partage plus clair des responsabilités pour une meilleure maîtrise des coûts". Celles-ci sont de trois ordres. Il s'agirait tout d'abord de revoir la notion d'autonomie financière, notamment par une révision du calcul du taux d'autonomie financière. Une telle mesure supposerait toutefois de modifier la loi organique du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales. La seconde piste évoquée porte sur le financement des Sdis et reprend les demandes récurrentes de l'ADF sur le financement des actions de prévention des Sdis réalisées pour le compte de l'Etat et sur l'accroissement du pouvoir des départements, notamment dans l'élaboration des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR). Enfin, la troisième piste concerne un ajustement des règles comptables en matière d'amortissement (modifications à la nomenclature M52), qui permettrait d'alléger la pression à ce titre sur les budgets départementaux. Quatre mesures comptables sont proposées à ce titre. Elles visent à autoriser un allongement des durées d'amortissement (subventions versées aux personnes de droit public ou aux personnes de droit privé), à disjoindre la part imputable aux investissements dans le financement des établissements pour personnes âgées ou handicapées, ou encore à étendre le champ de la neutralisation des amortissements obligatoires pour le patrimoine immobilier départemental (mobilier de bureau, installations de voierie, installations téléphoniques ou électriques...).

 

Jean-Noël Escudié / PCA
 

 

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