Finances publiques - Conférence sur le déficit : des décisions "importantes" et "précises" en avril
Nicolas Sarkozy a promis ce jeudi 28 janvier que le gouvernement prendrait en avril des "décisions extrêmement importantes" et "précises" pour enrayer la "spirale" des déficits", à l'issue de la Conférence sur le déficit.
"En avril, pour les collectivités locales, pour la sécurité sociale, comme pour l'Etat, nous prendrons des décisions extrêmement importantes pour contenir les déficits (...). Des décisions extrêmement précises pour que la spirale des déficits ne porte pas atteinte à la crédibilité de notre pays", a déclaré Nicolas Sarkozy en concluant à l'issue de la première session de la Conférence sur le déficit réunie à l'Elysée.
Dans une courte allocution, le chef de l'Etat a annoncé, d'ici à la prochaine réunion de la conférence en avril, la constitution d'un certain nombre de groupes de travail qui seront chargés de préparer ces décisions.
Ainsi, pour l'un de ces groupes de travail, le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée, Gilles Carrez, et le préfet Pierre-René Lemas devront mesurer "l'impact des normes imposées par l'Etat" aux collectivités locales et réfléchir "à la mise en place d'un objectif de dépense" pour ces même collectivités. "Depuis 1980, les dépenses des collectivités locales ont augmenté de 20% en proportion du PIB, mis de côté tous les effets de la décentralisation", a insisté Nicolas Sarkozy, concédant que l'Etat avait "une part de responsabilité dans cette dérive, c'est incontestable, par exemple en fixant des normes excessives".
Un autre groupe, confié à Paul Champsaur, président de l'Autorité de la statistique publique, et Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'Insee, sera chargé d'analyser "l'évolution des finances publiques sur les trente dernières années" et servira de "point de départ incontestable" à la réunion d'avril.
En matière de dépenses sociales, un groupe confié à un membre du collège de la Haute Autorité de santé, Raoul Briet, "proposera les règles permettant d'assurer que l'objectif national (de dépenses) d'assurance maladie voté chaque année par le Parlement soit respecté".
En outre, le Premier ministre, François Fillon, installera "dans les jours qui viennent" une commission mixte gouvernement-Parlement "pour trouver des solutions pour rembourser la dette exceptionnelle que la sécurité sociale a accumulée pendant la crise".
Concernant l'Etat, Nicolas Sarkozy a indiqué que le ministre du Budget, Eric Woerth, présenterait en avril "un plan d'action complet pour réduire la dépense de l'Etat" incluant "toutes les options", notamment le "démantèlement" et la "réduction" des "niches sociales (et) fiscales". Il a également annoncé que "toutes les recettes supplémentaires qui pourraient venir de la croissance" seraient consacrées au désendettement.
Enfin, l'ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) Michel Camdessus devra plancher sur "une règle d'équilibre pour l'ensemble des administrations publiques".
"Les déficits concernent tout le monde"
S'agissant des collectivités, Nicolas Sarkozy a regretté "que les représentants des départements et des régions ne soient pas venus alors que les représentants des maires sont venus" : "C'est difficile de trouver des accords entre les uns et les autres si certains refusent de s'asseoir à la table pour discuter. Les déficits concernent tout le monde", a-t-il déclaré en concluant devant la presse la conférence qui s'était auparavant déroulée à huis-clos.
Ne se jugeant pas "responsables" des déficits, Alain Rousset, le président de l'ARF, et Claudy Lebreton, son homologue de l'ADF, avaient en effet décidé de boycotter la réunion de l'Elysée.
Dans un courrier adressé au chef de l'Etat, Alain Rousset souligne notamment que les déficits publics de la France sont "générés à près de 90% par la seule dette de l'Etat", celle des régions n'en représentant que 1,2%. "La totalité des régions emprunte en un an ce que l'Etat emprunte en une semaine", relève-t-il également, appelant à "une discussion de fond quant à une clarification des compétences entre les régions et l'Etat".
De son côté, Claudy Lebreton estime que "pour commencer à débattre sereinement de cette question du déficit de la France, il importe qu'une base minimale de diagnostic partagé existe entre l'Etat et les collectivités territoriales", ce qui n'est selon lui pas le cas. Et le président de l'ADF d'évoquer "le moment choisi pour cette conférence, la précipitation avec laquelle elle se réunit, l'absence de travail préalable entre les services du gouvernement et l'ADF, l'expression publique de ministres sur l'analyse des déficits et les dispositifs d'ores et déjà annoncés".
Le président de l'Association des maires de France (AMF), Jacques Pélissard, a lui participé à la réunion de l'Elysée. Et a dans ce cadre proposé "quelques pistes de réflexion", indiquait l'AMF jeudi soir dans un communiqué : "maîtrise de l'inflation normative ; meilleure mutualisation des services entre communes et communautés ; rationalisation des compétences entre les différents niveaux de collectivités ; poursuite de la réforme fiscale afin d'aboutir à une plus grande lisibilité de l'impôt et à une véritable responsabilité de chaque niveau territorial". Le président de l'AMF a lui aussi souligné que "la situation des collectivités locales et celle de l’Etat n’est pas comparable" et que "l'Etat doit reconnaître le paradoxe qui existe entre sa volonté d'encadrer la progression des dépenses locales et l'impact de ses décisions". Il a, enfin, souhaité que "les échanges sur la dépense publique dépassent l'aspect purement comptable, pour aborder, de manière réellement concertée entre tous les acteurs, la définition et le financement des politiques publiques".
C.M., avec AFP
Information ou désinformation ?
A la veille de cette Conférence sur le déficit, et à deux mois des élections régionales, l'UMP a lancé mercredi 27 janvier une offensive contre les collectivités PS, qu'elle accuse de financer des campagnes de "désinformation" sur la réforme territoriale, une attaque relayée par le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux.
L'assaut avait démarré mercredi matin : lors d'un point-presse, le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, dénonçait le fait que certaines collectivités PS aient lancé tracts et affiches pour dénigrer la réforme territoriale avec "l'argent des Français". Dans l'après-midi, lors des questions au gouvernement à l'Assemblée, Xavier Bertrand réitère ses attaques, brandissant des liasses de tracts hostiles au projet de réorganisation territoriale, publiés par des régions et départements PS. Et Brice Hortefeux d'opiner : "Oui c'est vrai, certaines collectivités ont engagé des campagnes non pas d'information mais de désinformation." Le ministre dit avoir vu "dans un département de la région parisienne" une campagne d'affichage affirmant "que les bus allaient être supprimés, que les manifestations culturelles ne seraient plus financées, que les routes, faute d'entretien, allaient se transformer en pistes"... Alors "oui, au regard de la jurisprudence il existe un doute sérieux, très sérieux sur la légalité de ces agissements et le moment venu la commission nationale des comptes de campagne, dès lors qu'elle sera informée de ces agissements, aura à se prononcer, voire à sanctionner", a-t-il menacé. Furieuse de cette attaque en règle, la gauche n'a pas tardé à engager une vive passe d'armes.
"C'est certain, depuis des mois, les présidents de conseils généraux, dans le cadre de leurs activités quotidiennes, informent les Français sur la réforme, ses dérives et les ressorts cachés des projets gouvernementaux, qui ne visent qu'à une chose : supprimer sans le dire les départements (…)", a de même réagi jeudi le "groupe majoritaire" de l'ADF dans un communiqué, estimant qu'il ne s'agit en aucun cas d'une "utilisation abusive des moyens de la collectivité".