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Logement - Délégation des aides à la pierre : le Sénat plus réservé que la Cour des comptes

Il y a un peu plus d'un mois, la Cour des comptes délivrait un satisfecit d'ensemble au dispositif de délégation des aides à la pierre, estimant qu'il "a répondu aux espoirs qui avaient été placés en [lui]" (voir notre article ci-contre du 31 mai 2011). Aujourd'hui, c'est au tour de la commission des finances du Sénat de se pencher sur "les délégations de compétences dans le domaine du logement (aides à la pierre et contingents préfectoraux)". Rédigé par Philippe Dallier, sénateur (UMP) de la Seine-Saint-Denis, le rapport d'information, tout en reconnaissant les mérites de la délégation, est sensiblement moins laudateur que le rapport de la Cour des comptes.

Quel impact réel pour la délégation ?

Après avoir rappelé les origines de ce dispositif créé en 2004, le rapport considère le bilan quantitatif "plutôt positif", puisque la moitié environ des crédits d'aide à la pierre est aujourd'hui déléguée. Philippe Dallier fait également crédit à la délégation d'avoir eu "un effet d'entraînement certain sur les politiques du logement au niveau local", comme en témoigne notamment la mise en place de services spécialisés en leur sein, signe de l'implication croissante des délégataires dans la politique du logement. Les aides propres mises en place par les seuls départements délégataires s'élèvent ainsi à 200 millions d'euros, pour 135 millions d'aides déléguées. Du côté des EPCI, les aides sont passées d'une moyenne d'environ cinq euros par habitant en 2005 à une fourchette de 20 à 30 euros en 2009.
Si le bilan quantitatif est ainsi indéniable, la commission des finances estime néanmoins que la valeur ajoutée du dispositif est "difficile à identifier précisément". En d'autres termes, comment faire la part entre les mérites de la délégation et les effets de la typologie des territoires concernés, caractérisés le plus souvent par de fortes tensions sur le marché du logement, incitant les collectivités concernées à intervenir ? De même, s'appuyant sur l'audition du directeur de l'habitat au ministère du Logement, le rapport constate que la délégation n'a entraîné "aucune modification des pratiques antérieures de l'Etat s'agissant de la définition des enveloppes régionales des aides à la pierre". Il rappelle également que "les personnes auditionnées par votre rapporteur spécial ont considéré que les résultats obtenus en termes de construction de logements sont difficilement voire impossibles à attribuer avec certitude au mode de gestion des crédits d'aides à la pierre". De plus, "une analyse plus fine montre [...] que les territoires où les aides à la pierre sont gérées par l'Etat n'ont pas de meilleurs ou de pires résultats que les conseils généraux ou EPCI délégataires". Enfin, le rapport constate que "la mise en place des circuits administratifs de la délégation des aides à la pierre a eu pour conséquence négative une complexité accrue des procédures, qu'il convient cependant de ne pas surestimer".

Un contexte moins favorable qui plaide pour une remise en question

Au-delà de ce constat, le rapport estime que la période est propice à une "remise en question" de la délégation. Le contexte est en effet devenu moins favorable avec la réduction de l'enveloppe des aides à la pierre (473 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2011, contre 662 millions en 2009 et 624 millions en 2010). Le rapport cite aussi la réorientation des aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) vis-à-vis des propriétaires bailleurs. La commission des finances estime également que l'attractivité de la délégation s'est réduite, notamment avec la récente mise en place de la nouvelle convention-type (voir notre article ci-contre du 6 avril 2011).
Le rapport propose donc de "redonner du sens et de la souplesse au dispositif de la délégation". Pour cela, il préconise trois mesures principales. La première consiste à faire des délégations un critère de performance dans les documents budgétaires de la mission "Ville et logement". La seconde vise à répondre au "désenchantement" des acteurs, en ouvrant des choix aux délégataires. Le rapport évoque notamment la possibilité de renoncer au caractère aujourd'hui systématiquement global des délégations, l'introduction d'une fongibilité entre parc public et parc privé, ou encore la possibilité d'adapter les orientations nationales au contexte local (notamment pour les aides de l'Anah). Enfin, la troisième mesure concerne la recherche d'un meilleur ajustement entre les délégations et la capacité de l'Etat à tenir ses engagements, l'écart croissant entre ces deux données portant un risque, pour les collectivités, de se trouver engagées au-delà des estimations initiales. Pour l'éviter, le rapport propose d'adopter le rythme des trois années glissantes pour les délégations d'aides à la pierre.

Jean-Noël Escudié / PCA 

Délégation des contingents préfectoraux : le Sénat favorable à la généralisation
Le rapport pour information de la commission des finances consacre aussi un développement à la délégation des contingents préfectoraux, mise en place par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (article L.441-1 du Code de la construction et de l'habitation). Cette délégation ne concerne aujourd'hui que 85 communes, toutes situées en Ile-de-France, ainsi que l'agglomération de la région de Compiègne (Oise). Le bilan du dispositif se révèle pourtant très positif et semble donner satisfaction aux deux parties. Sa souplesse permet en effet de l'adapter à la situation de chaque territoire. Le rapport s'étonne donc de la réticence de l'Etat à ouvrir cette délégation à d'autres collectivités, au motif que cela pourrait nuire à la mise en œuvre du droit au logement opposable (Dalo). Il considère au contraire que le bilan positif de cette délégation plaide en faveur de sa généralisation.