Habitat - Les HLM doivent "changer de modèle économique"
Le 71e congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH) restera dans les annales comme un congrès agité (voir nos articles ci-contre). Autant que le "congrès Périssol" de 1995 ? Probablement pas, estiment ceux qui ont vu le ministre du Logement RPR de l'époque, Pierre-André Périssol, se faire fortement chahuter. Cette réaction musclée faisait suite à un projet de taxation d'un milliard de francs sur les organismes HLM, combiné à l'appel ministériel à "un profond mouvement de rénovation" du secteur et "une redéfinition de sa mission sociale". Ce sont quasiment les mêmes termes qui ont mis le feu aux poudres en cette année 2010. Avec juste un changement de monnaie, le milliard étant désormais d'euros. Le secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, a ainsi eu toutes les peines à terminer son discours le jeudi 30 septembre. A défaut d'avoir été entendu, ce texte qui constitue une déclaration de politique générale sur le logement, mérite cependant d'être lu avec attention : il contient naturellement des précisions sur le budget mais aussi des perspectives d'évolution sur les loyers HLM et la coopération entre organismes.
Budget : où trouver 340 millions d'euros ?
Les questions budgétaires ont été, comme souvent, au coeur de ce congrès HLM. Rappelons le contexte. Le projet de loi de finances pour 2011 et le projet de loi de programmation pour 2011, 2012 et 2013 ont été présentés en Conseil des ministres mercredi 29 septembre. Le gouvernement propose aux parlementaires de consacrer aux aides à la pierre (subvention de l'Etat à la construction de logements sociaux) 500 millions d'euros en 2011, 450 millions en 2012 et 400 millions en 2013. Une baisse sensible donc, alors que le plan de relance avait permis ces deux dernières années de maintenir autour de 700 millions d'euros ces crédits. De plus, le gouvernement prévoit d'assujettir les bailleurs sociaux à une taxe sur les loyers qui doit rapporter au total autour de 340 millions d'euros par an (soit un milliard d'euros pour la période 2011-2013).
Dans son discours, Benoist Apparu a justifié cette politique par la situation financière française : "Depuis 30 ans, nous avons accumulé 1.500 milliards d'euros de dette." Le secrétaire d'Etat "assume" donc et "revendique ce budget [...]. Ce qui ne veut pas dire que l'Etat va arrêter de financer la construction de logements dans notre pays". "Je prends l'engagement que le produit de la CRL [contribution sur les revenus locatifs, la taxe sur les loyers en question, ndlr] sera intégralement redistribué au monde HLM". Comment ? Les 340 millions d'euros seraient versés à la Caisse de garantie du logement locatif social. Cet organisme reverserait ensuite une subvention à l'Anru de 250 millions d'euros, le reste permettant d'assurer que les aides à la pierre ne baisseront pas plus que prévu. Lors de la conférence de presse qui a suivi son intervention, Benoist Apparu a indiqué qu'il fallait de toute façon trouver 250 millions pour l'Anru, qu'il n'était pas possible de les prendre au 1% "sans le tuer", d'où cet arbitrage.
Mais tout cela n'est que le projet gouvernemental, qui sera discuté puis voté au Parlement cet automne. Or, plusieurs parlementaires UMP se sont dits opposés à ce prélèvement. C'est le cas par exemple de Philippe Dallier, rapporteur de la mission ville et logement au Sénat. Au cours d'une table ronde au congrès de l'USH, il a indiqué que le "logement social ne peut être une variable d'ajustement comme une autre", et que ce "prélèvement était une mauvaise solution trouvée par Bercy". La difficulté est qu'un budget doit nécessairement être en équilibre : si les parlementaires veulent supprimer ce prélèvement, ils doivent trouver ailleurs une ressource de 340 millions d'euros par an. Pas simple, en particulier ces temps-ci.
Un "modèle économique" fondé sur la mobilité des locataires et la vente de HLM
Avec en arrière-plan cette "réduction inéluctable des budgets des pouvoirs publics", Benoist Apparu souhaite "repenser fondamentalement l'ensemble de la chaîne du logement pour produire plus, mieux et avec plus d'efficacité". Dans ce schéma, le parc social doit loger "les plus modestes mais aussi ceux qui pour de multiples raisons ne trouvent pas de logement sur le marché". Pour cela, il faut "développer chez les locataires du parc social une culture de la mobilité résidentielle pour libérer le parc pour ceux qui en ont le plus besoin. En passant de 10 à 15% de mobilité, ce sont 200.000 logements supplémentaires que nous pourrons attribuer chaque année". Sans surprise, Benoist Apparu est également revenu sur la vente de HLM, car vendre "1% du parc par an c'est 2 milliards de fonds propres à comparer aux 500 millions d'aides à la pierre".
Par ailleurs, le système des loyers HLM doit évoluer : pourquoi sont-ils "ad vitam aeternam fixés par le mode de financement et l'année de construction, indépendamment de la qualité du logement, de sa localisation et surtout des revenus du locataire qui peuvent avoir largement évolué au cours du temps ?". Le secrétaire d'Etat estime que 10% des organismes ont souhaité expérimenter la remise en ordre des loyers dès leur première convention d'utilité sociale. Il souhaite la généralisation de ce dispositif, "avant même l'achèvement des premières conventions d'utilité sociale dans six ans". Dans la même optique, le ministre envisage de développer le "conventionnement global", c'est-à-dire le passage d'un agrément individuel de chaque nouveau logement à un agrément global pour la construction d'un ou plusieurs immeubles. Ce système "mettrait les financements dans les mains des organismes en leur laissant le soin d'organiser leur politique en matière de loyers". Des propos dont la philosophie peut sembler quelque peu contradictoire avec les déclarations ministérielles de la semaine dernière sur un plafonnement à l'IRL de l'évolution annuelle des loyers HLM.
Coopération entre organismes au menu de la loi Warsmann
Enfin, Benoist Apparu a pris l'engagement de "simplifier les règles qui régissent les rapports entre organismes" : "La vente entre organismes sera désormais exemptée de l'avis des Domaines et les prix de cession seront arrêtés par un simple accord contractuel entre l'organisme acquéreur et l'organisme vendeur." De plus, les rapprochements entre organismes seront "sécurisés" et facilités par "un nouveau cadre juridique mieux à même de prévenir le risque de prise illégale d'intérêt". "Par ailleurs, les avances financières décidées lors de la mutualisation de moyens financiers seront soumises à une simple déclaration préalable et non plus à des autorisations ministérielles." Toutes ces mesures devraient faire l'objet d'amendements sur la proposition de loi Warsmann, dite de simplification du droit, discutée au Sénat à partir du 17 octobre. L'USH souhaite également inclure dans cette loi les prêts entre organismes ("prêts participatifs"), ainsi que la possibilité de passer des marchés entre société-mère et société-fille sans mise en concurrence.
Hélène Lemesle