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Social - Débats tendus sur le projet de loi immigration et retour de l'aide médicale d'Etat

L'Assemblée nationale a entamé l'examen, en première lecture, du projet de loi relatif au droit des étrangers en France. Celui-ci succède à l'adoption définitive du projet de loi sur la réforme de l'asile (voir notre article ci-contre du 17 juillet 2015), alors qu'il a longtemps été question d'un texte commun pour ces deux volets. Le début de l'examen du texte s'est aussitôt traduit par un retour au traditionnel affrontement droite-gauche sur le sujet. Guillaume Larrivé, député de l'Yonne et porte-parole du groupe Les Républicains sur ce texte, a ainsi accusé - sur l'antenne de RMC - le gouvernement de vouloir accorder "l'accès à la nationalité à la terre entière".

Une carte pluriannuelle pour environ 700.000 étrangers extracommunautaires

L'accusation vise un amendement du groupe socialiste prévoyant que "les enfants nés à l'étranger de parents étrangers, arrivés sur le territoire français avant l'âge de six ans et ayant depuis lors résidé habituellement en France, acquièrent la nationalité sur déclaration à leur majorité". Les Républicains y voient la porte ouverte à une régularisation automatique des enfants de clandestins, tandis que pour Erwann Binet, le rapporteur du projet de loi, il s'agit uniquement d'unifier les droits des enfants, notamment au sein d'une même fratrie. Et le député (PS) de l'Isère d'accuser à son tour son collègue de ne faire "qu'agiter peurs et fantasmes"... Des affrontements qui devraient perdurer tout au long de cette semaine consacrée à l'examen du texte.
La principale novation du projet de loi réside toutefois dans la création d'une carte pluriannuelle, qui pourra être délivrée à la suite d'un premier titre de séjour d'une durée d'au moins un an. L'objectif affiché est d'alléger la tâche des préfectures, tout en évitant des démarches contraignantes aux immigrés en situation régulière. Environ 700.000 étrangers extracommunautaires - sur un total de 2,5 millions - devraient être concernés par cette nouvelle carte, les titulaires d'une carte de résident de dix ans n'étant évidemment pas concernés.
Autre innovation : la création d'un "passeport-talent" qui - en écho lointain au thème de l'"immigration choisie" - vise l'arrivée des immigrants qualifiés (les chercheurs, par exemple) ou de ceux disposant d'une compétence particulière, comme les artistes, les sportifs...

Chaud et froid sur les dispositions répressives

Le projet de loi comporte également des dispositions sur la lutte contre la fraude et l'immigration clandestine. Il renforce notamment les pouvoirs des préfets, qui pourront se faire communiquer à peu près toutes les informations disponibles pour s'assurer de la régularité d'un séjour, à l'exception de celles couvertes par le secret médical. Le texte prévoit toutefois que ces nouvelles possibilités s'exerceront sous le contrôle de la Cnil.
Par ailleurs, un amendement du rapporteur - qui a déjà recueilli l'accord du gouvernement - va ramener de cinq jours à deux jours après le placement dans un centre de rétention le délai à partir duquel un étranger peut contester cette décision de placement devant un juge. Le délai de cinq jours remontait à la loi Besson de 2011 (loi 16 juin 2011 relative à l'immigration) et son remplacement par un délai plus court ne devrait pas manquer de relancer les débats de l'époque. En revanche - et malgré la pression des associations -, le gouvernement n'a pas l'intention de revenir sur une autre disposition de la loi Besson, qui a porté de 32 à 45 jours la durée maximale de placement en centre de rétention.
Sur le même sujet, le projet de loi entend favoriser le recours à l'assignation à résidence, plutôt qu'au placement en rétention. La tâche s'annonce ardue, dans la mesure où les seconds sont aujourd'hui douze fois plus nombreux que les premiers.

L'AME va-t-elle s'inviter au débat ?

Enfin, une autre disposition du projet de loi ne devrait pas manquer de relancer le débat récurrent sur les dérapages des dépenses d'AME (aide médicale de l'Etat). L'article 10 prévoit en effet que la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" - prévue par l'article L.313-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) - est délivrée de plein droit "à l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié".
La rédaction actuelle de l'article L.313-11 du Ceseda est plus restrictive, puisqu'elle limite cette délivrance de droit aux étrangers "dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle [...]".
Certes, la disposition en question vise le droit de séjour et non la prise en charge des frais médicaux. Mais les bénéficiaires de l'article L.313-11 arrivent rarement avec une prise en charge de leur système de protection sociale d'origine et encore moins avec la caution exigée en principe par les établissements hospitaliers. En outre, si l'autorisation de séjour est temporaire, les soins nécessaires ne le sont pas forcément. Autant de raisons pour voir revenir le débat sur l'AME, qui ne demande d'ailleurs qu'à resurgir à intervalles réguliers (voir nos articles ci-contre du 12 juin et du 7 novembre 2014).

Références : projet de loi relatif au droit des étrangers en France (examiné en première lecture à l'Assemblée nationale du 20 au 24 juillet 2015). 

 

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