Cice du 6 mars 2015 - France Stratégie reconnaît les discriminations envers les jeunes descendants d'immigrés
Quelques jours avant le comité interministériel du 6 mars à la citoyenneté et à l'égalité (Cice), France Stratégie, le commissariat général à la stratégie et à la prospective placé auprès du Premier ministre, s'interroge sur les obstacles à l'insertion économique des jeunes issus de l'immigration.
Sa première "note d'analyse" sur le sujet liste les différents obstacles en matière d'éducation, d'emploi, de conditions de vie et de logement, concluant que "les discriminations sont probablement un facteur dominant pour l'accès au logement et probablement aussi pour l'emploi". En revanche, "elles ne le sont certainement pas pour l'école", estime-t-elle (oubliant peut-être un peu vite les phénomènes de ségrégation scolaire).
Une discrimination plus marquée pour les jeunes descendants d'immigrés d'Afrique
Naturellement, France Stratégie admet que "le facteur social joue un rôle non négligeable" dans l'insertion économique des jeunes issus de l'immigration. Elle constate aussi que "une fois neutralisés les effets de structure (origine sociale des parents, niveau de diplôme, localisation), le risque de chômage plus élevé persiste pour les descendants d'immigrés". Et de noter que "cet écart non expliqué, qui est très fort pour les descendants d'immigrés africains, renvoie à des facteurs non pris en compte dans les enquêtes utilisées pour établir ce constat".
Parmi ces facteurs non expliqués, France Stratégie est convaincue de la réalité des phénomènes de discriminations à l'emploi "liées principalement à l'origine supposée de ces jeunes ou à leur lieu de résidence". Elle souligne que cette discrimination, "mesurée notamment via des testings", apparaît particulièrement marquée pour les jeunes descendants d'immigrés d'Afrique, et pour les jeunes hommes.
Compléter les politiques de droit commun par des mesures particulières ?
Naturellement, les discriminations n'expliquent pas toutes les difficultés d'insertion économique des jeunes. France Stratégie cite d'autres facteurs comme l'accès à l'information et aux réseaux ou l'investissement familial dans l'acquisition de savoirs. Et d'inviter à "s'interroger sur les ciblages de nos politiques publiques pour les rendre plus justes et plus efficaces". Ce que ne manquera pas de faire le Ciec du 6 mars. La veille, France Stratégie diffusera la liste de ses recommandations. On sait déjà qu'elle rejette l'idée d'une "différenciation" du traitement en fonction de l'origine. Mais estime "légitime de réfléchir aux moyens de compléter les politiques de droit commun par des mesures particulières, en direction des quartiers de la politique de la ville d'une part, des descendants d'immigrés de l'autre".
24% sortent du système éducatif sans diplôme
La note d'analyse liste une série d'indicateurs à avoir en tête à la veille du comité interministériel. En matière de scolarité, France Stratégie rappelle par exemple que 24% des jeunes descendants d'immigrés sortent du système éducatif sans diplôme et que cet indicateur monte à 30% chez les descendants d'immigrés venus d'Afrique, contre 16% pour les autres jeunes.
Côté emploi, en 2012, 14,2% des jeunes descendants d'immigrés étaient au chômage (contre 8,6% des jeunes sans ascendance migratoire directe). France Stratégie pointe également le fait que la probabilité pour les jeunes descendants d'immigrés africains d'avoir un emploi stable, cinq ans après la fin de leurs études, est un tiers plus faible par rapport aux natifs et aux descendants d'immigrés d'Europe du Sud. Et que "être descendants d'immigrés africains hors Maghreb réduit d'un quart la chance d'être salarié de la fonction publique d'Etat et accroît de 50% la chance d'être salarié de la fonction publique hospitalière". En 2011, le niveau de vie médian des non-immigrés était 52% plus important que celui des immigrés (50% en 2007).
Dans les ZUS et les HLM
"Les immigrés et leurs descendants ne sont pas répartis de façon homogène sur le territoire", observe France Stratégie. 19% des immigrés âgés de 18-50 ans et 14% de leurs descendants directs vivaient en 2008 dans une ZUS (contre 4% des autres résidents de la France métropolitaine).
Dans le domaine du logement, 46% des descendants d'immigrés d'Afrique qui ont entre 18 et 50 ans vivent en HLM (contre 28% pour les descendants d'immigrés dans leur ensemble et 14% pour les 18-50 ans sans ascendance migratoire directe). La proportion des ménages de descendants d'immigrés concernés par le surpeuplement dans leur logement est deux fois plus importante que les ménages non immigrés.