Logement - Copropriétés dégradées : le rapport Dilain se prononce pour "des mesures exceptionnelles exorbitantes du droit commun"
Claude Dilain, sénateur (PS) de la Seine-Saint-Denis et ancien maire de Clichy-sous-Bois, a remis à Cécile Duflot son rapport sur "Les copropriétés très dégradées". Le terme "très" a toute son importance, dans la mesure où la question des copropriétés dégradées a fait l'objet d'un rapport de Dominique Braye, le président de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) - voir notre article ci-contre du 19 janvier 2012.
L'enjeu est de taille, puisque l'Anah estime à un million le nombre de résidences principales en copropriétés fragiles. Or il est essentiel d'éviter l'effet "boule de neige", qui voit s'engager une spirale de dégradations auxquelles la copropriété peut de moins en moins faire face. Sur ce plan, la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (loi Molle) a certes mis en place une procédure d'alerte, mais n'a pas réussi à enrayer le mouvement. Conformément à sa lettre de mission, Claude Dilain entend donc "se pencher sur la situation particulière des copropriétés gravement en danger et proposer de nouveaux outils législatifs réglementaires et budgétaires afin d'intervenir dans ces copropriétés très dégradées".
Prévention renforcée et cadre juridique spécifique
Ses propositions passent par une double démarche : développer, dans un premier temps, la prévention en complément de celle prévue par le projet de loi Logement (et qui s'appuie largement sur les préconisations du rapport Braye) et, dans un second temps, renforcer le régime de la "pré-carence" applicable aux copropriétés en danger.
Sur le volet du renforcement des démarches de prévention, le rapport préconise notamment de réformer l'organisation de la profession d'administrateur judiciaire, en revenant à la spécialisation de ces derniers. A propos des syndics - qui peuvent difficilement être juges et parties -, il suggère de donner la possibilité au président du syndicat des copropriétaires de saisir directement le tribunal de grande instance dans le cadre de la procédure d'alerte. Vis-à-vis des locataires (39% des habitants de copropriétés), Claude Dilain recommande de généraliser les affichages des comptes rendus d'assemblées et de permettre aux locataires de payer leurs charges directement au syndic ou à l'administrateur judiciaire en charge de la résidence. Enfin, le rapport préconise un renforcement des sanctions contre les copropriétaires indélicats ou "marchands de sommeil".
Sur le second point, Claude Dilain propose de définir un cadre juridique spécifique pour les copropriétés en danger ou en situation de pré-carence. Ceci fait, il préconise d'anticiper et d'élargir les possibilités de saisine de juge et d'"engager une procédure exceptionnellement lourde de redressement". Celle-ci fait l'objet d'une description détaillée. Ainsi, si le juge prononce une pré-carence, "il ouvre la possibilité de lancer une procédure qui permettra à la fois de faire un diagnostic approfondi des difficultés que traversent la copropriété, allant même jusqu'à évaluer sa capacité à demeurer en copropriété privée totalement ou partiellement, et également de permettre à tous les acteurs du redressement de travailler de façon synergétique sous son autorité". Il pourra alors mandater un expert pour coordonner un audit global de la copropriété et élaborer un plan de continuation. Au vu de ces documents, le juge pourra infirmer ou confirmer l'état de pré-carence. Dans le second cas de figure, un plan de redressement pourra être ouvert.