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Habitat - Bonne nouvelle pour le logement : l'Anah et la ministre semblent sur la même longueur d'ondes

Des politiques publiques qui dépassent la seule problématique de l'habitat et qui se territorialisent pour s'adapter à la diversité des enjeux des collectivités locales. Voici les deux défis que s'est fixés l'Anah. C'est aussi là que l'attend la ministre Cécile Duflot. Illustration aux derniers ateliers de l'Anah, mercredi 17 octobre, à Paris.

C’était la première fois qu’un ministre du Logement intervenait aux ateliers de l’Anah. Il faut dire que Cécile Duflot aurait eu tort de bouder son plaisir à s’entendre se faire remercier par Dominique Braye, président de l’Anah et ex-sénateur UMP, pour "l’exceptionnel budget" consenti à l'agence dans le projet de loi de finances 2013.
Il s'agit d'une "augmentation significative et durable du budget de l’Anah, via l’affectation d’une ressource dédiée provenant du produit des cessions de quotas-carbones", a rappelé simplement Cécile Duflot. Mais cet "effort de moyens" doit en partie à "la légitimité du rôle que joue l’Anah en tant que pivot des politiques de l’habitat privé" et que "c’est essentiel pour recréer un souffle, un élan, auprès des acteurs locaux", a prévenu la ministre.

Sortir de la logique de guichet

"Je souhaite donc que l’Anah continue à sortir de son ancienne logique de guichet pour s’inscrire pleinement dans une logique de politiques publiques", a déclaré la ministre, faisant écho aux propos d'Isabelle Rougier, quelques minutes auparavant. "L'Anah doit s'inscrire en rupture avec une logique de guichet", avait déclaré la directrice générale de l'Anah aux cinq cents participants du réseau, "l'Anah n'est pas uniquement un outil de financement, mais elle doit orienter les politiques en faveur du parc privé" et, pour cela, "se repositionner comme chef de file de l'habitat privé".
Un "changement de mentalité" nécessaire, selon Cécile Duflot, pour que l’action de l'Anah soit "à la jonction des politiques sociales et des politiques de l’habitat". "La lutte contre l’habitat indigne, la lutte contre la précarité énergétique, le traitement des copropriétés dégradées, l’adaptation à la perte d’autonomie sont des politiques publiques globales. Elles nécessitent, au-delà d’un apport financier, de tisser des partenariats, de mobiliser des acteurs divers, de développer une ingénierie spécifique. Cette nécessité doit être prise en compte par l’Anah, car c’est la vraie condition de l’efficacité de son action", a ajouté la ministre.

Des politiques qui s’adaptent

Mais "cette action pivot de l’Anah ne peut être efficace que si elle s’insère dans une stratégie territoriale portée localement par une ou plusieurs collectivités". Bref, "l’Anah doit véritablement être un opérateur de la solidarité nationale au service des territoires", a exigé la ministre. Territoires au sens de "quartier ancien dégradé à requalifier", "copropriété d’une zone urbaine sensible à redresser" ou "centre-bourg d’un territoire rural à revitaliser"…
"Parvenir à un nouveau mode d'animation des territoires" est justement un des objectifs 2013 exposé par Isabelle Rougier. "Le temps est venu de s'impliquer davantage sur les conditions de mise en oeuvre sur lesquelles l'Anah intervient, y compris les modes de contractualisation", estime la directrice générale, décidée à "renouer le dialogue avec les collectivités" en "adaptant mieux notre intervention aux diversités territoriales". Pour elle, il faudra passer par "l'expérimentation, dans un cadre à définir". Le chantier est ouvert.

Les six priorités de la ministre

Cécile Duflot a exposé à l’Anah ses six priorités d’intervention pour les prochaines années. En matière de lutte contre l’habitat indigne, la ministre n’ignorerait ni "la complexité des situations" ni "les obstacles rencontrés" qu’elle cite : "Maîtriser les procédures juridiques, contraindre les propriétaires indélicats, aider les propriétaires très modestes à financer leurs travaux." L’Anah est appelée à jouer son rôle "en lien étroit" avec le pôle national de lutte contre l’habitat indigne. "Il ne s’agit pas uniquement d’une aide financière mais bien d’un appui à la mise en oeuvre d’une politique publique globale, qui intègre des dimensions aussi diverses que la santé, le travail social, la justice et bien sûr l’habitat", a insisté la ministre, qui a par ailleurs rappelé que, du côté du ministère, "nous avons commencé à travailler sur un dispositif législatif pour faire face aux pratiques des marchands de sommeil". Mis en place "au printemps", ce dispositif "permettra de doter les collectivités locales et tous les acteurs du logement des outils juridiques performants, efficaces, rapides, nécessaires pour mettre fin à ceux qui profitent de la misère".

Copropriétés dégradées : guérir et prévenir

Pour les copropriétés dégradées aussi, le ministère travaille à des dispositions législatives : "La loi de 1965 sera modifiée pour améliorer le fonctionnement et notre connaissance des copropriétés", a confirmé Cécile Duflot, soulignant que ce texte s’inspirera directement du rapport Braye remis en janvier dernier (voir notre article ci-contre) et qu’il fera l’objet d’un chapitre dédié dans la future loi-cadre sur le logement. Un projet de loi dans lequel "je mets beaucoup d'espoir", a déclaré Dominique Braye, qui souhaite y voir figurer l'élaboration d'un "programme national d'intervention sur les copropriétés en difficulté", car "le problème est encore largement devant nous et il a vocation à s'accroître dans les années qui viennent : entre 800.000 et un million de logements en copropriétés seraient potentiellement fragiles ou en difficulté, soit 10 à 15% du parc".
"Nous devons anticiper sur les situations de prédégradation", a insisté la ministre. Evoquant la copropriété du Chêne-pointu, elle a déclaré : "La spirale destructrice de ces copropriétés dégradées doit être enrayée avant qu’on ne sache plus le faire une fois passé le point de non-retour." Dès lors, la formule du protocole tel qu'il a été signé pour ce quartier de Clichy-sous-Bois, c'est-à-dire avec "une intervention exceptionnelle de la puissance publique", serait la marche à suivre, notamment dans certains quartiers Anru où, comme le faisait remarquer Dominique Braye, "les copropriétés restent la dernière chose à traiter". "Les collectivités qui font face à de telles difficultés ne peuvent pas rester seules, elles ont besoin d’un appui, d’une expertise nationale", s’est engagée la ministre, félicitant à ce propos "le pôle copropriété mis en place au sein de l’Anah".

Habiter mieux : "Ce fut long mais ce fut utile"

Troisième priorité, l'accélération de la lutte contre la précarité énergétique, incarnée par le programme Habiter mieux (voir notre article du 1er octobre ci-contre). "Les gains de performance thermique sont au rendez-vous. On peut cependant regretter que le nombre de ménages aidés progresse lentement et que les objectifs annoncés dans le passé - sûrement de façon un peu imprudente - ne soit pas atteints", a déclaré la ministre. "Je ne sous-estime pas le temps qui a été nécessaire pour conclure les partenariats locaux avec les conseils généraux, avec les collectivités. Ce fut long mais ce fut utile", a-t-elle ajouté. Pour "passer à la vitesse supérieure", soit un objectif annuel de plus de trente mille ménages sortis de la précarité énergétique, elle suggère : "Sans doute faudra-t-il améliorer les aides, élargir les critères d’éligibilité des ménages, voire ouvrir le dispositif aux propriétaires bailleurs sous certaines conditions."

Des logements privés à loyers maitrisés

L’adaptation des logements à la perte d’autonomie demeure une priorité et ses objectifs "seront considérablement revus à la hausse pour 2013", s'est engagée la ministre.
Cinquième priorité : la production d’un parc de logements à loyers maîtrisés. Une question "difficile", a reconnu la ministre, "car le rôle de la solidarité nationale n’est pas d’aider un propriétaire bailleur à valoriser indûment son patrimoine, mais il n’est pas non plus de laisser sans solution des locataires, souvent les plus modestes, dont le propriétaire n’a pas les moyens d’améliorer le logement". "Les mesures prises en juin par le conseil d’administration, en vue d’assouplir les conditions de financement des travaux d’amélioration, vont dans ce sens", s'est félicitée la ministre, "nous devons poursuivre sur ce travail pour permettre de trouver cet équilibre". "Les bailleurs restent une cible importante pour l'Anah, c'est même notre cible prioritaire dans le cadre de la lutte contre l'habitat indigne", avait auparavant rassuré Dominique Braye, en direction de "certains" qui avaient "mal interprété le nouveau régime d'aides, pensant qu'il ne permettait plus de financer les bailleurs ou ne finançant plus que l'habitat indigne".

"Les tensions sur les lieux d'hébergement sont très fortes"

Enfin, l’action de l’Anah "en faveur de l’humanisation des centres d’hébergement" a été rappelée par la ministre qui a confirmé à cette occasion que "le plan hivernal va être relancé avec un peu avance, car les tensions sur les lieux d’hébergement sont très fortes, parce que l’augmentation des demandes, notamment des familles est pressante." (Voir notre article sur cette annonce dans l'édition de ce jour.) "Nous ne pouvons accepter que des parents et des enfants soient séparés pour la seule et unique raison que les parents n’ont pas les moyens d’avoir un logement", a-t-elle insisté.