Habitat - Rénovation énergétique : le programme "Habiter mieux" veut renforcer sa diffusion
Avec 13.000 ménages aujourd'hui engagés dans un projet de rénovation thermique de leur logement – soit un total de près de 30.000 personnes -, le programme "Habiter mieux" de lutte contre la précarité énergétique piloté par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) affiche des résultats encore modestes au regard de l'objectif des 300.000 logements à rénover d'ici à 2017 qui lui a été fixé. Déployé progressivement au cours de l'année 2011, il est donc encore loin d'avoir atteint sa vitesse de croisière. Mais pour Isabelle Rougier, directrice générale de l'Anah, son bilan qualitatif est riche d'enseignements. "Nous sommes parvenus à cibler d'emblée le parc le plus énergivore : avant travaux, 2/3 des logements financés étaient classés en étiquette énergétique G ou F, avec une proportion pouvant atteindre jusqu'à 86% en Auvergne et en Franche-Comté ; après intervention, 90% des logements vont gagner au moins une étiquette", a-t-elle expliqué ce 28 septembre en présentant un premier bilan du programme. A une écrasante majorité (93%), les bénéficiaires du programme habitent dans des maisons individuelles.
Les logements très anciens directement concernés
Du fait de ce ciblage sur le bâti ancien dégradé - la moitié des logements rénovés datent d'avant 1948 -, le gain énergétique moyen obtenu à l'issue des travaux est de 39%, ce qui est nettement au-dessus du seuil de 25% exigé pour obtenir les aides. Le montant des travaux est aussi largement corrélé au gain énergétique obtenu, observe l'Anah. Si le montant moyen des travaux est d'environ 12.700 euros lorsque le gain énergétique est inférieur à 30%, il s'élève à plus de 30.000 euros lorsque ce gain est supérieur à 50%, l'habitat indigne très dégradé étant particulièrement important dans cette tranche. Autre point notable : à gain énergétique égal, le montant des travaux des propriétaires aux ressources très modestes – le revenu mensuel moyen des bénéficiaires du programme est de 1.200 euros, pour un ménage de deux personnes – est supérieur d'environ 2.000 euros à celui des propriétaires disposant de ressources modestes.
Pour les travaux, l'efficacité prime. Les isolations de combles et le changement de système de chauffage passent avant les changements de portes et de fenêtres, nettement moins performants sur un plan énergétique. "Grâce à l'accompagnement systématique que l'on fait, nous pouvons conduire les propriétaires à changer leur stratégie de travaux pour aller vers des programmes plus ambitieux, souligne Isabelle Rougier. Nous prenons aussi en compte les besoins des personnes âgées, qui représentent une part importante des bénéficiaires potentiels du programme. L'un des rôles du conseil est de les convaincre que les travaux de rénovation énergétique favorisent le maintien à domicile. 25% des travaux aidés par le programme comportaient aussi une adaptation du logement au risque de perte d'autonomie, en refaisant le système électrique ou en remédiant à l'insalubrité, par exemple".
Sur le plan financier, les 88,8 millions d'aides versées par l'Anah ont généré jusqu'à présent 234,6 millions de travaux, avec un montant moyen de travaux (hors habitat indigne et très dégradé) de 14.683 euros. Près de 40% du financement des travaux sont couverts par les aides de l'Anah. Si on y ajoute les primes de l'Etat, les aides des collectivités locales et les subventions que peuvent fournir les caisses d'allocations familiales, la Caisse nationale d'assurance vieillesse ou la mutualité sociale agricole, la part des aides publiques peut atteindre les 60%. "Pour convaincre les propriétaires de faire les travaux, et tout particulièrement les personnes âgées, le reste à charge doit être faible", insiste Isabelle Rougier. Dans ces montages, les prêts sans intérêt sont indispensables à la solvabilisation des bénéficiaires, affirme l'Anah qui s'interroge sur l'avenir du dispositif Sacicap Procivis, un prêt à taux zéro sans frais de gestion, suite aux déboires financiers du Crédit Immobilier de France.
L'appui des collectivités locales primordial
Pour accélérer la montée du programme "Habiter mieux", l'Anah compte sur une mobilisation plus forte des acteurs locaux. Actuellement, la répartition territoriale des aides reflète pour une large part le niveau d'implication sur le terrain, même si le potentiel de bénéficiaires n'est naturellement pas le même d'une région à l'autre. La Bretagne, la Lorraine et Midi-Pyrénées arrivent en tête par le nombre de dossiers engagés. Les départements qui en totalisent le plus sont les Côtes d'Armor, le Nord, la Meurthe-et-Moselle, le Val-d'Oise et le Morbihan. A l'opposé, la Basse-Normandie, le Limousin, Provence-Alpes-Côte d'Azur et la Corse sont à la traîne. "Il faut faire en sorte que les personnes concernées sachent que les aides existent et qu'elles y ont droit, souligne Isabelle Rougier. Notre intervention ne peut se faire sans une mobilisation importante des collectivités locales et de l'Etat, en mettant en place toute une chaîne pour faciliter la communication de terrain. Le repérage doit être mieux organisé, en allant jusqu'au porte-à-porte pour expliquer le dispositif aux personnes". Dans cette chaîne d'acteurs, les départements, qui gèrent les fonds de solidarité logement, jouent naturellement un rôle pivot en relayant le dispositif auprès des EPCI et des communes. Dans les territoires ruraux, où se situent 41% des logements rénovés jusqu'à présent, les élus de proximité connaissent bien les personnes et sont des relais précieux, estime Isabelle Rougier. Les emplois d'avenir pourraient à leur tour apporter un appui aux collectivités et aux associations, à la fois pour le repérage en amont des bénéficiaires des aides et pour les sensibiliser ensuite aux économies d'énergie, une fois les travaux réalisés, suggère la directrice générale de l'Anah.
A la suite de la conférence environnementale au cours de laquelle le président de la République a érigé en priorité la rénovation thermique de 1 million de logements par an, l'Anah va soumettre à la ministre du Logement ses propositions pour élargir son intervention en la matière. Avec en ligne de mire les locataires modestes du parc privé et les personnes vivant dans des copropriétés en difficulté. "Pour les propriétaires bailleurs, il faudrait mettre en place des mécanismes incitatifs les poussant à réaliser des travaux permettant aux locataires d'obtenir des économies de 30 à 40% sur leur facture d'énergie, explique Isabelle Rougier. De la même manière, lorsque l'on engage d'importants travaux dans les copropriétés dégradées, la question de la rénovation thermique devrait être prise en compte pour obtenir une diminution des charges des occupants."