Archives

Contre l'avis du gouvernement, le Sénat vote l'individualisation de l'AAH

Comme cela était prévisible (voir notre article du 24 février 2021), le Sénat a adopté le 9 mars, à une très large majorité, la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale. Déposé par Jeanine Dubié, députée des Hautes-Pyrénées, et les membres du groupe Liberté et Territoires (qui a officiellement rejoint l'opposition le 30 juillet dernier), ce texte a déjà été adopté en première lecture il y a plus d'un an par l'Assemblée nationale à la surprise générale, le gouvernement et la majorité s'étant laissés surprendre (voir notre article du 17 février 2020).

La principale mesure de la proposition de loi prévoit d'individualiser l'ouverture du droit et le calcul de l'AAH (allocation aux adultes handicapés), autrement dit de ne plus prendre en compte les revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH, ainsi que dans son plafonnement. Comme elle l'avait fait lors de son audition par la commission des affaires sociales (voir notre article du 24 février 2021), Sophie Cluzel s'est vivement opposée à la proposition de loi. La secrétaire d'État chargée des personnes handicapées a redit que le texte "remet en cause les principes de solidarité et de redistribution". Elle considère en effet que "la solidarité nationale s'appuie sur la solidarité familiale ; le foyer est la première cellule protectrice comme l'indique l'article 220 du Code civil. Notre système doit protéger en priorité les plus fragiles, et cela implique de prendre en compte les revenus du foyer". Elle a donc critiqué l'instauration d'un "régime à deux vitesses", faisant allusion aux autres minima sociaux (comme le RSA) qui continuent de prendre en compte l'ensemble des revenus du foyer. Sophie Cluzel a rappelé, par ailleurs, que l'AAH est le plus élevé des minima sociaux et que le gouvernement l'a revalorisée en 2018 et 2019, pour un montant de 775 millions d'euros par an. En contrepartie d'un renoncement à l'individualisation de l'AAH, elle a formulé à nouveau sa proposition "qu'une mission travaille à simplifier et à mieux articuler les dispositifs pour les rendre plus équitables", sachant que "ce travail de concertation prendra plus de temps qu'un débat parlementaire".

Mais la secrétaire d'État n'a pas été entendue. Les sénateurs ont en effet choisi de donner satisfaction à une revendication de longue date des associations de personnes handicapées, à l'origine d'une pétition sur le site dédiée du Sénat qui a atteint le chiffre record de 108.500 signatures. Ils ont cependant apporté deux modifications. D'une part, un plafonnement des effets de l'individualisation, qui limiterait le coût de la mesure à 560 millions d'euros. D'autre part, la création d'un mécanisme transitoire sur dix ans, sous la forme d'un droit d'option individuel pour conserver le dispositif actuel. Les projections du ministère montrent en effet que la mesure d'individualisation ferait 196.000 gagnants, mais aussi 44.000 perdants. Sophie Cluzel considère que ce droit d'option – qui rappelle celui, laborieux, de la PCH et auparavant de l'ACTP (allocation compensatrice pour tierce personne) – ne ferait que "rajouter de la complexité". La proposition de loi doit maintenant revenir devant les députés à une date encore indéterminée et son sort apparaît des plus incertains.

Références : proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale (adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 13 février 2020 et par le Sénat le 9 mars 2021).
 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis