Comité interministériel du handicap : des réalisations, peu d'annonces et des perspectives
Déploiement des plateformes de coordination et d'orientation opérationnelles (PCO), école inclusive, enfants handicapés relevant de l'ASE, évolution de la PCH (PCH "parentalité", future PCH à vie...), emploi, habitat inclusif, proches aidants, accessibilité : les sujets abordés par le comité interministériel qui s'est tenu ce 16 novembre ont été nombreux. Il s'agissait toutefois avant tout d'un point sur des mesures en cours.
Jean Castex a présidé ce jour le comité interministériel du handicap (CIH). Celui-ci intervient quelques mois après la Conférence nationale du handicap présidée par le chef de l'Etat le 11 février dernier, jour du quinzième anniversaire de la loi Handicap de 2005, et présentée comme "un marqueur du quinquennat" (voir notre article ci-dessous du 11 février 2020). Ce CIH fait également suite à celui du 3 décembre 2019 qui avait annoncé 22 mesures pour "faciliter le quotidien des personnes handicapées" (voir notre article ci-dessous du 5 décembre 2019). Conséquence de ces événements très rapprochés : le CIH du 16 novembre a pris davantage l'allure d'un bilan des mesures lancées depuis un an, ce qui est au demeurant aussi l'objet de ces comités. Outre ce point sur les mesures en cours ou lancées, la réunion a néanmoins été l'occasion de tracer des perspectives pour les prochains mois.
Dépistage, école inclusive et aide sociale à l'enfance
"On ne lâche rien sur un engagement essentiel du quinquennat" : ces mots de l'entourage du Premier ministre résument bien l'esprit qui a marqué ce comité interministériel. Malgré la crise sanitaire, le handicap reste un sujet prioritaire et transversal, comme en témoigne la présence (virtuelle) de 18 ministres. Dans cet esprit, le contenu du CIH 2020 est structuré en quatre grands objectifs. Le premier consiste à "investir sur les jeunes générations en situation de handicap". Cet intitulé recouvre le dépistage et l'accompagnement précoces, avec des mesures comme les plateformes de coordination et d'orientation opérationnelles (PCO) ou l'élargissement du bonus inclusion handicap pour les crèches qui accueillent des enfants handicapés (voir notre article ci-dessous du 14 janvier 2020). Dans les perspectives figurent notamment la poursuite du déploiement des PCO et leur extension en âge, ainsi que le lancement, en janvier 2021, d'un groupe de travail animé par la Cnam en vue de la mise en place d'un forfait soins en rééducation pour les enfants.
Sur l'école inclusive, le bilan de la rentrée 2020, très positif, et les perspectives ont été présentés par Jean-Michel Blanquer et Sophie Cluzel juste avant le CIH (voir notre article ci-dessous du 13 novembre 2020). Le bilan est sensiblement moins fourni sur l'enseignement supérieur, mais plusieurs mesures sont cependant prévues, comme la création d'un "Comité national de suivi de l'enseignement supérieur inclusif" ou l'ouverture d'un droit à réexamen pour un accès aux masters.
Enfin, sur la protection des enfants handicapés relevant de l'aide sociale à l'enfance (ASE), les principaux éléments sont la signature, cette année, de conventions avec 30 départements, qui devraient être suivies par 40 autres en 2021 (voir notre article ci-dessous du 4 juin 2020), ainsi que la perspective de création, au 1er janvier 2022, d'une "agence de la prévention et de la protection de l'enfance", regroupant plusieurs organismes actuels (voir notre article ci-dessous du 28 septembre 2020).
Accès aux droits, emploi et habitat inclusif
Le second axe prévoit de "simplifier les démarches et de renforcer le pouvoir d'agir des personnes en situation de handicap". Il passe d'abord par l'accès aux droits, avec en particulier le développement des attributions à vie de prestations (AAH, AEEH, RQTH, carte mobilité inclusion) pour les personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évolution (voir notre article ci-dessous du 5 décembre 2019). Dans les perspectives, figure l'évolution de la PCH (prestation de compensation du handicap), versée par les départements mais dont le coût de la réforme (200 millions d'euros par an) devrait être pris en charge par la future cinquième branche via la CNSA. Les principales avancées de cette réforme concernent la création d'une PCH "parentalité" et la possibilité de continuer à bénéficier de la PCH jusqu'à 75 ans (au lieu de 60 ans aujourd'hui). Cette réforme se poursuivra en 2021-2022 avec notamment la création d'une PCH à vie et une meilleure prise en compte des besoins des personnes présentant un handicap psychique ou des troubles du neuro-développement. De même, les premières conventions socles sur les MDPH entre les départements et la CNSA devraient être signées dès le début de 2021 (voir notre article ci-dessous du 12 octobre 2020).
En matière d'emploi, les résultats souffrent bien sûr des conséquences économiques de la crise sanitaire. Néanmoins, le bilan évoque la présence d'un référent handicap dans chaque CFA (centre de formation d'apprentis) et chaque entreprise de plus de 250 salariés, le rapprochement entre Pôle emploi et Cap emploi, ou encore le lancement d'une plateforme numérique nationale "Mon parcours handicap". L'année 2021 verra notamment la prolongation de l'aide de 4.000 euros au recrutement de personnes en situation de handicap dans le cadre du plan France Relance (avec report de la date limite d'embauche du 28 février au 30 juin) et le renforcement des entreprises adaptées (avec un objectif de 80% de ces entreprises ayant conclu des CDD tremplin).
Sur l'habitat inclusif, le dossier du CIH n'évoque pas la toute récente création de l'"aide à la vie partagée" par un amendement au projet de loi de finances pour 2021, mais Jean Castex l'a citée dans son allocution conclusive (voir notre article ci-dessous du 13 novembre 2020). Le dossier cite uniquement la mise en oeuvre, en 2021, du rapport de Denis Piveteau et Jacques Wolfrom sur le développement de l'habitat inclusif. Il en est, pour partie, de même sur l'accès aux soins et les aides techniques, où l'essentiel reposera, à partir de 2021, sur la mise en oeuvre du rapport sur les aides techniques que viennent de remettre Philippe Denormandie et Cécile Chevalier (avec une expérimentation prévue l'an prochain) et sur le déploiement de lieux de soins adaptés à partir du premier semestre.
"Mieux soutenir pour améliorer la vie"
Le troisième objectif est de "mieux soutenir pour améliorer la vie". Il recouvre la mise en oeuvre du numéro d'appui unique 0.860.360.360, dont la mise en service a été accélérée avec la crise sanitaire et qui fera l'objet d'un déploiement national l'an prochain, de même que 49 groupes d'entraide supplémentaires, ou encore la mise en place de nouvelles solutions d'accompagnement pour éviter les départs en Belgique.
Sur la question des proches aidants, la principale avancée a eu lieu avec l'entrée en vigueur, le 1er octobre, du congé indemnisé de proche aidant (voir notre article ci-dessous du 1er octobre 2020). Les perspectives résident principalement dans le déploiement de plateformes de répit sur tout le territoire (avec notamment une plateforme de référence par département) et dans la poursuite de la formation des aidants.
Accessibilité universelle : le retour ?
Enfin, le quatrième objectif fixé par le CIH du 16 novembre ne manque pas d'ambition, puisqu'il est question de rien moins que de "transformer la société". Deux axes sont prévus à ce titre. Le premier est un sujet particulièrement sensible, puisqu'il s'agit de l'"accessibilité universelle", prévue par la loi Handicap du 11 février 2005, qui a pourtant été abandonnée au profit du concept des "logements évolutifs". Cette nouvelle version de l'accessibilité universelle englobe néanmoins une série de réalisations, par nature disparates : 350.000 établissements recevant du public (ERP) désormais accessibles et 700.000 ERP "entrés dans le dispositif", mise en accessibilité d'au moins 70% des emplacements équipés ou pré-équipés de bornes électriques pour la recharge des voitures, mise en ligne du Handiguide pour des activités sportives et... mise en accessibilité systématique du compte rendu du conseil des ministres.
Dans les prochains mois, l'accessibilité de la communication gouvernementale sera renforcée au niveau de chaque ministère, de même que l'accessibilité des campagnes électorales en 2021 et 2022 (émissions officielles, clips de campagne, outils de propagande électorale...). Du côté des ERP, il est prévu la mise en place d'"ambassadeurs de l'accessibilité" (jeunes du service civique) et la publication du très attendu rapport relatif à la mise en accessibilité des ERP, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie. Sur les transports, il est prévu, au titre du plan de relance, de mobiliser 120 millions d'euros pour la mise en accessibilité des gares.
Le second axe concerne l'adaptation de l'offre médicosociale, pour laquelle le bilan et les perspectives sont assez sommaires, à l'exception du lancement prochain d'une mission de l'Igas sur la façon de capitaliser sur les assouplissements et les dérogations mis en place pendant la crise sanitaire.
Dans son intervention, Jean Castex a résumé le caractère particulier de ce CIH, en évoquant "un comité interministériel important qui, en même temps, s'inscrit dans un travail continu qui va se poursuivre". Le Premier ministre a pris l'engagement de réunir un prochain comité avant six mois. D'ici là, "l'ensemble du gouvernement, avec ses partenaires, continue sa pleine et entière mobilisation".
51 milliards d'euros pour le handicap
Le CIH du 16 novembre a donné l'occasion de faire le point sur les comptes du handicap. En 2019, la dépense totale, tous financeurs confondus, s'est élevée à 51 milliards d'euros. La sécurité sociale en finance 49% (25 milliards), via l'Ondam médicosocial (objectif national ces dépenses d'assurance maladie), les pensions d'invalidité, la branche famille (AEEH et allocation journalière de présence parentale) et la branche accidents du travail. Vient ensuite l'Etat (33% et 17 milliards), avec notamment l'AAH, des exonérations de TVA, des compléments de ressources et les dépenses liées à la mise en oeuvre de l'école inclusive. Pour leur part, les départements assurent 14% de la dépense (7,3 milliards), à travers la PCH (que le document oublie de citer) et la prise en charge de l'hébergement en établissements et services pour adultes handicapés. Enfin, la CNSA couvre 2% de la dépenses (hors transfert de l'Ondam médicosocial par l'assurance maladie), à travers les reversements aux départements au titre de la compensation du handicap.
Cette répartition est toutefois très provisoire puisque, avec la création de la cinquième branche, la CNSA deviendra le premier contributeur aux dépenses en faveur du soutien à l'autonomie des personnes handicapées.