Le CIH arrête 22 mesures pour "faciliter le quotidien des personnes handicapées"

Pour cette édition 2019 du comité interministériel du handicap, pas de grande réforme au programme, mais un ensemble de 22 mesures, dont certaines étaient d'ailleurs déjà annoncées, voire mises en œuvre. Parmi les avancées nouvelles, plusieurs concernent très directement les départements, dont la possibilité d'ouvrir un droit à vie pour certains bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap.

Édouard Philippe a présidé, le 3 décembre, le comité interministériel du handicap (CIH), qui se tenait cette année au musée de l'Homme à Paris, en présence de Brigitte Macron. Cette instance, créée en 2009, est "chargée de définir, coordonner et évaluer les politiques conduites par l'État en direction des personnes handicapées". Après des débuts laborieux – installé en 2010, le CIH s'est réuni pour la première fois en septembre 2013 – le comité a trouvé aujourd'hui sa vitesse de croisière, avec environ une réunion annuelle, la précédente remontant à l'automne 2018 (voir notre article ci-dessous du 25 octobre 2018). Ces réunions sont désormais l'occasion d'annoncer ou de confirmer un certain nombre de mesures en faveur des personnes handicapées.

Bilan positif pour la mise en œuvre du CIH d'octobre 2018

Pour cette édition 2019, pas de grande réforme au programme, mais un ensemble de 22 mesures, dont certaines étaient d'ailleurs déjà annoncées, voire mises en œuvre. Pour Édouard Philippe et Sophie Cluzel, la secrétaire d'État auprès du Premier ministre chargée des personnes handicapées, l'objectif reste en effet de "simplifier et améliorer le quotidien de nos concitoyens handicapés et leur permettre le plein exercice de leurs droits, à travers une transformation profonde de notre environnement".

La première partie de ce CIH a été consacrée au bilan, forcément provisoire, des dispositions annoncées en octobre 2018 (voir notre article ci-dessous du 25 octobre 2018). Parmi les mesures mises en œuvre figurent ainsi l'attribution à vie de l'AAH (déjà 20.150 personnes bénéficiaires) et de la carte mobilité inclusion (275.350 attributaires) pour les personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'une évolution favorable, le droit de vote inaliénable pour les personnes handicapées mentales (3.000 personnes auraient ainsi voté pour la première fois aux dernières élections européennes), le droit de se marier, se pacser ou divorcer, sans recourir à l'autorisation judiciaire, pour les personnes majeures sous tutelle, ou encore la facilitation de la garde d'enfants handicapés grâce à l'octroi aux crèches d'un "bonus inclusion" et à la majoration du complément mode de garde (CMG) pour les assistantes maternelles.

Autres mesures mises en œuvre depuis le dernier CIH : le maintien de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) jusqu'à 20 ans en l'absence de perspectives d'évolution favorable, l'obligation d'installer un ascenseur dans les immeubles collectifs neufs à partir du 3e étage (mesure au demeurant contestée par les associations) ou encore l'instauration de deux nouvelles consultations pour les enfants présentant des troubles du neuro-développement.

Des "avancées majeures" pour l'emploi et l'éducation... et la revalorisation de l'AAH

La présentation du bilan insiste aussi sur les "avancées majeures" en matière de scolarisation et d'emploi. Sur le premier point, le gouvernement met en avant la création du "service public de l'école inclusive", avec en particulier la mise en place des cellules d'appui départementales, la poursuite de la diversification des modes de scolarisation ou la création de 65 équipes mobiles médicosociales.

Côté emploi le bilan repose sur l'engagement de la stratégie "Ensemble, osons l'emploi", avec notamment la mise en place d'un référent handicap dans chaque centre de formation d'apprentis, la majoration des droits à formation pour les personnes handicapées (800 euros par an contre 500 pour l'ensemble des salariés), l'augmentation des places en entreprises adaptées ou encore le développement de l'emploi accompagné.

Mais la principale mesure à l'actif du bilan reste sans doute la revalorisation de l'AAH, perçue par 1,1 million de personnes. Conformément à l'engagement du président de la République, elle a en effet été portée à 900 euros par mois au 1er novembre 2019, soit une hausse de 90 euros par rapport à 2017.

Congé des aidants et logements évolutifs

Au-delà de ce bilan de la précédente réunion, le CIH du 3 décembre se fixe pour objectif "la mise en œuvre de 22 nouvelles mesures destinées à faciliter le quotidien des personnes handicapées". On passera rapidement sur celles qui sont déjà mises en œuvre ou ne sont pas spécifiquement destinées aux personnes handicapées, même si elles présentent un réel intérêt pour ces dernières. C'est le cas de la création d'un congé rémunéré pour les proches aidants, figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, définitivement adopté par le Parlement le 3 décembre, autrement dit le jour même où se tenait le CIH.

C'est le cas aussi pour la mise en œuvre des logements "évolutifs", c'est-à-dire susceptibles de s'adapter au handicap ou à la perte d'autonomie sous réserve de "travaux simples", qui viennent de faire l'objet d'un arrêté tentant de définir cette notion (voir notre article ci-dessous du 28 octobre 2019). Cette notion de logement évolutif, issue de la loi Elan du 23 novembre 2018 (évolution du logement, de l'aménagement et du numérique), est toutefois très contestée par les associations, qui dénoncent l'abandon du principe d'accessibilité universelle dans les logements neufs posé par la loi Handicap du 11 février 2005.

Possibilité d'attribution à vie de la PCH

D'autre mesures correspondent en revanche à des avancées nouvelles. Plusieurs concernent très directement les départements. Dans le prolongement des attributions de prestations à vie (voir plus haut), il est ainsi prévu d'ouvrir un droit à vie pour les bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap (PCH), dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement. Dans les mêmes conditions, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) pourra être attribuée à vie à compter du 1er janvier 2020 (une mesure déjà prévue et annoncée). Outre la simplification pour les bénéficiaires, ces mesures doivent aussi alléger la charge pour les MDPH (maisons départementales des personnes handicapées).

Toujours en matière de PCH, les personnes ayant obtenu cette prestation avant leur 60e anniversaire pourront continuer d'en bénéficier après 75 ans. Effective au premier semestre 2020, la mesure devrait concerner environ 8.000 allocataires. Le CIH a aussi prévu le déploiement des premières équipes mobiles départementales chargées de mieux accompagner et prendre en compte les besoins particuliers des enfants en situation de handicap confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Des efforts sur l'école, l'emploi et les transports

Plusieurs mesures sont annoncées en matière de scolarisation, comme le renforcement des modalités d'accompagnement des élèves en situation de handicap dans l'enseignement agricole ou l'amélioration de la scolarisation des enfants en situation de polyhandicap grâce à des unités d'enseignement adaptées.

En matière d'emploi, il est prévu d'expérimenter, sur un site pilote par région, un accueil unique associant Pôle emploi et les Cap emploi, afin de proposer une offre d'accompagnement personnalisée et plus efficace, tandis que le nombre de jeunes apprentis handicapés sera "fortement" augmenté, dans le privé comme dans le public. De même, le gouvernement va lancer une plateforme numérique "emploi-formation" spécifiquement dédiée aux personnes handicapées, doublée de la mise en ligne de premiers services "d'information accompagnée" en 2020 "pour en finir avec la complexité des démarches". Enfin, le déploiement du service national universel sera ouvert à tous les jeunes en situation de handicap.

Côté transports, le CIH a acté deux mesures : d'une part, la mise en œuvre obligatoire, au plus tard en septembre 2020, de tarifs préférentiels (jusqu'à la gratuité), pour les accompagnateurs de personnes handicapées dans tous les services de transports collectifs terrestres et, d'autre part, l'élargissement de l'accès au service de transport adapté. A compter de septembre 2020, ce dernier ne pourra plus être restreint par une obligation de résidence sur le territoire concerné ou par l'obligation d'un passage devant une commission médicale locale. Cette mesure concernera, a minima, les personnes handicapées avec un taux de 80% et celles à mobilité réduite disposant d'une carte mobilité et inclusion.

De tout, un peu

Outre le congé rémunéré déjà instauré, les aidants bénéficieront de trois autres mesures : la défiscalisation et l'exonération totale de contributions sociales pour le dédommagement "aidant" attaché à la PCH perçue à compter du 1er janvier 2020, la possibilité de cumul avec le RSA à compter du 1er avril 2020 et la mise en place d'un numéro unique d'appel pour rompre l'isolement des aidants, doublée du déploiement de solutions supplémentaires de répit pour les familles.

Enfin, le CIH du 3 décembre a arrêté plusieurs mesures ponctuelles touchant différents domaines. Ainsi, un plan sur trois ans, doté de 90 millions d'euros, va être mis en place sur les régions Hauts-de-France, Ile-de-France et Grand-Est, afin d'éviter les départs contraints en Belgique et la séparation avec les familles, grâce au développement de solutions de proximité.

L'accès aux soins bénéficiera du déploiement, dès 2020, d'une offre de consultations dédiées au sein des établissements de santé et de la mise en place d'une tarification graduée des consultations hospitalières, tenant mieux compte de la situation spécifique des patients handicapés.

Le sport n'est pas oublié avec la mise en ligne, dès le début de 2020, du nouveau "Handiguide" recensant l'offre de sport accessible à proximité de chez soi, mais aussi avec la préparation de l'engagement – grâce à un plan de formation – de 3.000 bénévoles handicapés pour les événements sportifs internationaux, dont les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Les femmes en situation de handicap, leurs proches et les professionnels bénéficieront de la mise en place, au sein de chaque région, d'un centre de ressources "Vie intime, sexuelle et accompagnement à la parentalité".

Enfin, au-delà des 22 mesures annoncées lors de ce CIH, il a été décidé que la prochaine conférence nationale du handicap (CNH), qui reste le principal temps fort des politiques publiques en la matière, se tiendra le 11 février 2020 sous la présidence d'Emmanuel Macron. Une date symbolique, puisqu'elle correspond au quinzième anniversaire de la loi Handicap du 11 février 2005.

 

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