Emploi des jeunes - Contrats d'autonomie : le précieux coup de pouce des missions locales
7% de sorties positives. C'est le taux réalisé à fin août 2009 par les contrats d'autonomie, d'après les chiffres transmis le 2 septembre aux préfets par Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, et Fadela Amara, secrétaire d'Etat en charge de la politique de la ville. En sachant que pour le contrat d'autonomie, les sorties positives correspondent à la signature d'un contrat de travail de plus de six mois, à l'accès à une formation qualifiante ou à la création d'une entreprise par le jeune. Un taux relativement faible si on le compare aux 24% de sorties positives affichés par le contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis), qui est mis en œuvre par les missions locales.
Expérimenté dans trente-cinq départements, le contrat d'autonomie s'adresse à des jeunes de 16 à 25 ans domiciliés dans les quartiers couverts par un contrat urbain de cohésion sociale (Cucs). Il consiste en un accompagnement intensif individualisé, d'une durée d'un an (six mois avant et six mois après la signature d'un contrat de travail). Sa mise en œuvre a été confiée à des opérateurs publics ou privés, après appel d'offres. Des opérateurs qui sont payés en fonction de leurs résultats. Objectif du gouvernement : 45.000 contrats d'autonomie signés d'ici fin 2011, dont 22.500 d'ici fin 2009. Mais on est encore loin du compte. Au 31 août 2009, 12.425 contrats de ce type ont été signés, 9.325 en 2009. Reste encore à en signer, d'ici la fin de l'année, un peu plus de 10.000... Un objectif ambitieux, quand on sait que le taux de chômage des jeunes a bondi à 30% avec la crise.
Certains départements peinent plus que d'autres à remplir leurs objectifs. Hormis le cas du Doubs, dont le marché a été déclaré infructueux et a donc dû été relancé, les départements du Rhône, de l'Aisne, de la Loire-Atlantique et de Paris notamment, affichent des taux de réalisation plus faibles que les autres, entre 43% et 48%, contre 55,2% en moyenne nationale. En Loire-Atlantique, 218 contrats seulement ont été signés sur un objectif de 500 d'ici fin 2009. Dans le département du Rhône, il manque encore 606 signatures de contrats sur un total de 1.150… A l'inverse, d'autres tirent leur épingle du jeu. En Meurthe-et-Moselle, l'objectif initial a été réalisé à 73,3% : 220 contrats signés sur 300. Dans l'Hérault, ce taux s'élève à 77,2%.
Côté résultats, on retrouve là encore de fortes disparités entre départements. Dans le département du Haut-Rhin, les contrats d'autonomie affichent ainsi un taux de sorties positives de 22%, 18% pour l'Essonne, 16% pour le Val-de-Marne, et 13% pour la Réunion. Des taux largement supérieurs, donc, au 7% de moyenne nationale. Dans d'autres départements, comme ceux de la Seine-Saint-Denis (1%), du Rhône, du Pas-de-Calais, du Val-d'Oise ou des Yvelines (4%), les résultats sont décevants. D'autant plus que les budgets consacrés à ces nouveaux contrats sont très confortables : 6.000 euros par jeune dans le cadre d'un contrat d'autonomie, contre 1.098 euros dans le cadre d'un Civis et 2.839 euros pour un Civis avec un emploi durable à la clé pour le jeune.
"Un réseau d'entreprises, ça se construit"
Pourquoi certains départements réussissent-ils mieux que d'autres à insérer les jeunes sur le marché du travail dans le cadre d'un contrat d'autonomie ? L'analyse des expériences les plus réussies (Haut-Rhin, Essonne, Val-de-Marne, Réunion), fait ressortir un point commun dans la mise en œuvre des contrats : le rôle prépondérant des missions locales.
Dans le cas du Haut-Rhin, les missions locales (celles de Colmar et de Thann-Cernay), associées à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) et à l'Association pour faciliter l'insertion des jeunes diplômés (Afij), ont décidé de se regrouper pour répondre à l'appel d'offres. Rassemblées en groupement solidaire, ces structures ont finalement remporté le marché pour le département. Elles ont dû s'organiser pour gérer ce nouveau contrat, qu'elles ont rebaptisé "self-contrat", créant même une ligne téléphonique dédiée (03 89 50 05 20), par laquelle elles filtrent les jeunes demandeurs d'emploi, pour ensuite les accompagner. "Pour nous, c'est une opportunité extraordinaire", explique Jacques Losson, directeur de Sémaphore, la plate-forme multiservice destinée aux jeunes, implantée à Mulhouse, qui intègre la mission locale. "Quand un salarié gère habituellement 150 jeunes en même temps, avec le contrat d'autonomie, il en gère seulement 30 : la qualité de travail n'est pas la même !" Un secteur spécifique, dédié aux contrats d'autonomie a été créé au sein de Sémaphore. Et les résultats sont au rendez-vous : sur 220 jeunes intégrés dans le dispositif, une soixantaine ont été placés, soit 22% de sorties positives, trois fois plus que le taux national. Outre l'intérêt pour les jeunes qui sont placés, les missions locales y gagnent une marge de manœuvre financière. "Financièrement, on ne va pas gagner d'argent, détaille Jaques Losson, mais ça nous donne une marge pour donner des coups de pouce aux jeunes dans divers domaines : logement, assurance-voiture... Ce ne sont pas des gros montants, dans les 200 à 300 euros, mais ça permet de mettre le jeune dans une spirale positive qui l'amène à penser que ça peut marcher !" Principaux atouts des missions locales dans l'accompagnement des jeunes via le contrat d'autonomie : leur connaissance du public concerné. Une connaissance jugée indispensable pour réussir le challenge. A l'inverse, "un réseau d'entreprises, ça se construit", assure Jacques Losson.
Jouer gagnant-gagnant
Même opinion pour la mission locale de Massy, Vitacité, qui a décidé, après avoir été recalée à l'appel d'offres, d'aider l'opérateur privé finalement choisi, Ingéus. "Au niveau communication et statistiques, ils sont meilleurs que nous, mais nous avons la connaissance du public et du territoire. On ne peut pas devenir partenaire d'une association ou d'une entreprise locale dans ces quartiers du jour au lendemain !", explique Fabienne Schremp, directrice de Vitacité. Ingéus s'y est d'ailleurs déjà cassé les dents. Imaginant pouvoir procéder seule, la société a décidé de se rendre dans les cités et a vite été évincée par les maisons de quartier. "C'est difficile pour l'opérateur d'arriver sur un territoire sans connaître les acteurs locaux", précise la responsable de la mission locale. Alors, après une phase de déception et de méfiance, la mission locale a décidé de jouer gagnant-gagnant avec l'opérateur privé. Les deux travaillent maintenant de concert, organisant chaque mois une réunion d'informations sur les jeunes des quartiers qu'ils accompagnent. En revanche, la demande de la mission locale d'être indemnisée par l'opérateur privé pour son travail d'accompagnement des jeunes a été refusée...
Dans d'autres départements, comme le Nord, l'opérateur privé a décidé de mener des partenariats dès le début du lancement du processus. "Nous ne voulions pas arriver en terrain conquis et être regardé de travers, explique ainsi Pierre Galliou, responsable du site Ingéus Lille-Sud. On a donc travaillé dans un premier temps sur des partenariats menés avec les acteurs locaux, comme les missions locales et le secteur associatif." Des partenariats qui ont parfois abouti à des aides concrètes. La mission locale de Roubaix a ainsi proposé au prestataire de l'héberger dans un premier temps dans ses locaux. Des réunions sont également organisées chaque mois, pour le suivi des jeunes.
Autre expérience locale qui se révèle concluante : celle de la Réunion. Les quatre missions locales, à l'image de Mulhouse, ont présenté leur candidature à l'appel d'offres, associées à un organisme de formation, et ont été choisies. "Pour nous, c'était l'occasion de mieux connaître et de répertorier le public jeune des zones Cucs", assure Lilian Ah-Von, directeur de la mission locale Ouest de la Réunion. Et les résultats sont encourageants : les 90 jeunes entrés dans le dispositif en 2008 ont été placés. Au premier semestre 2009, sur les 90 jeunes nouvellement entrés en contrat d'autonomie, 27 ont eu une sortie positive et 44 poursuivent leur parcours. Seuls 14 jeunes ont définitivement abandonné l'affaire. Pourtant les exigences de départ sont lourdes pour les missions locales : attirer des jeunes, dont 80% ne doivent pas être connus du service public de l'emploi… "Ca a modifié notre façon de fonctionner : normalement, ce sont les jeunes qui viennent vers nous ; là, on a dû travailler davantage avec les élus et les associations socioculturelles pour aller au repérage de ce public, détaille Lilian Ah-Von. Cela n'a pas été simple car les jeunes se méfiaient, mais maintenant on est plutôt dans un schéma inverse avec des jeunes qui viennent nous voir spontanément." La valeur ajoutée des missions locales, et notamment leur connaissance du public jeune, semble dans ces cas faire la différence et permettre au contrat d'autonomie d'afficher des résultats probants. Mais il faudra attendre encore un peu pour connaître le réel impact de ce nouveau contrat et en tirer des conclusions définitives.
Emilie Zapalski