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Droit de l'internet - Consultation publique sur le droit à l'oubli numérique

"C'est un sujet qui monte, qui monte, qui monte !", a lancé, ce 15 avril à Paris, la secrétaire d'Etat au Développement de l'économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet, en présentant sa consultation publique sur le droit à l'oubli. Cette concertation en ligne inaugure la "Place publique" du tout nouveau site web du secrétariat d'Etat, tant attendu. "Depuis ce matin, je ne suis plus un coucou numérique qui fait héberger ses appels à projets, ses dossiers thématiques, sur différents sites gouvernementaux en fonction des circonstances", a plaisanté Nathalie Kosciusko-Morizet. Les internautes peuvent donc s'exprimer, jusqu'à fin mai prochain, au travers de trois modules : "Vote", pour se prononcer sur la pertinence de la mise en place d'un tel droit, "Evaluation" pour donner son avis sur les premières pistes de la charte et "Contribution" pour enrichir les débats. Le 12 novembre dernier à Paris, la secrétaire d'Etat a donné le coup d'envoi de cette réflexion sur le droit à l'oubli numérique visant à la rédaction d'une charte d'engagements des prestataires de services en ligne. Ainsi, du mois de novembre au mois de mars, un premier cycle de quatre rencontres a réuni les différents acteurs concernés, notamment la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), le Forum des droits sur l'internet (FDI), la Délégation aux usages de l'internet (DUI), des services de réseaux sociaux, des moteurs de recherche, des associations professionnelles de sites de commerce en ligne, des associations de protection des consommateurs et de protection des jeunes, des cabinets d'avocats et des services administratifs... Un consensus se dégage de ces réunions, en particulier sur la nécessité d'un accompagnement, notamment des plus jeunes. La pédagogie consiste à sensibiliser les internautes, en les informant sur les données collectées et sur l'exploitation qui en est éventuellement faite, ainsi que sur les conditions générales d'utilisation et les politiques de confidentialités. Il existe, par exemple, des animations didactiques ou des vidéos d'explication sur certains sites, comme le serious game "2025", déjà disponible sur le portail mobile Proxima.

 

Promotion publique des services dominants du net

Les réunions avec les services communautaires, comme les réseaux sociaux, les blogs, les forums, les sites de partage de vidéo… ont aussi permis de soulever la question du paramétrage par défaut des comptes. Il semblerait logique que les options les plus protectrices des données personnelles soient activées par défaut alors que Facebook envisage de transmettre les profils de ses usagers à des "sites tiers" (un boycott est en cours en Allemagne) et que la bibliothèque nationale du congrès américain vient d'annoncer avoir racheté les archives du site de micro-blogging Twitter. Interrogée par Localtis sur la promotion de ces réseaux sociaux faites sur certains sites web de collectivités publiques, la secrétaire d'Etat, également maire de Longjumeau (Essonne) a déclaré : "Les réseaux sociaux sont utiles sur le site d'une commune, j'y réfléchi d'ailleurs pour ma ville. Nous prenons pour cela les outils que l'internet nous offre gratuitement. Mais il convient de sensibiliser les utilisateurs au fait que rien n'est vraiment gratuit. En fait, l'internaute paye en livrant ses données personnelles. Il faut rendre cet état de fait plus lisible, plus visible pour que chacun l'accepte, ou pas, en toute connaissance de cause. Rappelons que le web actuel se divise en trois secteurs : une toute partie gratuite et militante, celle des ONG et des administrations ; un internet payant, le plus souvent en lien avec les équipementiers, et une immense zone grise qui se situe entre ces deux modèles."
Un second cycle de réunions commence maintenant sur le droit à l'oubli numérique, avec les mêmes acteurs pour définir quels engagements concrets sont envisageables en France. Il s'agit cependant de garder en tête que cette notion n'est pas consacrée de façon générale, ni reconnue en tant que telle par un texte législatif ou réglementaire. Quand bien même cela serait, la loi française ne pourrait s'appliquer que sur son territoire, tandis que les données et les services sont le plus souvent hébergés de l'autre côté de l'Atlantique… Les 19 et 20 avril prochains se réuniront, à Grenade, les différents ministres de l'Union européenne concernés par l'élaboration d'une stratégie numérique commune à l'horizon 2020. "Jusqu'à présent, l'Europe s'est mobilisée essentiellement sur la régulation des télécommunications, très peu sur l'économie numérique et encore moins sur la dimension sociétale de l'internet. Je vais essayer d'aboutir à une position politique forte sur la protection des données personnelles", a promis Nathalie Kosciusko-Morizet.
 

Luc Derriano / EVS