Informatique et libertés - "Droit à la vie privée à l'heure du numérique" : le CIL obligatoire dans les collectivités
Le Sénat a adopté, le 24 mars, la proposition de loi "visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l'heure du numérique". Cette proposition de loi présentée par Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne fait suite à leur rapport d'information de mai 2009 dans lequel les sénateurs mettaient en évidence les risques liés à l'apparition de nouvelles "mémoires numériques". A ce titre, la proposition de loi contient une disposition visant à généraliser les correspondants informatique et libertés (CIL) dans les structures publiques et privées ayant recourt à un traitement de données à caractère personnel soumis à autorisation "ou pour lequel plus de cent personnes y ont directement accès ou sont chargées de sa mise en œuvre". Les collectivités territoriales seraient ainsi concernées par cette obligation, en sachant que la désignation d'un CIL peut se faire dans un cadre mutualisé. Selon Alex Türk, président de la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), la fixation d'un seuil paraît doublement essentiel : d'une part, il permet de ne pas créer de contrainte supplémentaire pour les petites structures ; d'autre part, il offre davantage de possibilités pour trouver, au sein de l'entreprise ou de l'administration, une personne dont l'expérience et la compétence garantiront l'indépendance indispensable à ses missions.
Lors des débats issus des propositions d’amendements, certains sénateurs ont considéré que cette nouvelle obligation opérait un bouleversement de l'approche jusque-là privilégiée par la loi Informatique et Libertés, qui faisait des correspondants à la protection des données un vecteur de diffusion de la culture de la protection des données d'autant plus efficace qu'il reposait sur le volontariat. A l'inverse, l’obligation de désignation d’un CIL met en œuvre une logique de contrainte qui change la nature même de l'institution du correspondant. La désignation d'un correspondant deviendrait obligatoire, comme si, en son absence, les organismes concernés ne pouvaient satisfaire à leurs obligations en matière de protection des données. Egalement, le choix de la personne désignée devrait nécessairement recueillir l'aval de la Cnil, privant ainsi l'organisme concerné d'une autonomie de gestion, alors qu'actuellement la désignation du correspondant est simplement notifiée à la commission.
Parmi les autres dispositions, la proposition de loi vise à renforcer l'efficacité et la légitimité de la Cnil en prévoyant notamment la publicité de ses avis lors de la création d'un fichier de police. Le texte devrait également permettre un meilleur encadrement de la création des fichiers de police par voie réglementaire. Le droit à l'oubli numérique, qui consiste à imposer aux responsables des traitements de ne plus conserver au delà de la finalité d'origine, est également clarifié afin de lui donner une plus grande effectivité. Le texte vise à rendre l'individu acteur de sa propre protection en le sensibilisant, et comporte de nombreuses dispositions tendant à renforcer la protection des données personnelles.
Emmanuel Walle, avocat / cabinet Alain Bensoussan