Droit de l'internet - Oubli numérique : quand le global impacte le local
A l'aide d'un simple code postal (voire du nom de la commune), d'une date de naissance et du genre d'un internaute, il est aujourd'hui possible d'identifier près de 87% des citoyens. C'est ce qu'a montré Daniel Le Métayer, directeur de recherche à l'Inria Grenoble (Institut national de recherche en informatique et automatique), le 12 novembre, à l'occasion d'un atelier sur le droit à l'oubli numérique.
Organisée par la secrétaire d'Etat Nathalie Kosciusko-Morizet, cette rencontre a rempli tout un amphithéâtre (plus de 500 participants) à Science-Po Paris. Après un premier colloque sur les droits et les libertés dans la société numérique, cette manifestation ne se voulait plus "un colloque mais bien un atelier, parce que le droit à l'oubli est à définir et à construire", a insisté la secrétaire d'Etat. Au programme des discussions, un déroulé en deux parties : "l'oubli des traces" puis "l'oubli des données publiées volontairement". Et une même conclusion, résumée par le président de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), Alex Türk : "Les solutions sont à la fois techniques, juridiques et pédagogiques."
Concernant l'accompagnement du public, les collectivités qui détiennent des données personnelles de leurs administrés ont à se montrer exemplaires dans leur traitement, notamment en mettant en place, dès que possible, des correspondants informatique et libertés. Elles peuvent aussi agir pour qu'une sensibilisation sur les données personnelles et le traçage informatique soit engagée au sein des espaces publics numériques (EPN) qu'elles ont déployés sur leurs territoires.
"Nous n'allons pas régler le problème aujourd'hui", avait prévenu Nathalie Kosciusko-Morizet. La secrétaire d’Etat a donc lancé, en clôture de la manifestation, une consultation nationale auprès des professionnels comme du grand public, dont l'objectif est d'aboutir avant la fin du premier trimestre 2010 à une charte commune d'engagements visant à renforcer le respect de la vie privée sur internet. Les internautes seront amenés à proposer leur contribution sur le site du secrétariat d'Etat, dont la mise en ligne est prévue le 25 novembre prochain.
Cette consultation s'inscrit dans le prolongement d'une proposition de loi sur le renforcement de la vie privée à l'heure du numérique, déposée ce 10 novembre par les sénateurs Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier, suite à leur 15 recommandations de juin dernier. Parallèlement, Nathalie Kosciusko-Morizet entend prolonger cette initiative sur le plan international. Elle participera à la quatrième édition du Forum sur la gouvernance de l'internet, organisé à Charm el Cheikh, les 14 et le 15 novembre, où elle plaidera pour une harmonisation de la protection des données personnelles et pour la mise en place d'un droit à l'oubli. Selon une enquête réalisée pour la Cnil, 71% des Français estiment la protection de la vie privée insuffisante sur internet. Ce pourcentage atteint même 78% chez les jeunes de 18-24 ans.
Luc Derriano / EVS