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Développement durable - Conférence environnementale : François Hollande fixe le cap énergétique

Le 20 septembre, le président de la République, François Hollande, a ouvert la deuxième conférence environnementale, qui se tient pendant deux jours au Conseil économique, social et environnemental, par un discours qui fixe un cap à la transition énergétique et contient plusieurs annonces intéressant les collectivités.

"La transition énergétique n'est pas un compromis, ni une négociation, mais une décision stratégique et un choix politique majeur […]. La future loi de programmation qui devrait être présentée au printemps prochain et conclue d'ici la fin 2014, étant donné l'impact qu'elle peut avoir au-delà du quinquennat, sera l'un des textes les plus marquants de celui-ci." En ouverture ce 20 septembre de la deuxième conférence environnementale, François Hollande a d'abord replacé les efforts de changement annoncés dans la durée et dans un contexte international. Citant à l'appui des "bonnes feuilles" du cinquième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) - qui sera publié la semaine prochaine - il a rappelé l'urgence d'agir et indiqué qu'en mars 2014, au prochain Conseil européen, la France défendra un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40% à l'horizon 2030 par rapport à la situation de 1990. "Il faut créer une communauté européenne de l'énergie, restaurer un marché carbone digne de ce nom", sans oublier de mettre en place une "taxe carbone aux frontières". Pour tenir les engagements climatiques du pays, il a plaidé pour une réduction de la consommation d'énergie finale de 50% à l'horizon 2050. Les 20 à 50 milliards d'euros d'économies dégagées sur la facture énergétique seraient réinjectés "pour créer des emplois".

Rénovation énergétique

Pour tenir cet objectif, le président de la République a exposé une série de mesures, en premier lieu pour rénover les logements anciens. Après avoir rappelé les grandes orientations du plan gouvernemental de rénovation de l'habitat, dont le dispositif opérationnel a été dévoilé le 19 septembre par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault (lire notre article ci-contre), François Hollande a annoncé que le taux de TVA sur les travaux d'isolation thermique passera à 5% en 2014, et non à 10% comme cela était prévu. Grâce au dispositif de "fonds national de garantie de la rénovation thermique", que la Caisse des Dépôts pilotera dès l'an prochain, les ménages seront déchargés de l'avance des frais et des prêts leur seront accordés, idéalement "dans les mêmes conditions que le sont les prêts immobiliers". Autre annonce : très attendu des maîtres d'ouvrage et professionnels du bâtiment, le décret fixant l'obligation de rénovation énergétique du parc tertiaire existant, une mesure directement issue de la loi Grenelle 2 et dont la mise en place est anticipée avec soin dans le cadre du plan Bâtiment durable, sortira sans plus tarder dès 2014.

Des énergies renouvelables aux transports

Prônant un réexamen des modes de soutien aux énergies renouvelables "pour que chaque euro prélevée sur la facture des consommateurs soit le plus efficace possible", François Hollande a précisé que la future loi de programmation de 2014 introduira des mécanismes permettant de rééquilibrer le "mix" énergétique et de plafonner la part prise dans celui-ci par le nucléaire à 50% à l'horizon 2025. Il a évoqué la nécessité, défendue tant par les filières que par les réseaux de collectivités locales, d'un cadre réglementaire et fiscal plus clair et lisible afin de soutenir les énergies renouvelables. Après avoir rappelé le lancement la semaine prochaine d'un appel à projets destiné aux fermes pilotes dans le secteur des énergies marines, il a salué le rôle des régions dans celui plus large des énergies renouvelables, en pointant au passage leur "légitimité à agir" et leur "droit d'expérimenter" dans ce domaine, un point qui devrait revenir dans le champ de la future loi. Pour financer la transition énergétique, il a annoncé la convocation d'une "conférence bancaire et financière" sur le sujet au printemps prochain. Il a insisté sur la mobilisation de ressources et de produits d'épargne existants, tout en rappelant le rôle essentiel de la Banque publique d'investissement, qui "prendra le risque de financer des projets de longue durée en associant d'autres acteurs bancaires". Enfin, la diminution des émissions de GES dans les transports passera selon lui par la promotion d'une voiture consommant 2 litres par 100 km, une mesure à l'horizon 2018, sur laquelle le Premier ministre reviendra. La part des véhicules hybrides ou électriques passera à 25% dans les achats de flottes automobiles par l'Etat. "Et tout nouveau véhicule urbain commandé sera électrique." Les collectivités seront tenues d'être tout aussi exemplaires.

Les régions satisfaites

L'Association des régions de France (ARF) a affiché sa satisfaction, après le discours présidentiel. "Nous avons, récemment encore, exprimé nos inquiétudes quant à l'absence d'engagements concrets du gouvernement suite au débat national sur l'énergie, a déclaré Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes en charge du développement durable au sein de l'ARF. J'avais notamment appelé (...) à la mise en œuvre rapide de trois actions concrètes en matière de rénovation énergétique des logements. François Hollande les a toutes reprises aujourd'hui, je m'en félicite bien évidemment. La concrétisation de ces mesures doit maintenant intervenir rapidement pour réellement déclencher la montée en puissance de cet immense chantier." Les régions se disent ainsi satisfaites des annonces sur la mise en place d'une TVA à 5% sur les travaux de rénovation énergétique, "qui va donner une bouffée d'air à nombre d'entreprises du bâtiment en grand difficulté". Satisfaction également sur la création d'un fonds de garantie géré par la Caisse des Dépôts, permettant d'avancer le montant des travaux aux ménages, notamment par l'intermédiaire d'opérateurs de tiers financement créés à l'initiative des régions. "Un travail approfondi avec le secteur bancaire doit aussi permettre d'assimiler les crédits pour travaux rénovation à des prêts immobiliers classiques", a encore noté l'ARF.

Les professionnels du bâtiment "partiellement" entendus

De leur côté, les professionnels du bâtiment, très mobilisés depuis plusieurs mois pour l'abaissement du taux de TVA à 5% sur la rénovation énergétique des logements, sont partagés. "Le président de la République répond partiellement aux artisans du bâtiment, voire très partiellement, car la TVA à 5% est annoncée comme limitée à 'l'isolation thermique' des bâtiments", a réagi la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). "Si le taux de TVA est réservé à l'isolation thermique, cela ne concerne que 10% des travaux du bâtiment, s'il s'agit de rénovation thermique, c'est 30 à 40%", a précisé son président, Patrick Liébus, à l'AFP. Selon lui, l'abaissement de la TVA à 5% doit être mise en oeuvre de façon "rapide" et "dans des conditions simples et non restrictives", afin d'atteindre l'objectif de rénover "500.000 logements par an sur le plan thermique d'ici 2017". La Fédération française du bâtiment (FFB) "se réjouit d'avoir été partiellement entendue, la baisse étant cantonnée aux seuls travaux d'isolation thermique". Mais comme la Capeb, elle "maintient son insistante demande d'une TVA à 5% applicable à l'ensemble des travaux de rénovation énergétique". En outre, "la création d'un dispositif de tiers-financement, un meilleur pilotage des consommations et la mise en place de la prime de 1.350 euros renforcent utilement la boîte à outils de la transition énergétique", estime la FFB. "On voit bien que la volonté du gouvernement est de promouvoir la performance énergétique par la réalisation de travaux, nous sommes heureux d'avoir entendu le président de la République sur tous ces sujets", a déclaré à l'AFP Didier Ridoret, le président de la FFB.

Avis mitigés des ONG

Du côté des ONG, les avis sont mitigés. Le porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot (FNH), Matthieu Orphelin, "a l'impression que tout le travail fait pendant neuf mois pendant le débat sur l'énergie a porté ses fruits". Avec toutefois deux regrets: l'absence de nouveaux engagements forts sur le nucléaire et aucune allusion à une éventuelle hausse des taxes sur le diesel, dossier sur lequel la FNH espère des éclaircissements du Premier ministre qui intervient en clôture des deux jours de la conférence environnementale.
D'autres associations ont été en revanche franchement déçues. Greenpeace a regretté de n'avoir eu "aucune réponse sur le nucléaire" autre que les engagements déjà connus de réduire la part de l'atome de 75% à 50% dans la production d'électricité d'ici 2025 et de fermer la centrale de Fessenheim d'ici fin 2016. "Nous sommes extrêmement déçus, on a le sentiment qu'on est en train de se faire avoir sur ces promesses-là", a indiqué son directeur Jean-François Julliard.

"Si la parole est belle, elle n'a engagé à rien de nouveau ni de concret", a réagi France Nature Environnement (FNE) dans un communiqué. Seule bonne nouvelle à ses yeux : l'objectif de diviser par deux la consommation d'énergie d'ici 2050. Pour le reste, elle estime que le discours présidentiel est "une redite de celui de l'année dernière, mais avec un périmètre réduit à la seule transition énergétique". "Pour l'économie circulaire, l'enjeu n'est pas compris. Pas un mot sur la nécessité de développer l'économie de la prolongation de la durée de vie des objets, qui est une vraie opportunité à la fois en termes d'emplois et de préservation des ressources, a-t-elle souligné. Sur l'efficacité énergétique, le président n'annonce toujours rien de concret concernant la rénovation du parc de bâtiments du tertiaire, sauf l'application de la RT 2012 en 2014, qui représente la plus grosse part des économies d'énergie facilement atteignable." FNE regrette aussi l'absence d'"annonces concrètes" "pour mettre en œuvre les objectifs déjà fixés précédemment : pas de calendrier pour les 50% de nucléaire en 2025, des décisions qui vont alourdir les amendes européennes pour non-respect de la directive sur l'eau (directive nitrates et DCE) sans qu'aucun signal contraire ne soit envoyé…" Si la création de l'agence de la biodiversité est confirmée, "rien n'est dit sur les moyens qui lui seront dédiés, ni sur le statut de son personnel", poursuit-elle. "Quid du Livre blanc du financement de la transition écologique annoncé l'année dernière ?", interroge-t-elle encore. "Et quelle surprise d'entendre à peine une phrase sur les emplois de la transition écologique, alors que cette table ronde, réclamée par FNE, est au cœur de la préoccupation majeure des Français", souligne encore la Fédération. "Nous attendions le passage aux actes, on continue à nous bercer de belles paroles et de promesses, conclut son président, Bruno Genty. Face à l'urgence l'Etat procrastine, mais plus tard pourrait être trop tard…"
 

 

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