Conférence environnementale - Le gouvernement publie sa "feuille de route pour la transition écologique"
Le ministère de l'Ecologie et de l'Energie a publié jeudi 20 septembre au soir les détails de la "feuille de route pour la transition écologique", qui met en oeuvre le programme d'action décidé suite à la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre. Côté énergie, le texte précise les questions au programme lors du débat sur la transition énergétique, prévu de novembre 2012 à juin 2013 : efficacité énergétique, sobriété, réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité, choix en matière d'énergies renouvelables, financement de la transition énergétique. Des précisions ont été apportées concernant notamment le photovoltaïque et la fiscalité des carburants. Sur le solaire, outre le nouvel appel d'offres lancé avant fin 2012, "pour favoriser de grandes installations ciblant des technologies innovantes et le développement économique local", "la baisse annuelle des tarifs d'achats sera plafonnée à 20% par an". Les tarifs d'achat pour les installations relevant de l'intégration simplifiée au bâti et, pour les bâtiments non résidentiels, de l'intégration au bâti, bénéficieront d'un bonus maximum de 10% "en fonction de l'origine de composants des panneaux photovoltaïques".
"Les volumes cibles déclenchant l'ajustement tarifaire pour les installations de petite taille seront immédiatement significativement revus à la hausse, en prenant en compte le retour d'expérience sur les projets effectivement réalisés depuis mars 2011". Autres nouveautés, la création d'un fonds et d'une mission pour soutenir la filière bois, et le lancement d'un "plan national Biogaz". Enfin, l'Ademe lancera début 2013 "une initiative pour la construction de démonstrateurs d'énergie hydrolienne de taille pré-industrielle", et une étude sur le potentiel de la filière des énergies marines sera réalisée d'ici à la fin 2012.
Le malus automobile sera durci pour les véhicules les plus émetteurs de CO2. En matière de carburants, le gouvernement confirme la baisse de l'avantage fiscal en faveur des biocarburants en 2014 et sa suppression "d'ici fin 2015".
Des précisions sur la loi-cadre sur la biodiversité
Pour "faire de la France un pays exemplaire en matière de reconquête de la biodiversité", la feuille de route revient sur les mesures qui seront contenues dans la future loi cadre "biodiversité", à commencer par la création d'une Agence nationale de la biodiversité. "Ses missions, son articulation avec les collectivités locales, ses relations avec les établissements d'enseignement supérieur et de recherche feront l'objet d'une concertation dans le cadre de la préparation de la loi , précise la feuille de route. "Un préfigurateur sera nommé d'ici fin octobre." " L'Observatoire du foncier agricole sera étendu aux fonciers naturel et forestier afin de suivre l'efficacité des mesures prises pour lutter contre l'artificialisation des sols" et la loi créera aussi "des protections localisées des ressources halieutiques". En matière de gouvernance, un Comité national de la biodiversité sera créé "en vue de rassembler le grand nombre de comités de concertation intervenant dans ce domaine". "Afin de contribuer à la définition des nouveaux outils qui pourront être repris dans le cadre de la future loi, des débats locaux seront organisés au niveau régional." "En raison des liens étroits entre aménagement du territoire et préservation de la biodiversité, et afin d'assurer la bonne coordination et la bonne cohérence des lois 'logement, urbanisme et ville' et 'biodiversité', un groupe de concertation commun sera mis en place afin de définir les nouveaux outils et les nouvelles mesures à mettre en œuvre", précise la feuille de route.
Des prototypes des "portraits de la biodiversité communale" pour fin 2012
Concernant les "mesures immédiates", "les textes relatifs à la trame verte et bleue seront publiés d'ici fin 2012 et le premier programme d'actions de la stratégie de création d'aires protégées sera finalisé d'ici mi-2013. Des programmes d'actions prioritaires en matière de rétablissement des continuités écologiques, retenus à partir des schémas régionaux de cohérence écologique, seront mis en œuvre avec l'Etat". Les "portraits de la biodiversité communale" seront mis à la disposition des collectivités locales sous forme de prototypes d'ici la fin de 2012, puis de produits complétés en 2013. La cartographie des habitats sur la France entière (terre et mer) sera réalisée d'ici 2017. La réalisation des atlas de la biodiversité communale sera poursuivie. D'ici fin 2012 un plan Abeilles sera finalisé et d'ici fin 2013 un plan Pollinisateurs sauvages. Le parc marin de Picardie-Côte d'Opale sera créé.
Afin de "mettre en valeur les atouts de la biodiversité ultramarine", des débats locaux seront organisés en relation avec les collectivités, dans le cade de l'Initiative française pour la conservation et la gestion de la biodiversité outre-mer, pour aboutir à des stratégies territoriales de la biodiversité. Les inventaires de la biodiversité outre-mer seront achevés "d'ici 2017". "Le réseau d'espaces protégés sera complété et l'accent sera mis sur la qualité de la gestion des espaces protégés créés et leur insertion dans la vie socio-économique des territoires. Le gouvernement s'assurera que le dispositif d'accès et de partage des avantages élaboré est respectueux dans les outre-mer des savoir-faire traditionnels et bénéfiques aux populations locales." Le gouvernement s'engage en outre à "freiner au niveau national l'artificialisation nette des espaces agricoles et naturels", avec un calendrier prévu pour début 2013 dans le cadre du projet de loi sur le logement, l'urbanisme et la ville préparé pour début 2013. "Dans le cadre de la prochaine stratégie d'acquisition 2013-2030, le rythme d'acquisition du Conservatoire du littoral sera maintenu, pour poursuivre l'objectif du tiers sauvage et renforcer l'accès du public aux espaces protégés et au littoral, avec en particulier la création du sentier du littoral outre-mer".
Verdissement de l'agriculture
"Le gouvernement défendra un verdissement ambitieux du premier pilier de la politique agricole commune, au service de la biodiversité et de l'environnement (préservation des prairies permanentes, présence d'infrastructures et de surfaces d'intérêt écologique, diversité des assolements), ainsi qu'une mise en œuvre ambitieuse des mesures du deuxième pilier de nature à encourager de nouveaux modèles de production", souligne la feuille de route. Un nouveau plan Agriculture biologique sera établi "d'ici mi-2013", avec l'objectif de "doubler d'ici fin 2017 par rapport à fin 2012 le pourcentage de surface agricole utile en agriculture biologique". L'efficacité du plan Ecophyto, qui a échoué à faire diminuer l'utilisation des pesticides, sera évaluée d'ici fin 2012 avec des mesures de renforcement "immédiatement après". Le gouvernement veut également ouvrir "une réflexion" d'ici à la fin 2013 "sur les moyens réglementaires à mettre en œuvre pour une véritable protection des riverains vis-à-vis des dérives de traitements phytosanitaires". Il "reviendra au principe ferme d'interdiction d'épandage aérien de produits phytosanitaires". Un bilan des dérogations à l'interdiction d'épandage aérien sera établi d'ici la fin de l'année 2012. "L'arrêté du 31 mars 2011 encadrant les conditions de dérogations sera révisé en conséquence et le gouvernement définira les modalités de sortie de cette pratique." Le gouvernement entend aussi "maintenir le moratoire sur la mise en culture de semences OGM autorisées au niveau communautaire".
"D'ici mars 2013 sera réalisé le bilan de la politique de l'eau de 2006 à 2012 et des actions engagées dans le cadre de la mise en œuvre de la directive cadre sur l'eau." "Un volet spécifique sur l'utilisation de l'eau en agriculture fera l'objet d'une mission distincte dont le rendu est attendu à la fin de l'année 2012." Les moyens dévolus aux agences de l'eau seront portés de 12,4 milliards d'euros pour le neuvième programme (2007-2012) à 13,3 milliards d'euros pour le dixième programme (2013-2018). "Ces moyens renforcés seront dévolus en priorité à l'amélioration de l'état des masses d'eau, conformément aux objectifs fixés par la directive cadre sur l'eau."
"Dans le cadre d'une réflexion d'ensemble en faveur du paysage", le gouvernement entend également "compléter et renforcer la réglementation sur l'affichage publicitaire pour une meilleure préservation du paysage et du cadre de vie".
Pour "prévenir les risques sanitaires environnementaux", le texte rappelle le soutien gouvernemental à la proposition de loi sur l'interdiction du bisphénol A et informe qu'un groupe de travail sera mis en place sur les perturbateurs endocriniens "pour élaborer d'ici juin 2013 une stratégie nationale". L'expertise sur les effets des radiofréquences sera actualisée, "le volet environnemental du plan Cancer sera renforcé".
Financement et fiscalité écologique
En termes de financement, la feuille de route confirme que la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les polluants atmosphériques sera "étendue et renforcée dans la loi de finances pour 2013". "D'ici la fin de l'année 2012" sera instauré "un dispositif permanent de consultation avec les parties prenantes de la gouvernance à 5+1 (services de l'Etat, syndicats de salariés, représentants des entreprises, associations, collectivités, parlementaires nationaux et européens), auxquelles seront spécifiquement associés les acteurs économiques les plus directement concernés". Ce comité sera "chargé de donner un avis sur les mesures fiscales écologiques proposées par le gouvernement et de faire des propositions en la matière". La feuille de route recommande aussi "d'inscrire dans les missions de la Banque publique d'investissement le soutien public à l'innovation et aux investissements dans les secteurs de la transition écologique et énergétique (rénovation thermique, énergies renouvelables, écotechnologies)".
Par ailleurs, le gouvernement se fixe comme programme de travail de "réformer la fiscalité écologique pour accompagner la transition écologique et énergétique", en "identifiant les domaines dans lesquels la fiscalité peut jouer un rôle" et " en menant ou complétant les études sur l'impact de la fiscalité proposée pour les acteurs". "Une attention particulière sera portée à leur vulnérabilité, vis-à-vis de la concurrence internationale (entreprises) ou de leur pouvoir d'achat (ménages)", indique le gouvernement. La feuille de route propose aussi de "réexaminer les dépenses fiscales relatives à l'usage des énergies fossiles afin d'orienter progressivement la fiscalité vers des usages sobres en émissions de gaz à effet de serre et en particules". "L'objectif d'amélioration de la qualité de l'air doit être mieux pris en compte dans la fiscalité des véhicules (taxe sur les véhicules de sociétés, malus automobile, barème kilométrique), des carburants et de l'énergie (gaz, fioul, biomasse)", ajoute-t-elle. "L'impact environnemental global de la fiscalité des véhicules sera examiné en passant en revue chacune de ses composantes au regard de sa capacité à faire évoluer les comportements".
"Pour renforcer le caractère incitatif de la fiscalité sur les polluants de l'eau, seront notamment étudiées l'augmentation progressive de la redevance 'pollutions diffuses' de manière à réduire de moitié l'usage des produits phytosanitaires d'ici 2018 et l'évolution de la TGAP sur les détergents pour réduire les rejets de phosphates et composés du phosphore dans les milieux aquatiques", souligne la feuille de route.
Elle propose aussi une "concertation afin de promouvoir la production d'un budget annexe dédié au financement du service public des déchets ou d'étendre son financement par la redevance d'enlèvement des déchets ménagers". "Des adaptations seront proposées aux TGAP sur le stockage et l'incinération des déchets ménagers, afin de prolonger et d'accélérer la trajectoire d'augmentation des taux et de limiter les modulations aux équipements les plus performants. La généralisation de la tarification incitative sera poursuivie et les mécanismes de responsabilité élargie du producteur seront étendus, en lien avec une rationalisation du paysage des éco-organismes", indique encore la feuille de route. Elle propose aussi d'étudier "le rôle que la fiscalité relative à l'aménagement peut jouer dans la prévention de l'étalement urbain (et, par cette voie, dans la lutte contre l'artificialisation des sols), en lien avec les outils réglementaires de l'urbanisme" et de "répertorier l'ensemble des usages commerciaux et d'exploitation de la biodiversité et des milieux terrestres et marins ainsi que leur fiscalisation à hauteur des dommages causés".
Elle préconise "d'aménager la redevance pour prélèvements sur la ressource en eau afin de mieux corréler ses taux à la pression sur la ressource au niveau local et de rééquilibrer la contribution des différents usagers. En accompagnement de ces réformes, sera en outre examinée l'opportunité d'instituer une aide à l'accès aux biens essentiels attribués en fonction des revenus des foyers". "Afin d'encourager le recyclage des matériaux et réduire la pression sur la ressource, l'adaptation du régime de la TGAP sur les matériaux d'extraction sera proposée." Les mêmes principes guideront la réforme de la redevance domaniale pour les granulats marins. Enfin, "l'instauration d'une TGAP sur le stockage des déchets inertes sera mise à l'étude, afin de limiter la pression sur les ressources minérales", poursuit la feuille de route. "Les orientations stratégiques des établissements publics de financements (BPI, Banque des collectivités locales, AFD, Caisse des Dépôts…) comprendront un volet lié à la transition écologique de l'économie." La feuille de route précise que "la BPI sera concentrée, sur une bonne part de ses activités, sur la conversion écologique du système productif. La France formulera également des propositions auprès des financeurs européens (Commission, Conseil, Banque européenne d'investissement…), y compris en termes de marchés publics (réciprocité) et dans le cadre de la négociation de la directive sur les marchés publics. Elle perfectionnera et diffusera les outils qui existent déjà à ce sujet au niveau local, notamment pour l'instruction des fonds Feder, voire pour les dépenses d'intervention de certaines collectivités. "L'Etat et les régions se mobiliseront pour saisir les opportunités du pacte de croissance européen et obtenir que les fonds structurels – qui ne sont pas entièrement consommés – puissent être affectés à des projets énergétiques ou des projets écologiques."
Modernisation du droit de l'environnement
Pour "améliorer la gouvernance environnementale, la feuille de route prévoit notamment l'organisation à la fin du printemps 2013 d'"Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement". Le gouvernement procédera en outre "sans délai" à l'installation du nouveau Conseil national de la mer et des littoraux "dont la composition sera ensuite revue". Il engagera aussi une réforme de la mise en œuvre de l'autorité environnementale en région "afin de clarifier l'autorité compétente pour agir en tant qu'autorité environnementale en renforçant son indépendance". "Un comité interministériel, comprenant notamment des représentants des outre-mer, chargé de rédiger le cahier des charges d'un appel à projets pour cinq ou six démonstrateurs de développement durable (écoquartiers, villes ou territoires durables à zéro consommation) sera mis sur pied et les crédits restants des fonds PIA seront mobilisés sur ces projets." Enfin, "le gouvernement veillera à ce que les débats nationaux sur l'énergie et la biodiversité prolongeant la Conférence environnementale soient articulés avec les réflexions qui s'engagent en vue de la préparation d'une loi-cadre sur la décentralisation".