Commande publique - Concessions d'aménagement passées sans publicité avant 2005 : attention, danger !
Quel avenir pour les conventions publiques d’aménagement passées avant la loi du 20 juillet 2005 sans publicité ni mise en concurrence ? Très clairement, la cour administrative d'appel de Nantes vient de déclarer leur illégalité. Tous les actes qui en découlent sont donc également entachés d'illégalité.
Par l'article 11 de la loi du 20 juillet 2005, le législateur avait validé l'ensemble des concessions passées sans publicité avant la publication de cette loi. Or, la cour administrative d'appel de Nantes a, dans un arrêt du 10 novembre 2009, estimé que cette loi était contraire aux objectifs de la directive 93/37/CEE du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, qui pose dans son préambule le respect des règles de publicité et de concurrence. Le droit communautaire étant supérieur à la loi nationale, le juge administratif doit donc écarter toute la loi contraire au droit communautaire. C'est précisément ce qu'il a fait dans cet arrêt du 10 novembre 2009.
Dans un premier temps, le juge administratif a admis que la loi du 20 juillet 2005 s'appliquait bien au cas présenté. "Il est vrai, qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 20 juillet 2005 susvisée, relative aux concessions d'aménagement : Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées, en tant que leur légalité serait contestée au motif que la désignation de l'aménageur n'a pas été précédée d'une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes : - 1° (...) les conventions publiques d'aménagement (...) signées avant la publication de la présente loi". En l’espèce, la convention d’aménagement entre le département du Loir-et-Cher et une entreprise a été signée le 13 février 2004, soit avant la publication de la loi du 20 juillet 2005. Dès lors, les dispositions de l’article 11 de cette même loi trouvent à s’appliquer et les requérants ne sont pas fondés à contester la légalité de la convention qui désigne un aménageur parce que cette désignation n’aurait pas été précédée de mesures de publicité et de mise en concurrence.
Cependant, dans un second temps, le juge écarte l’application de la loi française car "les dispositions de l'article 11 de la loi du 20 juillet 2005, qui ont pour objet de soustraire la passation des conventions publiques d'aménagement, telle la convention précitée du 13 février 2004, à toute procédure de publicité et de mise en concurrence, ne sont pas compatibles avec les objectifs de la directive 93/37/CEE ; qu'ainsi, les dispositions législatives précitées, en raison de cette incompatibilité, ne peuvent avoir d'incidence sur l'illégalité dont est entachée ladite convention publique d'aménagement". Dès lors la convention du 13 février 2004 est entachée d’illégalité, ainsi que tous les actes postérieurs pris sur son fondement, telle que la déclaration d’utilité publique du projet d’aménagement.
Quelles conséquences tirer de cette décision ? Quel avenir pour ces conventions passées sans publicité avant la loi du 20 juin 2005 ? Faut-il conclure de nouvelles conventions, car les précédentes ont été passées en méconnaissance des objectifs de la directive 93/37/CEE ? A ces questions, le juge n'apporte pas de réponse. Comme aucun texte national (loi, ordonnance) ne peut avoir d'effet rétroactif pour régler la question, que le droit européen n'a aucune raison d'être modifié prochainement, les collectivités concernées sont pour l'instant en insécurité juridique. S'il n'y a pas de pourvoi sur ce dossier, il faudra attendre un autre contentieux pour avoir l'avis du Conseil d'Etat sur ce point. Un dossier à suivre attentivement.
L’Apasp et HL
Références: loi n°2005-809 du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement ; arrêt de la Cour administrative d'appel de Nantes du 10 novembre 2009, n° 08NT02570.