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Communication / Elus - Communication et élections : le Conseil d'Etat résume toute sa jurisprudence dans un arrêt

Dans un arrêt du 8 juin 2015, le Conseil d'Etat valide le déroulement des élections des conseillers municipaux et des conseillers communautaires de la ville de Saint-Raphaël (Var, 35.000 habitants), les 23 et 30 mars 2014. En l'occurrence, le Conseil d'Etat confirme la décision rendue en première instance, le 15 octobre 2014, par le tribunal administratif de Toulon. Il n'y aurait donc pas grand-chose à dire sur cet arrêt, s'il n'était qu'il constitue un très bon résumé de la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière de communication en période électorale.

Les inaugurations, les premières pierres, les vœux...

Pour tenter d'obtenir l'annulation de l'élection du maire, les auteurs du recours ont en effet invoqué - presque - tous les moyens imaginables, tous révoqués un par un par le Conseil d'Etat.
On peut ainsi retenir que le fait, pour le maire sortant - également président de la communauté d'agglomération Var Est Méditerranée (Cavem) - d'avoir procédé, dans les semaines précédant l'élection, à l'inauguration ou à la pose de premières pierres de divers équipements destinés à être livrée en 2015 - dont un centre cardiovasculaire et une résidence services pour personnes âgées - n'est pas constitutif d'une "campagne de promotion publicitaire des réalisations de la municipalité, prohibée par les dispositions précitées de l'article L.52-1 du Code électoral".
Il en est de même pour la cérémonie des vœux - en l'occurrence trois mois avant les élections de fin mars -, "qui, en vertu d'une tradition établie, se tiennent dans chacun des cinq quartiers composant la commune de Saint-Raphaël avant d'être présentés à l'ensemble des habitants au palais des Congrès". En l'occurrence, c'est le caractère récurrent de cette cérémonie qui l'exonère de tout soupçon de communication électorale.

... le magazine municipal...

Est conforme également au Code électoral la parution de trois numéros du magazine bimestriel de la commune de Saint-Raphaël, intitulé "Le Lien", sortis sans modification de leur périodicité et de leur format par rapport aux numéros habituels de cette publication (diffusée depuis 1995). Le Conseil d'Etat souligne aussi que les numéros de septembre-octobre 2013 et de novembre-décembre 2013 ne comportaient pas d'éditorial signé par le maire sortant et ne contenaient "qu'un nombre restreint de photos, de taille réduite, le représentant".
Pour sa part, le numéro de janvier-février 2014 comportait certes, sous la forme d'un éditorial non signé, les voeux adressés à la population par le maire et le conseil municipal, ainsi que des articles, "parfois assortis de photos du maire plus nombreuses et d'une taille plus grande que celles figurant dans les deux numéros précédents", consacrés aux inaugurations et poses de la première pierre ayant eu lieu au cours du mois de décembre 2013. Mais le Conseil d'Etat reprend une jurisprudence constante en considérant que "ces articles, qui traitaient de réalisations de la municipalité sans excéder l'objet d'une telle publication, qui est d'informer les habitants sur la vie de leurs quartiers et de leur commune, ni faire explicitement référence aux élections municipales de mars 2014, et sans employer un ton polémique ou dresser un bilan exagérément avantageux de ces réalisations, ne peuvent être regardés comme constitutifs d'une campagne de promotion, au sens des dispositions précitées du Code électoral".

... et les articles de presse !

Enfin - autre grand classique de la jurisprudence qui peine quelque peu à pénétrer l'esprit des requérants après une élection -, la presse est parfaitement libre de ses propos, voire de ses prises de position et, sauf circonstances particulières (voir notre article ci-contre du 11 mai 2015), des articles ne sauraient être regardés comme une campagne de promotion publicitaire. L'arrêt du Conseil d'Etat rappelle donc, à nouveau, que si "la presse locale a accordé une place importante aux actions de M. C... pour relater, entre le début du mois d'octobre 2013 et le 19 mars 2014, les réunions publiques présidées par ce dernier, dresser un bilan des réalisations de la municipalité sortante et évoquer les projets en cours, sans cependant énoncer un programme électoral, la parution de ces articles relève de la liberté éditoriale des organes de presse, auxquels ni la loi du 29 juillet 1881, ni aucune disposition législative ou réglementaire en vigueur n'interdit ni ne limite les prises de position politique lors des campagnes électorales et ne saurait, dès lors, être regardée comme constitutive d'une campagne de promotion, au sens des dispositions de l'article L.52-1 du Code électoral".

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Conseil d'Etat, 3e et 8e sous-sections réunies, arrêt n°385721 du 8 juin 2015, M. A.D et M. E.F.