Communication / Elus - Communication en période électorale : tout n'est pas permis
Dans une très récente série de cinq décisions portant sur les dernières élections législatives, le Conseil constitutionnel s'est montré plutôt souple sur l'interprétation de l'article L.52-1 du Code électoral (voir notre article ci-contre du 26 novembre 2012) qui prévoit qu'"à compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin".
Il ne faudrait pas en conclure pour autant que tout est permis. Une décision du 29 novembre, concernant la 3e circonscription du Loir-et-Cher, aurait pu en effet coûter très cher au député élu, Maurice Leroy (UDI), ancien ministre de la Ville dans le gouvernement Fillon. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel rejette son compte de campagne (pourtant approuvé par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques le 10 octobre dernier) mais ne va pas jusqu'à annuler son élection, ni à le déclarer inéligible.
En l'occurrence, le recours introduit par Jean-Yves Narquin, exclu de l'UMP en 2007 pour s'être présenté contre Maurice Leroy (et devenu, en 2012, candidat sous l'étiquette du Front national), s'appuyait sur la publication, les 14 avril, 12 mai et 2 juin 2012, dans le quotidien régional "La Nouvelle République" de plusieurs encarts faisant la promotion de l'action du conseil général de Loir-et-Cher, présidé par Maurice Leroy. Dans ses considérants, le Conseil constitutionnel confirme la publication de ces encarts "présentant une photographie et une citation de M. Leroy rappelant son engagement dans le soutien de plusieurs catégories d'acteurs économiques du département" et faisant "la promotion de réalisations choisies dans des communes de la 3e circonscription de Loir-et-Cher". Le Conseil considère "que cette présentation tendait à mettre en valeur la personne du président du conseil général de Loir-et-Cher ; qu'eu égard à leur contenu et à la proximité du scrutin, ces publications doivent être regardées comme ayant une finalité électorale et, par suite, méconnaissent les dispositions de l'article L.52-8 du Code électoral [limitant le montant des dons en espèces ou en nature, NDLR] ; que cette méconnaissance justifie le rejet du compte de campagne de M. Leroy".
Une faute bénigne ?
Toutefois, eu égard à l'écart de voix au second tour entre le député élu et la candidate socialiste (respectivement 58,05% et 41,95% des voix), le Conseil constitutionnel considère que "cette méconnaissance des dispositions susvisées, pour regrettable qu'elle soit, n'a pas eu d'influence déterminante sur le résultat du scrutin". Il s'agit là d'une appréciation traditionnelle du Conseil.
Restait l'éventuelle application du 3e alinéa de l'article LO.136-1 du Code électoral, dans la rédaction issue de la loi du 14 avril 2011 portant simplification du Code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique. Celui-ci prévoit que le Conseil constitutionnel "prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales". Le Conseil constitutionnel considère "qu'il ne résulte pas de l'instruction que la méconnaissance de l'article L. 52-8 révèle en l'espèce une volonté de fraude ; qu'en outre, eu égard au nombre de publications, ces agissements ne peuvent être regardés comme un manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales ; qu'en conséquence il n'y a pas lieu de prononcer l'inéligibilité du candidat". Ces considérants peuvent surprendre. On peut en effet en déduire que le fait de publier, à quelques jours des élections, trois encarts publicitaires successifs dans le quotidien régional - avec photos et citation - vantant les réalisations du conseil général - dont le candidat est le président - dans sa circonscription et le tout au frais du département, ne peut être regardé "comme un manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Conseil constitutionnel, décision n°2012-4603 AN du 29 novembre 2012 (Journal officiel du 1er décembre 2012).