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Communication - Communication en période électorale : le Conseil d'Etat résume sa jurisprudence 2009

Dans son rapport public 2010, le Conseil d'Etat consacre un développement à l'évolution de sa jurisprudence en matière de communication en période électorale, à travers plusieurs décisions rendues l'an dernier et portant sur les élections municipales de 2008. Le principal apport jurisprudentiel enregistré en la matière concerne le référencement commercial des sites de candidats à une élection.

 

Le référencement payant est une démarche commerciale

Dans une décision du 13 février 2009 (élections municipales de la commune de Fuveau, numéro 317637), le Conseil a en effet jugé "que le référencement commercial du site d'un candidat sur un moteur de recherche sur internet revêt [...] le caractère d'un procédé prohibé de publicité commerciale, puisqu'il a pour finalité d'attirer vers lui des internautes qui effectuent des recherches, même dépourvues de tout lien avec les élections municipales". Cette décision apporte une restriction à une jurisprudence jusqu'alors plutôt libérale puisque, depuis une décision du 8 juillet 2002 (élections municipales de Rodez, numéro 239220), un site internet ouvert par un candidat, même pour le seul bénéfice d'une campagne, n'est pas considéré comme une publicité commerciale, dès lors que l'accès au site relève du choix des internautes (ce qui ne dispense évidemment pas du respect des règles applicables à son financement).

 

Souplesse sur les annonces préélectorales

Les autres décisions mentionnées dans le rapport public 2010 sont plus classiques. Elles apportent néanmoins de nouvelles précisions intéressantes sur ce qui est autorisé ou non durant une période électorale. Ainsi, le Conseil d'Etat a validé (8 juin 2009, élections municipales de Saint-Dié-des-Vosges, numéro 321911) l'envoi dans les jours précédant l'élection, par le directeur de l'Urbanisme et des Services techniques de la ville, d'un courrier aux habitants des logements sociaux leur annonçant le reversement prochain d'une somme de 100 euros par habitation correspondant à un trop-perçu constaté sur le compte de charges du concessionnaire du réseau de chauffage urbain. De même, le Conseil a considéré (24 juillet 2009, élections municipales de Montauban, numéros 322221, 322550 et 322595) que "l'annonce, par le ministre de la Défense venu rencontrer le régiment en garnison dans la ville de Montauban, que ce régiment ne figurait pas parmi les unités devant supporter des baisses d'effectifs, mais pourrait, au contraire, connaître un renforcement de ses effectifs, n'avait pas non plus revêtu, en l'espèce, le caractère d'une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin municipal". Le ministre s'était en effet gardé de toute allusion aux élections devant les militaires. La participation du ministre, le soir même, à une réunion politique sur place a également été validée, "en l'absence de lien entre les annonces faites dans le cadre de ses fonctions ministérielles et le soutien apporté à une candidate en sa qualité de chef de parti". Un cran au-dessus, le Conseil d'Etat a également considéré (15 mai 2009, élections municipales de Marseille - 3e secteur, numéro 322053) qu'une lettre du président de la République au maire de Marseille, rendant hommage à son action et annonçant des engagements de l'Etat en faveur de plusieurs projets, rendue publique au lendemain du premier tour, n'avait pas faussé les résultats du scrutin, "eu égard à son contenu, au temps dont les adversaires du maire sortant ont disposé pour y répondre, et compte tenu de l'écart de voix".

 

Le don ne paie pas, l'insulte non plus

En revanche, le Conseil d'Etat a sanctionné (8 juin 2009, élections municipales de Corbeil-Essonnes, numéro 322236) l'existence de dons effectués par l'équipe du maire sortant. Sans pouvoir établir l'ampleur exacte de ces dons, le Conseil a considéré que ces faits persistants "étaient de nature à altérer la sincérité du scrutin et à en vicier les résultats, eu égard notamment au faible écart de voix" (170 suffrages). Enfin, au registre des injures et de la diffamation, la prudence s'impose, et pas seulement pour des raisons morales évidentes. Le Conseil d'Etat a en effet annulé les municipales d'Aix-en-Provence (8 juin 2009, élections municipales d'Aix-en-Provence, numéro 321974) "en raison du caractère exceptionnellement violent des attaques ayant visé, au cours de la campagne, l'un des candidats". La décision s'appuie notamment sur "un tract anonyme, qui contenait des imputations injurieuses et diffamatoires mettant en cause la vie privée ou la probité de ce candidat et de certains des membres de sa liste, et qui a été évoqué par la presse et sur internet". Ce tract "a excédé largement les limites de ce qui peut être toléré dans le cadre de la polémique électorale et excluait une défense utile de la part des intéressés". La décision met également en cause la candidate et maire sortante qui - tout en niant être à l'origine du tract litigieux - a tenu, dans l'édition spéciale d'un hebdomadaire national, "des propos, non démentis, mettant clairement en cause la vie privée de ce candidat et de certains membres de sa liste" (sans cependant citer les noms des intéressés). Le Conseil d'Etat a donc considéré que tous ces faits "ont constitué une manoeuvre qui, compte tenu de leur retentissement d'ensemble, de l'écart réduit des voix séparant les listes arrivées en tête et en l'absence d'éléments permettant au Conseil d'Etat d'en mesurer les conséquences sur la répartition des suffrages, a été de nature à fausser les résultats du scrutin".

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : Conseil d'Etat, rapport public 2010.

 

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