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Communication / Elus - Le Conseil constitutionnel fait preuve de souplesse sur la communication en période électorale

Le Conseil constitutionnel confirme ou apporte des précisions sur les limites de la communication en période électorale, dans une série de cinq décisions portant sur les dernières élections législatives (et confirmant toutes le résultat initial). Il s'est précisément penché sur l'application du deuxième alinéa de l'article L.52-1 du Code électoral : "A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin."

Editoriaux et notoriété télévisée

Tout d'abord, dans la 11e circonscription des Yvelines, "La Lettre du maire" de mai et de juin 2012 a publié deux éditoriaux signés du maire de Trappes et commentant l'actualité électorale. Le Conseil constitutionnel (décision n°2012-4587 AN) a néanmoins considéré "que, d'une part, les éditoriaux des deux bulletins en cause n'évoquaient pas précisément les thèmes de campagne d'un candidat, pas plus qu'ils ne contenaient d'éléments de polémique électorale ; que, d'autre part, le candidat élu a inscrit dans son compte de campagne la dépense correspondant aux frais de la publication occasionnelle intitulée 'La Lettre du maire'".
Dans la même décision, le Conseil ne retient pas l'argument selon lequel le député élu (il s'agit de Benoît Hamon, aujourd'hui ministre délégué à l'Economie sociale et solidaire et à la Consommation) aurait participé à de nombreuses émissions diffusées par des chaînes de télévision et de radiodiffusion nationales dans des conditions entraînant une rupture de l'égalité. Le Conseil considère en effet que "nonobstant la notoriété de M. Hamon et les conséquences qui s'y attachent inévitablement quant à l'intérêt que les services de communication audiovisuelle ont porté à sa candidature, il convient d'examiner si les émissions de télévision et de radiodiffusion contestées par le requérant révèlent un traitement discriminatoire de nature à avoir altéré la sincérité des résultats du scrutin". Or, en l'occurrence, l'instruction montre que l'intéressé est intervenu sur des thèmes nationaux et "qu'il n'a fait, le cas échéant, que brièvement mention de la circonscription où il était candidat, sans éléments de propagande ni de polémique électorale locales".

Attachée de presse et changement de périodicité

Dans la 2e circonscription des Alpes-Maritimes (décision n°2012-4639 AN), le recours mettait en cause le rôle d'attachée de presse auprès du candidat élu joué par une employée de la communauté de communes Cians-Var. Il ressort de l'instruction que ces fonctions ne sont pas établies et "que, si elle a accompagné ce dernier lors de diverses manifestations, elle l'a fait, ainsi que l'atteste son supérieur hiérarchique, pendant ses jours de repos ou en dehors de ses heures de service, en continuant d'assumer normalement ses fonctions au sein de la communauté de communes".
La décision du Conseil valide également la mise à disposition d'une salle de cinéma communale pour une réunion électorale (dès lors que le maire concerné la mettait à la disposition de tous les candidats) et - selon une jurisprudence désormais bien établie - la participation du candidat élu à des manifestations locales revêtant "un caractère traditionnel" (dès lors que les documents diffusés à cette occasion ne revêtent pas un caractère promotionnel).
Plus surprenant, le Conseil constitutionnel valide, dans la 1re circonscription de la Savoie (décision n°2012-4645 AN), le changement de périodicité d'un bulletin municipal à l'approche de l'élection. Le Conseil considère en effet "que le bulletin municipal en cause ne peut être regardé, par son contenu, comme se rattachant à la campagne électorale ; qu'il ressort de l'instruction que la modification du rythme de publication de ce bulletin ne s'apparente pas à une manœuvre ; que, dès lors, les dépenses exposées pour sa réalisation et sa diffusion n'avaient pas à figurer dans le compte de campagne du candidat élu". En d'autres termes, la neutralité du bulletin l'emporte sur le changement de périodicité, qui était pourtant jusqu'alors vivement déconseillé en période préélectorale.

Distribution de roses

Côté insolite, on retiendra que le Conseil constitutionnel valide, dans la 2e circonscription de l'Yonne (décision n°2012-4646 AN), une distribution de roses trois jours avant le premier tour du scrutin, financée par la commune de Migennes au titre de sa politique d'animation du marché hebdomadaire. Le candidat élu étant socialiste, la distribution de roses aurait pu revêtir une symbolique particulière. Mais la décision du Conseil considère "que cette distribution de roses, à l'occasion de la Fête des mères, avait déjà été organisée l'année précédente par la commune de Migennes ; qu'aucun élément ne permet d'établir que la distribution des roses avait un objet électoral ; que, dès lors, cette distribution ne peut être considérée comme une dépense spécialement effectuée en vue de l'élection législative et devant, à ce titre, être intégrée dans le compte de campagne relatif à cette élection".
Enfin, dans la 3e circonscription du Lot-et-Garonne (décision n°2012-4646 AN), le Conseil constitutionnel confirme, une nouvelle fois, le caractère très large des manifestations qui peuvent se tenir durant la période préélectorale. Ainsi, le fait que le député élu (en l'occurrence Jérôme Cahuzac, l'actuel ministre délégué au Budget) a participé, durant cette période, à plusieurs inaugurations d'équipements publics dans la ville dont il est le maire, comme dans d'autres communes de la circonscription, ne tombe pas sous le coup du deuxième alinéa de l'article L.52-1 du Code électoral. Le Conseil considère en effet "que les différentes manifestations en cause s'inscrivent dans l'activité habituelle des collectivités publiques ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que leur fréquence et les choix de dates témoignent d'une volonté particulière d'influencer les électeurs ; qu'elles n'ont pas été l'occasion d'une expression politique en relation directe avec la campagne électorale". Même si, à l'occasion de l'inauguration de locaux techniques dans une commune, le maire de cette dernière et le candidat élu "ont tenu des propos en lien avec la campagne électorale, cette manifestation isolée et sans retombée médiatique significative, à laquelle M. Cahuzac participait en sa qualité de vice-président de la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois, s'inscrit dans le cadre du fonctionnement normal des services publics".

Jean-Noël Escudié / PCA
 

Références : Conseil constitutionnel, décisions n°2012-4587 AN, n°2012-4639 AN, n°2012-4645 AN, n°2012-4646 AN et n°2012-4650 AN du 20 novembre 2012 (Journal officiel du 22 novembre 2012).

 

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