Commerces de centre-ville : des signaux d'alerte

La fréquentation des centres-villes repart à la hausse, en particulier dans les villes du programme ACV, selon le 9e baromètre du centre-ville et des commerces, publié le 23 avril. Mais pour la maire d'Avignon, Cécile Helle (qui accueillera les prochaines assises du centre-ville), il faut faire attention à plusieurs signaux d'alerte : difficultés des grandes enseignes de l'habillement, développement des meublés de tourisme, du e-commerce…

Habitat, Camaïeu, NafNaf, Pimkie, Burton… La liste des enseignes de prêt-à-porter et d'équipements de la maison qui ferment s'allonge de jour en jour. "Dans les villes à taille humaine ces fermetures successives d'enseignes ne sont pas sans effet de déstabilisation", a alerté la maire d'Avignon Cécile Helle, mardi 23 avril, lors de la présentation du 9e baromètre de l'association Centre-ville en mouvement, au Sénat. 

Avignon, qui est engagée dans le programme Action cœur de ville (ACV) et dans le nouveau programme de revitalisation des zones commerciales (voir notre article du 11 octobre 2023 et notre article du 29 mars), accueillera les 18e assises nationales du centre-ville organisées par l'association, les 22 et 23 mai, où ces sujets ne manqueront pas d'être abordés. "La situation des franchises du vêtement est assez catastrophique", a abondé le maire de Sceaux et président de Centre-ville en mouvement, Philippe Laurent. C'est aussi le cas des magasins d'équipement à la personne et de la décoration, a-t-il souligné. En revanche, les commerces indépendants s'en sortent mieux, selon lui, car ils ont une "clientèle qui leur est propre, fidèle".

Pour Cécile Helle, il faut revenir dix ans en arrière pour voir pareille situation (ce que confirment les derniers chiffres des défaillances d'entreprises qui atteignent un niveau record depuis neuf ans). "Si ces enseignes sont sur un même axe commerçant, cela risque de le déstabiliser", a insisté l'élue. 

Alerte sur les meublés de tourisme

Parmi les autres "signaux qui peuvent inquiéter", Cécile Helle a relevé "une tendance au développement du e-commerce", "une tendance lourde de changement de pratiques", notamment chez les jeunes, mais aussi le développement des meublés de tourisme de type Airbnb. Avec des effets boule de neige. Ces meublés touristiques contribuent à la pénurie de logements et sont aussi en train de "transformer l'armature commerciale dans les centres" avec le changement de population qu'ils engendrent : les magasins de décoration, les fleuristes, les commerces de bouche cèdent progressivement la place à des enseignes de plats à emporter. "C'est une vraie alerte", a martelé l'édile.

Autant de signaux qui plaident pour ne pas relâcher les efforts entrepris depuis 2018 pour revitaliser les centres-villes, notamment dans le cadre du programme Action cœur de ville. Le 9e baromètre du centre-ville et des commerces* donne à cet égard des résultats encourageants. 70% des habitants vivant dans les 244 villes du programme se disent attachés à leur centre-ville, c'est 6 points de plus qu'au niveau national. La fréquentation est revenue au niveau d'avant-crise : 76% des habitants se rendent dans leur centre au moins une fois par semaine (+2% sur un an), 2 points de plus qu'au niveau national. A l'inverse, la part des habitants se rendant moins souvent dans leur centre a perdu près de 10 points en quatre ans. Le niveau de préoccupation des habitants pour le dynamisme de leur centre était de 74% en 2020 ; il est retombé à 67%...

Une nouvelle offre de services pour les villes ACV

A fin 2023, 8,4 milliards d'euros ont été mobilisés dans le programme ACV sur les 10 prévus. "Les courbes d'augmentation des engagements financiers montrent de très bons résultats", s'est félicitée Dominique Consille, directrice du programme au sein de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). "Je partage vos alertes sur l'évolution du commerce de centre-ville", a-t-elle toutefois ajouté, rappelant que le secteur du vêtement avait perdu 4.000 emplois en 2023. L'ANCT travaille à une "nouvelle offre de services", a-t-elle annoncé. L'enjeu est de former les chefs de projet du programme aux évolutions en cours : changements de comportements des consommateurs dans un "pays qui vieillit" et où les services prennent le pas sur les achats de biens... "Il faut que les centres-villes s'adaptent et répondent aux attentes", a-t-elle souligné, précisant que l'offre de services, développée avec le Cerema, allait aussi comporter un volet ingénierie pour "aider les maires ACV à anticiper ces grandes tendances" et à les aider à mener des actions sur la nature en ville, notamment pour lutter contre les îlots de chaleur.

"Enormément de points de fiscalité à revoir"

Pour Philippe Laurent, si la fréquentation des centres-villes est repartie à la hausse, cela ne se traduit pas dans les chiffres d'affaires. Le maire de Sceaux a par ailleurs jugé les loyers commerciaux dans certaines centralités "beaucoup trop élevés" et a appelé à des "évolutions législatives et règlementaires". Il souhaite aussi un changement de règles sur la taxe sur les locaux commerciaux vacants alors que les maires ont trop souvent affaire à des locaux laissés en déshérence par des propriétaires peu scrupuleux. Ces "verrues" annihilent tous les efforts réalisés autour. "Dans les PLU, nous pouvons identifier des locaux prioritaires ; il faut que la taxe sur les locaux commerciaux vacants soit très fortement augmentée et qu'elle puisse être enclenchée très rapidement", a plaidé le président de CVM. "On a énormément de points de fiscalité qu'il faut revoir et qui sont trop favorables aux propriétaires qui s'en foutent", a-t-il conclu.

Lors de sa première réunion, le nouveau Conseil national du commerce a pris une série de mesures parmi lesquelles figure la mensualisation des loyers (voir notre article du 15 mars). Cette mesure devrait se traduire dans le projet de loi de simplification qui sera présenté ce mercredi en conseil des ministres (voir notre article du 5 avril). Elle est portée par la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation, Olivia Grégoire, qui devrait prochainement organiser une rencontre nationale sur le commerce de centre-ville.

*Réalisé par l'institut CSA entre le 15 et le 28 février 2024 sur la base d'un échantillon national de 2.825 Français de plus de 18 ans, de 747 habitants des communes Action coeur de ville et de 531 habitants du Grand Paris.